Face à l'antisémitisme, défendre la culture européenne
C’est ce qu’on retiendra du 81e congrès du PS à Nancy, celle du député Jérôme Guedj accusant son ancien ami Jean-Luc Mélenchon d’être devenu un “salopard antisémite”. Cette question, charriée par le conflit israélo-palestinien, pollue totalement la relation entre le PS et LFI, et montre à quel point la géopolitique du Proche-Orient déteint sur la vie politique française. Difficile de s’en abstraire et chacun est sommé de choisir son camp. Mais s’agit-il d’une dérive ou l’antisémitisme a-t-il été toujours présent à gauche, auquel cas LFI réactiverait une attitude qui n’est pas si étrangère qu’on le pense à ce courant. Et que faire face à cet antisémitisme ? Phillipe Val, est au micro de RCF Notre-Dame.
Philippe Val, ancien directeur de France Inter et de Charlie Hebdo, au micro de RCF Notre-Dame © RCF Notre DameLa gauche française est au bord de la rupture, si le divorce n'est pas déjà prononcé. Profitant du 81ème congrès du Parti Socialiste, le député de l'Essonne Jérôme Guedj a, à la tribune, qualifié Jean-Luc Mélenchon de "salopard antisémite". Une invective qui révèle les tensions entre le PS et La France Insoumise, notamment autour de la question israélienne. Immédiatement les Insoumis ont exigé des excuses de la part des socialistes, demande rejetée par Olivier Faure. Le secrétaire général appelle à la désescalade et entend balayer cette affaire. Pourtant, pour Philippe Val, ancien directeur de France Inter et Charlie Hebdo, y voit la manifestation, déjà vue auparavant, de la séparation des gauches autour de la question très actuelle de l'antisémitisme.
Gauche radicale et gauche antisémite, une séparation historique autour de l'antisémitisme
Ce n'est pas la première fois que la gauche française se fracture autour de l'antisémitisme rappelle Philippe Val. En 1920, le député socialiste puis communiste Marcel Cachin se rend en Russie soviétique, voyage dont il rentrera inspiré par "l'instauration de la terreur, l'explosion de violences et la suspension des libertés" pour l'ancien directeur de presse. Au même moment, le grand reporter Albert Londres est aussi en voyage dans l'actuelle Russie, dont il en dénoncera le système. Les réactions divergentes au régime léninien puis stalinien illustrent pour Philippe Val la division de la gauche française en une "gauche républicaine", "libérale" héritière de l'esprit "dreyfusard" et une gauche "radicale qui a toujours été soit antisémite, soit compatible avec l'antisémitisme, héritière de 1793". Avant la Seconde Guerre Mondiale, la gauche du spectre politique français était déjà divisée sur l'enjeu de l'antisémitisme. "Et dix ans plus tard, de nouveau, il y a une scission par la gauche. Jacques Doriot s'en va, et le Parti populaire français", parti collaborationniste.
Mélenchon assume d'être de cette gauche radicale qui toujours été compatible avec l'antisémitisme.
Quel lien avec les invectives entre Jérôme Guedj et Jean-Luc Mélenchon ? Phillipe Val veut y voir un retour de la fracture de la gauche entre républicains et radicaux. "Mélenchon assume d'être de cette gauche radicale qui toujours été compatible avec l'antisémitisme. [...] Aujourd'hui, avec la fondation de l'État d'Israël, pour haïr les Juifs, il suffit de les rendre responsables de tout ce qui se passe en Israël." Face à la montée en puissance de la gauche radicale, une gauche républicaine incarnée par le parti socialiste "qui n'est pas sectaire, qui parle avec la droite, qui parle avec tout le monde, qui n'est pas idéologique et qui, une fois de plus, est insoupçonnable d'antisémitisme" mais qui perd ses bastions traditionnels au profit de LFI.
Lutter contre l'antisémitisme par la culture européenne
Si Philippe Val décrit l'antisémitisme comme grimpant à la gauche des hémicycles français, il se développe aussi à la faveur de la montée des droites nationalistes en Europe. En 2024, 37% des juifs européens déclaraient avoir été harcelés au motif qu'ils étaient juifs selon une étude de l'Agence des Droits Fondamentaux. Face à cela, l'ancien directeur de publication de Charlie Hebdo entend défendre une culture européenne. "Le judéo-christianisme est la fabrique de l'Europe". Le slogan "Nous sommes tous juifs" est même inscrit sur la couverture de son dernier livre La gauche et l'antisémitisme, paru aux Éditions de l'Observatoire. Chez l'auteur, l'idée d'un patriotisme européen, enclin à défendre une culture européenne héritière d'Homère, de Molière, d'Einstein...implique nécessairement une lutte contre l'antisémitisme : "Cette Europe, elle est faite aussi de la culture juive."


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