Engagez-vous qu’ils disaient. Maxime Prévot, président des engagés
Comment régénérer les héritiers de l’ancien parti catholique qui fut un acteur incontournable de la vie politique belge ? Quelles sources d’inspiration et quelles nouvelles priorités ? Quels changements par rapport à la ligne du CdH ? Pourquoi une rupture avec le personnalisme chrétien ? Maxime Prévot, tête de file des Engagés, n’esquive aucune question sur ce grand défi de repositionnement du mouvement dont il remet bientôt la présidence en jeu et en tant que candidat à sa propre succession.
Maxime Prévot est l’invité de 1RCF Belgique pour un grand entretien en collaboration avec CathoBel. L’occasion pour le président des Engagés (ex-cdH) d’aborder au micro de Jacques Galloy pour l’émission RCF God’s Talents l’éclosion de ce nouveau mouvement participatif et citoyen, « en rupture avec la particratie ». Priorité à la régénération de la société sur 6 axes : régénération du vivant, régénération de la culture, régénération de la prospérité, régénération de la démocratie, régénération du pacte social et régénération des libertés. Qu'en penser ?
D’abord bourgmestre de Namur
Lors de cette interview, Maxime Prévot, engagé multi-casquettes dont le mandat de bourgmestre de Namur, revient du salon immobilier MIPIM à Cannes où il a repositionné Namur sur la carte pour les investisseurs. “Si les programmes publics ont l’ambition de développer de nouveaux projets, les finances manquent et ont bien besoin d’un partenariat avec des investisseurs privés ou internationaux. Nous avons ainsi réaménagé la confluence entre la Meuse et la Sambre au pied de la Citadelle, dite le “Grognon” par les namurois.”
Quelles sont les premières impressions après le lancement des engagés ?
Mes impressions oscillent entre enthousiasme, excitation et soulagement. Au lendemain du congrès, j’ai reçu énormément de retours positifs. La valeur de l’engagement parle beaucoup à des citoyens qui n’étaient pas militants jusqu’à présent, mais à qui cette valeur d’engagement parle beaucoup. Ces citoyens aspirent à une société qui se régénère, qui retourne à ses fondamentaux. Évidemment, il y a eu des sarcasmes, des traits d’humour sur le nouveau nom, c’est normal, on n’y échappe pas. Cela contribue aussi à asseoir la notoriété du nouveau nom. Le nom provient des militants et adhérents. Il y a à peu près un an, tous nos adhérents ont eu l’opportunité de faire des propositions de noms. Les Engagés faisaient partie des noms proposés. Cela vient donc du carburant interne même si nous nous sommes fait accompagner par un consultant. Par ailleurs, le monde actuel est assez sombre. Trop de citoyens, notamment des jeunes, sont en désespérance. On doit donner de la crédibilité à la politique. On doit lui rendre des couleurs, pour éviter le clivage entre les extrêmes. L’ambition est de faire société ensemble, de régénérer la société.
Pourquoi avoir choisi le vert turquoise qui est un mélange de vert écolo et bleu MR ?
La couleur est le turquoise, ni vert, ni bleu. Elle est identifiante, rafraîchissante, inspirante. Elle apaise et incarne un changement, une transition. Notre société s’épuise, à tous points de vue : épuisement au travail, épuisement des ressources, épuisement de la démocratie, … Les colères sont nombreuses, mais lorsqu’elles ne se traduisent pas par une forme d’engagement pour le bien collectif, elles ne font que nourrir les extrêmes de gauche et de droite, avec des clivages de plus en plus exacerbés, plutôt que d’être dans une démarche où l’on cherche à faire société ensemble. Les Engagés ne veulent plus se cantonner à mettre des mots sur ces maux. Désormais, nous voulons susciter l’engagement des citoyens afin de co-construire une société « pluraliste », « universaliste » et surtout, « régénérée ».
Pourquoi mettre l’accent sur la rupture avec le passé et notamment au personnalisme chrétien ?
Il y a un grand besoin de rupture avec la particratie, des partis très verticaux, très peu poreux à la participation citoyenne. Je veux un point de bascule d’un parti verticalement organisé vers un mouvement politique beaucoup plus horizontal, plus participatif.
En ce qui concerne le personnalisme chrétien, les valeurs d’engagement, de générosité, de bienveillance, de dignité, de sens de l’effort et de prise de l’initiative sont éminemment contemporaines et n’ont plus la nécessité d’être obligatoirement estampillées par une religion ou une philosophie pour rester pleinement d’actualité. Nous voulons élargir le socle des personnes qui se mettent en mouvement pour le bien collectif. A tort ou à raison, on ne peut plus se référer à un quelconque référentiel, à une démarche oecuménique de l’accueil. Sans rien renier de nos valeurs, on modernise le projet afin qu’il incarne les utopies et les défis de demain plutôt que d’être dans une posture d’héritiers du passé.
Avez-vous un souvenir marquant de votre jeunesse qui nous permette de mieux vous connaître et comprendre aujourd’hui ?
J’ai perdu mon père Patrick à l’âge de 18 lors d’un crash d’avion. Ainé des enfants, dans un contexte familial un peu difficile, j’ai pris conscience de l’importance de l’engagement et d’avancer, d’être déterminé dans ce que je faisais. Je me suis par exemple fortement engagé dans le scoutisme.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Un visage ? J’aime les personnes du quotidien et très tôt, j’ai été confronté à la question du handicap de mon oncle, complètement dépendant par manque d’oxygène dans son enfance. La grande angoisse de ma grand-mère était de savoir qui s’occuperait de lui dans ses vieux jours. Lorsque je suis devenu ministre, nous avons fortement investi dans les infrastructures pour soutenir les porteurs d’handicap.
Un film ? “Les figures de l’ombre”, ce film qui raconte l’histoire de femmes afro-américaines qui ont contribué de façon humble et extraordinaire aux travaux de la NASA pour aller sur la lune.
Un livre ? “Les enfants du vide” du philosophe français Raphaël Glucksmann, député européen français, tête de liste des socialistes. Il pose la question : qu’est ce qu’on a loupé depuis des décennies pour subir l’éclatement des solidarités nucléaires, d’affaiblir à ce point la solidarité ?
Un lieu ? Les vastes étendues enneigées du grand nord rappellent la force et la puissance de la nature. Je suis un grand contemplatif et cela me permet un ressourcement intérieur.
Une maxime ? Le mieux est l’ennemi du bien.
Qui est Dieu pour vous ? Je ne vais pas éluder la question. Je suis hybride. J’ai fait ma petite communion et ma fête laïque. Je pense que quelque chose nous transcende, au-delà de nous. Je ne suis pas toujours parvenu à arriver à la conclusion que tout cela mène au message de la bible et au visage de Jésus. J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour ceux qui ont une foi convaincue. Ce n’est pas parce que nous ne nous revendiquons plus du personnalisme chrétien que pour autant nous méprisons le fait religieux, comme le font d’autres partis. La quête de sens est essentielle. Nous continuerons à défendre le fait religieux. Tous les courants philosophiques et religieux méritent d’être défendus avec bienveillance et avec équidistance. Ces questions touchent à l’intime. Cela relève davantage de la sphère privée mais ne doit pas déterminer l’orientation de l’action publique
Quels ont été les principaux écueils pour arriver au Congrès du 12 mars ?
La pandémie nous a forcé à décaler notre calendrier. Finalement, nos contrariétés sont devenues une formidable opportunité pour aller davantage en profondeur. Dans notre démarche, nous avons eu deux fois plus de citoyens que de militants du CdH, c’est très réussi sur le plan de la participation citoyenne. Régénérer, c’est cultiver l’humanité et la planète sans l’épuiser, c’est pouvoir se ressourcer dans une démocratie où on revivifie le vivant, on replace l’école et la culture comme action politique pivot de la société. Mettons la priorité sur plus de justice. C’est important de célébrer la liberté sans être individualiste, ce qui ruine l’objectif du bien collectif.
Comment le processus a-t’il été piloté?
Le manifeste a été rédigé à plusieurs mains. Le pilotage avait été confié au professeur et philosophe Laurent de Briey. Nous avons travaillé avec de nombreux cercles de citoyens, de membres et de parlementaires. Tout citoyen peut maintenant proposer des amendements jusqu’à la validation du 14 mai.
Pour un mouvement participatif, pourquoi ne pas avoir proposé un vote pour le nouveau nom ?
Tous les parlementaires n’ont pas été impliqués. La confidentialité était essentielle. Le groupe de travail était représentatif de toutes les sensibilités. Mettre le vote sur le terrain public aurait suscité de nombreuses interférences de nos concurrents, et ceux-cis ne nous veulent pas toujours du bien.
Pourquoi plaidez-vous pour un réseau unique d’enseignement ?
Je ne plaide pas pour un réseau unique mais un réseau harmonisé. En effet, le concept de réseau unique est l’idée du courant laïque qui vise à soumettre l’enseignement libre à l’approche exclusivement portée par l’enseignement officiel. Je m’insurge contre le traitement inéquitable des écoles libres. Nous ne pouvons plus accepter de différences de traitement entre les enfants en fonction du banc sur lequel ils sont assis. Contraignons l’enseignement officiel à s’organiser comme le libre avec une même et réelle liberté d’association. Il faut distinguer le rôle de régulateur dévolu à l’autorité publique de la Communauté française et le rôle d’opérateur délégué à des ASBL ou des établissements publics.
Vous mettez la priorité sur la régénération du vivant. De quel vivant s’agit-il ? Comment vous positionnez-vous sur les questions du début et de la fin de vie ?
Notre futur mouvement doit être pénétré par les enjeux environnementaux, sans dogmatisme mais avec un volontarisme très clair pour les générations futures mais aussi actuelles. L’humain a besoin d’être reconsidéré, comme l’ont démontrées les dernières politiques de santé. Les questions bioéthiques touchent les parcours individuels. C’est pourquoi les députés Engagés auront une liberté de vote sans consigne de vote du parti.
L’électorat chrétien représente environ 60% des votes et il est fort courtisé. Il représentait 80% des votes CdH et 30 à 40% des votes PS, MR et Ecolo. Quel message adressez-vous aux électeurs chrétiens ?
Je ne me détache pas de l’électorat chrétien mais d’une référence explicite au personnalisme chrétien dans les nouveaux statuts. Nous ne renions pas les valeurs mais force est de constater que l’électorat chrétien irrigue tous les partis, même le Parti Socialiste, alors que celui-ci est laïque et contrarie la spiritualité ou la reconnaissance de l’enseignement libre, n’est-ce pas paradoxal ? Le MR n’est pas en reste. Donc, l’engagement chrétien n’est plus le seul critère d’adhésion à un parti. Le sens ne se résume plus uniquement au personnalisme chrétien. Le pape François lui-même ne plaide-t’il pas pour élargir les horizons et une société inclusive bâtie sur un roc de bien commun qui transcende l’appartenance religieuse de chacun. Les chrétiens ne doivent pas être désenchantés, mais rassurés par cette logique d’une ouverture large à toutes les convictions, toutes les opinions, à la diversité des genres, des vécus sexuels, des opinions philosophiques ou spirituelles. N’est-ce pas cela faire société ensemble ? Pourquoi restreindre notre champ d’action publique ?
Quels seront vos liens avec le CD&V ?
Nous garderons nos contacts privilégiés, non plus par le partage d’une approche doctrinale basée sur la démocratie chrétienne mais parce que nous sommes les deux forces politiques centristes. Merci d’avoir pris le temps de cet échange. Ca fait du bien de pouvoir prendre un peu de recul de façon posée par rapport à la superficialité qui règne trop souvent dans l’univers médiatique.
En savoir plus sur les Engagés:
https://www.lesengages.be/
https://www.lesengages.be/sondage/formulaire-de-depot-damendement-au-manifeste/
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