Face à la pénurie d'huile de tournesol, Alélor tient bon en Alsace

RCF: C'est quoi la situation aujourd'hui? Quel est l'impact de la guerre en Ukraine?

Alain Trautmann: Le déclenchement de la guerre en Ukraine nous a fait comprendre effectivement que l'Ukraine était un grenier à beaucoup de matières alimentaires, non seulement à graines mais également à produits alimentaires et à produits transformés, puisque l'Ukraine dessert l'Europe à 55% en huile de tournesol, qui est un exemple flagrant et révélateur. Dans la mayonnaise par exemple il faut incorporer 70% d'huile, c'est la réglementation qui nous l'impose et donc on a beaucoup de difficultés à nous approvisionner sur l'huile de tournesol. L'effet de pénurie a également provoqué une hausse de la matière première de manière significative. L'impact est double puisqu'il faut déjà continuer à trouver de l'huile, l'huile est une matière grasse absolument nécessaire pour faire l'émulsion et pour faire monter la mayonnaise. On en trouve encore un petit peu en Europe, dans les pays d'Espagne ou dans le sud, dans le bassin méditerranéen. La problématique est que tout le monde s'oriente vers ces endroits donc il y a une pénurie et aujourd'hui la difficulté est que cette pénurie a fait doubler le prix à l'heure actuelle et on a des grosses craintes qu'il va bientôt tripler. 

RCF: Et alors ça c'est pour l'aspect mayonnaise mais vous fabriquez aussi de la moutarde et peut-être contrairement à d'autres concurrents, vous avez un avantage ici c'est que vous faites appel à des producteurs locaux de grains de moutarde?

A.T: Nous avons effectivement chez Alélor décidé il y a 15 ans de réintrodruire la graine de moutarde en Alsace. Nous avons une population de 15 agriculteurs qui nous cultivent la graine et ces 15 agriculteurs nous couvrent environ 60% de notre besoin en production annuelle. Donc aujourd'hui on se défend avec ça, la problématique est que la demande est tellement forte, beaucoup de nos confrères sont à l'arrêt depuis le début de la crise en Ukraine. On a beaucoup de demandes auxquelles on ne peut malheureusement pas répondre à toutes mais nous essayons de privilégier notre clientèle existante. En graines de moutardes nous sommes couverts jusqu'à la fin de l'été donc normalement on n'aura pas de rupture de chaîne à notre niveau. Nous sommes une petite PME familiale et régionale, nous maîtrisons les approvisionnements que nous avons sous forme de contrats et nous avons physiquement la graine ici chez nous. En huile de tournesol c'est plus compliqué parce que l'huile de tournesol on ne peut pas vraiment la stocker en avance puisque pour fabriquer une mayonnaise il faut de l'huile relativement fraîche, et du coup en huile on ne commande que toutes les six semaines et donc là on est un peu dépendants de ce qu'il reste sur le marché.

RCF: Potentiellement il pourrait ne plus y avoir de production de mayonnaise Alélor à cause justement de cette crise de l'huile de tournesol?

A.T: Si nous devons privilégier effectivement un produit en terme d'arrêt parce que nous sommes dépendants d'une matière qui vient d'ailleurs, effectivement ça sera la mayonnaise. Nous la fabriquons depuis trois années, on est un acteur assez nouveau dans ce domaine. Ça nous embêterait fortement d'arrêter ce produit parce qu'il est en plein essor, surtout aujourd'hui avec les asperges et cet été avec les mayonnaises aromatisées. Nous ferons tous les efforts pour continuer à maintenir le produit. Si l'huile de tournesol venait vraiment a être en rupture, nous étudierons d'autres possibilités de fabriquer des recettes à partir d'autres huiles, soit de colza, soit de l'huile d'olives tout simplement.