Accueil
Violence chez les jeunes : faut-il favoriser une éducation à l'empathie ?

Violence chez les jeunes : faut-il favoriser une éducation à l'empathie ?

Un article rédigé par Emmanuelle Gründ - le 2 avril 2025 - Modifié le 3 avril 2025
L'Invité de la MatinaleComment expliquer la multiplication de violences commises par des mineurs ?

Il y a un mois à Paris. Il y a trois semaines, c'était à Marseille. La semaine dernière dans l'Essonne. Les meurtres d'ados par d'autres ados reviennent à fréquence régulière dans l'actualité. Qu'est ce qui les pousse à s'entretuer ? Souvent, les faits à l'origine sont futiles : vol d'un téléphone portable, conflit entre bandes rivales. Le père Jean-Marie Petitclerc, éducateur, prêtre salésien, auteur de Spiritualité de l'éducation et voix de l'antenne grâce aux commentaires de la prière du matin, est au micro de Pierre-Hugues Dubois pour expliquer ce phénomène.

Père Jean-Marie Petitclerc, éducateur et prêtre salésien, est l'auteur de "Spiritualité de l'éducation". © Pierre-Hugues DuboisPère Jean-Marie Petitclerc, éducateur et prêtre salésien, est l'auteur de "Spiritualité de l'éducation". © Pierre-Hugues Dubois

"Aujourd'hui, un gamin est à terre et on va jusqu'à le tuer à coups de pied, de batte de baseball ou de couteau", souligne le père Jean-Marie Petitclerc, prêtre salésien et éducateur. Pour quelle raison observe-t-on une multiplication des violences commises par des mineurs ? Réponse avec le père Jean-Marie Petitclerc. 

Une augmentation du nombre de meurtres d'adolescents par d'autres adolescents

Depuis plusieurs mois, on voit à travers la France, une multiplication du nombre de meurtres d'adolescents commis par des adolescents. La guerre des bandes n'est pas nouvelle, mais "ce qui me paraît nouveau aujourd'hui, c'est qu'on puisse mourir dans le cadre d'une de ces guerres des bandes, explique le père Jean-Marie Petitclerc. Aujourd'hui, un gamin est à terre et on va jusqu'à le tuer à coups de pied, de batte de baseball ou de couteau", poursuit-il. L'éducateur se désole de constater un manque d'empathie de plus en plus marqué des jeunes face à la victime.

On a l'impression que va se jouer dans le réel ce qui se joue dans le virtuel

Pour lui, l'une des explications au phénomène peut résider dans une addiction des jeunes aux écrans. "Le problème des écrans, ce n'est pas le problème de la violence, c'est le problème d'une déconnexion entre la violence et la souffrance", constate-t-il. Derrières nos écrans, on ne voit ni la souffrance de la victime ni celle de son entourage. A contrario, dans le monde réel, c'est l'inverse. "On a l'impression que va se jouer dans le réel ce qui se joue dans le virtuel", relate le père Jean-Marie.

Le virtuel ressemble au réel

Aujourd'hui, avec le développement des nouvelles technologies, la violence virtuelle prend une tout autre forme. Auparavant, dans les jeux vidéo, les personnes qui se battaient étaient des silhouettes. Aujourd'hui, elles paraissent de plus en plus réelles. "Le virtuel ressemble au réel", constate l'éducateur. 

L'invité du week-endMartin Steffens, après la mort du jeune collégien à Viry Chatillon : "La violence, je la définis comme un rapport sans relation"

L'éducation à l'empathie est la ligne forte d'un éducateur

Face à cette augmentation de la violence chez les jeunes, les éducateurs ont un rôle d'autant plus important, ils doivent leur apprendre à maîtriser leur colère et leur frustration. Pour ce faire, le père Jean-Marie Petitclerc favorise l'éducation à l'empathie, qu'il considère "comme la ligne-force de la mission d'éducateur".

Il faut donner la possibilité aux jeunes de mettre des mots sur ce qu'ils ressentent. "Ces 40 années de pratique du métier d'éducateur m'ont fait découvrir que les jeunes les plus violents sont en quelque sorte des 'handicapés du langage émotif '", affirme-t-il. À l'image de Don Bosco, le prêtre salésien, cherche à mettre en place des activités qui permettent aux jeunes de développer leur empathie. Cela peut se faire à travers le théâtre ou la musique, qui vont contribuer à la prévention de la violence et de mettre des mots sur leurs émotions. "Chaque fois qu'on permet à un enfant de mettre des mots, de mettre des couleurs, de mettre des sons sur ce qu'il ressent, on fait reculer la violence", témoigne l'éducateur. 

Chaque fois qu'on permet à un enfant de mettre des mots, de mettre des couleurs,
de mettre des sons sur ce qu'il ressent, on fait reculer la violence

L'éducation à cette empathie chez les jeunes se fait partout et par toute la communauté éducative. C'est-à-dire que les professeurs comme les parents sont responsables de cette éducation. Don Bosco, disait que la première qualité d'un éducateur est celle d'être présent. "Je crois que ce que l'on vit aujourd'hui nécessite de la part des adultes d'être beaucoup plus présents à ce qui se joue effectivement dans ces rassemblements d'adolescents", affirme le père Jean-Marie.

Accompagner correctement les jeunes 

Le père Jean-Marie Petitclerc interroge la manière dont est rendue la justice des mineurs. "80 % des jeunes sanctionnés à leur premier délit ne récidivent pas. 80 % des jeunes incarcérés récidivent dans les six mois qui suivent leur sortie de prison", rappelle l'éducateur. Face à ces chiffres alarmants, il faut, selon le père Jean-Marie, intervenir avant l'incarcération du mineur. "Ce qui me paraît aujourd'hui important, c'est de mieux réagir à ce qu'on appelle la primo délinquance", explique-t-il. 

Pour l'éducateur, la prison n'est donc pas la bonne solution. Il faut selon lui, à l'image de Don Bosco, appliquer la sanction éducative comme correction. Cette dernière va permettre au jeune de pouvoir corriger son comportement. C'est-à-dire "prendre du recul sur les effets de la transgression qu'il a commise et de lui permettre de pouvoir réparer son erreur".

Il faut faire confiance aux jeunes, leur redonner l'espérance. En cette année jubilaire placée sous le signe de l'espérance par le pape François, il est dotant plus important de mettre en œuvre le plus de moyens possibles pour qu'un jeune qui a récidivé puisse retrouver l'espérance. "L'espérance n'est pas un objet, c'est une dynamique !, s'exclame le prêtre salésien. Combien nos jeunes aujourd'hui ont besoin de ce regard d'espérance des adultes ?" 

 

©RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
L'Invité de la Matinale
©RCF
Découvrir cette émission
Cet article vous a plu ? Partagez-le :

Pour aller plus loin

Suivez l’actualité nationale et régionale chaque jour

Votre Radio vit grâce à vos dons

Nous sommes un média associatif et professionnel.
Pour préserver la qualité de nos programmes et notre indépendance, nous comptons sur la mobilisation  de tous nos auditeurs. Vous aussi participez à son financement !

Faire un don
Qui sommes-nous ?

RCF est créée en 1982, à l'initiative de l'archevêque de Lyon, Monseigneur Decourtray, et du Père Emmanuel Payen. Dès l'origine, RCF porte l'ambition de diffuser un message d'espérance et de proposer au plus grand nombre une lecture chrétienne de la société et de l'actualité.

Forte de 600.000 auditeurs chaque jour, RCF compte désormais 64 radios locales et 270 fréquences en France et en Belgique. Ces 64 radios associatives reconnues d'intérêt général vivent essentiellement des dons de leurs auditeurs.

Information, culture, spiritualité, vie quotidienne : RCF propose un programme grand public, généraliste, de proximité.Le réseau RCF compte 300 salariés et 3.000 bénévoles.