Esprit, corps et âme : la vocation éducative de l’école catholique
Dans l’académie de Grenoble, ce sont plus de 603.000 élèves qui ont fait leur rentrée cette semaine. Parmi ces effectifs, on recense 35.000 élèves scolarisés dans les établissements catholiques d’enseignement du diocèse de Grenoble-Vienne.
Qu’est-ce qui fait la mission particulière de l’enseignement catholique ? Comment s’articule projet pédagogique commun à tous les établissements publics ou sous contrat et projet éducatif dans lequel la dimension confessionnelle est déterminante ? Un chef d'établissement nous répond...
Mathieu GouttefangeasStéphane Debusschère. Le diocèse de Grenoble-Vienne compte 110 établissements catholiques d’enseignement, de l’école primaire au lycée. Ensemble, ils accueillent près de 35 000 élèves accompagnés par 2 780 enseignants et de nombreux personnels éducatifs. Pour en parler, je reçois aujourd’hui Mathieu Gouttefangeas, chef d’établissement du Lycée Pierre-Termier à Grenoble. Mathieu, comment s’est déroulée cette rentrée 2025 ?
Mathieu Gouttefangeas. La rentrée s’est bien préparée. Nous avons accueilli environ 700 élèves, encadrés par une centaine d’adultes. Comme chaque année, il y a toujours une appréhension : avoir tous nos enseignants, s’assurer que les élèves sont présents, vérifier que tout se passe bien. Mais globalement, l’installation s’est faite sereinement.
SD Une rentrée, cela ne s’improvise pas. Comment se prépare-t-elle ?
MG Dès l’automne, nous anticipons l’année suivante. Avec les établissements catholiques de Grenoble, nous travaillons en concertation sur les phases de recrutement. Cette année, par exemple, nous avons organisé un forum commun pour présenter les orientations possibles aux collégiens. C’est un équilibre permanent : gérer l’année en cours tout en préparant déjà la suivante.
SD Vous disposez d’une certaine liberté dans l’organisation des filières et des options ?
MG Oui, mais elle est encadrée. Nous discutons avec le rectorat et la direction diocésaine. On ne peut pas ouvrir une spécialité sans justification liée aux besoins du bassin grenoblois. Mais à l’intérieur de ce cadre, nous avons la possibilité de bâtir un projet éducatif propre et d’intégrer des activités spirituelles ou culturelles.
SD Quelle est, selon vous, la spécificité d’un établissement catholique par rapport à un établissement public ?
MG Elle tient à notre caractère propre. Les familles choisissent librement notre projet éducatif, et nous les accueillons après un entretien. L’élève n’est pas réduit à une note : nous cherchons à le faire grandir dans toutes ses dimensions — intellectuelles, corporelles et spirituelles. Comme le rappelait Paul Malartre, « l’élève ne se résume pas à une note, il est une personne ». Nous essayons de vivre cela au quotidien.
SD Certains pourraient dire que l’attention à l’élève existe aussi dans le public. Quelle nuance apportez-vous ?
MG Bien sûr que l’attention existe partout. Mais nous voulons la décliner dans l’ensemble de la personne : esprit, corps et âme. À Pierre-Termier, nous avons des coordinateurs pédagogiques, des professeurs principaux, des adjoints, qui assurent un suivi individualisé. Cette articulation permet à l’élève de se sentir réellement accompagné.
SD Et la question des moyens ? Avez-vous les ressources nécessaires pour cet accompagnement ?
MG Nous recevons des financements publics proportionnels au nombre d’élèves. À cela s’ajoutent les contributions des familles, modulées selon leurs revenus, ainsi que les forfaits des collectivités. Nous mobilisons aussi nos fonds propres et parfois des dons de partenaires. Ces ressources permettent d’aller plus loin : journées d’intégration, projets éducatifs, dispositifs d’accompagnement.
SD Votre établissement est inséré dans un territoire. Quelles relations entretenez-vous avec l’extérieur ?
MG Nos BTS en alternance nous relient directement au tissu économique grenoblois. Nous travaillons aussi avec la Région, la Métropole, la commune et la vie paroissiale. Avec 700 élèves et 100 adultes, Pierre-Termier est un véritable « village » qui compte dans la vie du quartier.
SD La laïcité rend-elle les relations plus compliquées avec les institutions ?
MG Non. Le cadre fixé par la loi Debré est clair. Nos relations avec les collectivités sont confiantes et constructives. Nous ne faisons pas de prosélytisme : nous incarnons des valeurs universelles comme le respect, l’accueil et l’ouverture.
SD Parlons de la dimension pastorale. Comment se vit-elle dans un établissement où les élèves et les familles sont très divers ?
MG La pastorale n’est pas un service parmi d’autres, elle est la source de notre mission. Les valeurs de l’Évangile — aimer son prochain, ne pas nuire à autrui — parlent à tous. Nous les vivons à travers nos attitudes quotidiennes, notre regard sur l’élève, nos relations avec les familles. C’est une manière d’ouvrir chacun à sa propre liberté intérieure, sans enfermer ni exclure.
SD Quels sont, selon vous, les défis à venir pour l’enseignement catholique ?
MG Le premier est démographique : la baisse des effectifs scolaires va nous obliger à anticiper et à trouver de nouvelles dynamiques. Le second est celui de la mixité. Si nous voulons être fidèles à notre mission d’ouverture, nous devons accueillir des publics plus variés, parfois éloignés de nous. C’est à la fois un défi et une chance : comme le Christ allant à la rencontre de la Samaritaine, nous devons aller vers ceux qui sont moins proches de nous.
Interview orale retouchée grâce à l'Intelligence artificielle.


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