Européennes 2024 : les enjeux de la défense

Un article rédigé par Baptiste Picot - RCF, le 16 mai 2024 - Modifié le 17 mai 2024
Je pense donc j'agisEuropéennes 2024 : les enjeux de la défense

360 millions d’électeurs à travers l’Union seront appelés aux urnes pour constituer le Parlement et ses 720 eurodéputés. Dans un contexte géopolitique tendu, les questions de défense européenne se retrouvent au centre des débats. Quels sont les pouvoirs de l’Union européenne en la matière ? Quels sont les impacts de cette guerre sur l’Europe et son futur ? Une émission Je pense donc j’agis présentée par Jean-Baptiste Labeur et Melchior Gormand. 

Guillaume Périgois © UnsplashGuillaume Périgois © Unsplash

Du 13 au 16 mai, l'émission Je pense donc j'agis se penche sur les grandes thématiques des élections européennes. La défense européenne s’impose comme un enjeu majeur de ce scrutin, dans le contexte de guerre entre la Russie et l’Ukraine.

Les prémices de la défense européenne

La question de la défense européenne n’est pas nouvelle et s’inscrit dans un long processus de réflexion"Dès les années cinquante, alors que l’Otan venait d’être créé, on parlait déjà de la Communauté européenne de défense (CED), que le général De Gaulle a refusé en 1954", explique le Général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la Revue Défense Nationale. Dans un contexte de réconciliation post-Seconde guerre mondiale, d’autres organisations ont tout de même vue le jour. "Il y a eu le création de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l'acier), établie en avril 1951 et qu’on considère comme étant l'ancêtre de l'Europe. Elle visait à créer des liens économiques et une réconciliation franco-allemande", raconte le Général.

La création de la CECA a fait mûrir l’idée de former le même type d’organisation mais dans le domaine de la défense, un projet qui n'a pas abouti "par crainte d’être assujetti, la France a pris un chemin différent en se dotant par exemple de l’arme nucléaire, c’est l'Otan qui a finalement pris le pas pour devenir l’organisation de défense généralisée”, précise Axel Nicolas, co-directeur de l'Observatoire de la défense à la fondation Jean-Jaurès.

La France a pris un chemin différent en se dotant par exemple de l’arme nucléaire.

On peut aussi évoquer la brigade franco-allemande, présentée comme un embryon d’armée européenne, qui n’a finalement pas vraiment fait ses preuves. "La brigade franco-allemande était la création de Mitterrand et Helmut Cool, mais son utilité opérationnelle n’a pas vraiment été démontrée. Il faut dire aussi que l’armée française est très forte pour les opérations extérieures, tandis que l’Allemagne se refuse souvent à s’engager dans d'autres pays", nuance Jérôme Pellistrandi, et d'ajouter "on peut aussi évoquer l’Eurocorps (corps de réaction rapide européen), qui a finalement été intégré à l'Otan".

La guerre en Ukraine, un grand bouleversement 

Le 24 février 2022, jour de la bascule

L’Europe et le monde ont été secoués par l’attaque de la Russie sur l’Ukraine, qui a fait un électrochoc aux politiques de défense européennes. "Il y a eu une bascule surtout pour l'Otan qui s’était un peu émoussée. Emmanuel Macron avait dit en 2019 que l'Otan était en état de mort cérébrale. Ça a vraiment été une bascule historique peut-être plus importante que le 11 septembre 2001", confesse Jérôme Pellistrandi.

"Quand on est au feu, haute intensité ou non, la balle de kalachnikov vous tue". Ce qui différencie la guerre en Ukraine des autres conflits qui ont eu lieu à proximité de l’Europe, c’est l’intensité. "Ce conflit est une guerre de haute intensité similaire à la première et Seconde guerre mondiale, avec beaucoup de troupes engagées, des puissances de feu colossales et de l’aviation, à quoi s’ajoutent les nouvelle technologies comme les drones ou le numérique", relate le Général.

Emmanuel Macron avait dit en 2019 que l'Otan était en état de mort cérébrale.

L'Europe était-elle prête à assumer un conflit de cette ampleur ? L’Europe n’était pas préparée à cela, ne serait-ce que du point de vue de l’industrie militaire. "On ne peut pas dire que les Européens étaient prêt. Ce qui symbolise le mieux cela, c’est qu’en mars 2023, Thierry Breton avait promis qu'en un an, un million d’obus seraient livrés à l'Ukraine et un an plus tard, c’est seulement entre 300.000 et 500.000 obus qui ont pu être livrés", souligne Axel Nicolas.   

Ce qui restera de la guerre en Ukraine

Cette guerre de haute intensité a réveillé l'Europe et l'industrie militaire, produisant plus et avec plus de soutien de l'UE et des États. "Avant, on produisait deux canons Caesar par mois. Aujourd'hui, on est à six, avec un délai de 15 mois entre la production de la première et de la dernière pièces", explique Jérôme Pellistrandi.

Après la guerre, faudrait-il fonder une armée européenne ? La création d’une armée européenne unique pourrait être tentante, mais cela ne serait pas forcément une bonne idée selon les invités. "Ce qui compte, ce sont les objectifs. Il pourrait y avoir une, deux ou quatre armées européennes. Le plus important, c’est que les pays puissent se défendre seuls", explique Axel Nicolas. Le Général Jérôme Pellistrandi ajoute : "une armée unique impliquerait une seule langue, un uniforme et ce pour des Allemands, des Slovaques, des Belges, etc. Ça ne fonctionnerait car ce qui est important, c’est la capacité opérationnelle et c’est justement ce qui manquerait. En revanche, ce qui fonctionne, c’est de travailler ensemble en partageant les équipements ou les informations. C’est un peu ce que fait l’Otan". 

Europe vs. États-Unis

La relation entre l’Europe et son allié américain est parfois un frein dans la coopération et le développement de bonnes ententes entre États. "Beaucoup de pays européens se tournent vers les américains pour se réarmer. On peut évoquer une étude de l’Iris par Jean-Pierre Maulny, qui montre qu'entre juin 2022 et juin 2023, les deux tiers des achats des pays européens ont été fait auprès des américains", illustre Axel Nicolas.  .

Il n’est pas sûr que Donald Trump soit réélu.

Les élections américaines arrivant à grand pas, la possible réélection de l’ex-président Donald Trump pourrait être déterminante dans les dynamiques internationales, notamment parce qu’il a laissé comprendre qu'il ne soutiendrait pas les pays européens menacés par la Russie. "Déjà, il n’est pas sûr que Donald Trump soit réélu. Ensuite, on commence à se rendre compte que même avec Biden, l’aide à l'Ukraine n’est plus aussi inébranlable qu’au début de la guerre. De plus, il semble que Trump pourrait tenter de diviser les Européens en marchandant de façon individuelle avec chacun des États membres", relate le co-directeur de l'Observatoire de la défense à la fondation Jean Jaurès.

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