Que se passe-t-il en Syrie ? La semaine dernière les autorités actuellement au pouvoir ont mené une opération militaire dans l'ouest du pays, contre des fidèles de Bachar El Assad. L'Observatoire Syrien des Droits de l'Homme recense près de 1 500 morts et déplore des "opérations de nettoyage ethnique". Des civils chrétiens seraient morts. Éclairages avec Tigrane Yégavian.
L’Observatoire Syrien des Droits de l’Homme comptabilise déjà près de 1500 morts dans des attaques menées contre les minorités alaouites, druzes et chrétiennes en Syrie. Depuis plusieurs jours, les forces du Hayat Tahrir Al-Cham (HTC), nouveau pouvoir en place depuis la fin du régime Assad, se livrent à des massacres. Le pouvoir en place les justifie en évoquant un nettoyage des dernières poches de résistances pro-Assad. Tigrane Yégavian, chercheur à l’Institut Chrétiens d’Orient y voit “un nettoyage ethnique progressif contre les minorités alaouites, druzes”.
La semaine dernière a vu le déploiement de troupes du pouvoir en place en dans l’ouest de la Syrie, officiellement pour lutter contre les dernières poches des fidèles de Bachar al-Assad. Depuis la fuite du dictateur en décembre 2024 et la prise de pouvoir du mouvement islamiste, le Hayat Tahrir Al-Cham, les dirigeants s’efforcent d’effacer les dernières traces de l’ère Assad et prône l’entente. Pourtant, ce sont près de 1500 morts qui ont été comptabilisées dans les montagnes syriennes, la forteresse de la minorité alaouite et le lieu de repli des derniers fidèles de Bachar al-Assad. Officiellement, le Hayat Tahrir Al-Cham évoque des combats contre des résistants. Une version démentie par Tigrane Yégavian. “Ce ne sont pas des opérations mais des massacres qui ont lieu à huis clos ou filmés par les tortionnaires. Ce sont des massacres d'une gravité absolue, des pogroms qui sont les pires pogroms de ce début de 21e siècle, depuis Gaza.”
Ce ne sont pas des opérations mais des massacres qui ont lieu à huis clos ou filmés par les tortionnaires. Ce sont des massacres d'une gravité absolue, des pogroms qui sont les pires pogroms de ce début de 21e siècle, depuis Gaza.
Le chercheur évoque des soldats du Hayat Tahrir Al-Cham “qui viennent pour massacrer les villageois.” S’il y a bien eu des affrontements dans les montagnes alaouites, il s’agit pour lui “d’une guérilla” menée par la minorité alaouite pour éviter la répression menée par “les tortionnaires” du Hayat Tahrir Al-Cham. Une version qui dément donc la version soutenue par Ahmed Al-Charaa, le visage du mouvement islamiste. Bachar Al-Assad était lui-même issu de la minorité alaouite, avec des croyances différentes de l’ensemble des chiites, et les membres de sa communauté sont depuis victimes de son triste héritage en Syrie. Plutôt qu’une fin de guerre civile, Tigrane Yégavian parle de “nettoyage ethnique”.
Pour Tigrane Yégavian, il ne fait pas de doute que le Hayat Tahrir Al-Cham est plus que responsable des tueries de civils. “Ce que je constate en regardant un peu le fil des réseaux sociaux que je reçois, c'est que vous avez des consignes très strictes de la part des militants HTC de ne pas filmer les exactions, tout en provoquant, tout en attisant la haine.” Dans les discours des partisans du Hayat Tahrir Al-Cham, une haine confessionnelle profondément ancrée revient sans cesse.
Vous avez des consignes très strictes de la part des militants HTC de ne pas filmer les exactions, tout en provoquant, tout en attisant la haine.
Pourtant, le Hayat Tahrir Al-Cham adopte en apparence une position d’autorité. Le président Ahmed Al-Charaa, issu du mouvement islamiste, a promis de poursuivre les responsables de l'effusion de sang de civils. Il a décidé de former une commission d'enquête indépendante. et use de formules et de rhétoriques pour justifier et minimiser les tueries des jours passés. Un moyen pour lui de préserver la ligne qu’il martelle depuis son arrivée au pouvoir. La révolution syrienne devait se faire en défendant une “unité nationale”. Des discussions entre les islamistes et les minorités avaient même été entamées après la chute du régime de Bachar Al-Assad. Dans une allocution, le président Al-Charaa continue de tenir sa ligne et appelle “à l’unité nationale et à la paix civile”. Pourtant, les minorités syriennes ne sont plus dupes.
Dans ce contexte infernal, les 500 000 chrétiens syriens, qui ne représentent que 2% de la population, sont contraints à attendre. Environ 20 chrétiens sont déjà morts aux mains des soldats du Hayat Tahrir Al-Cham. Pour Tigrane Yégavian “les chrétiens sont les grandes victimes collatérales de cette épuration ethnique, de ces massacres. Évidemment, ils ont de bonnes raisons de s'inquiéter, car ils vivent en bonne intelligence avec les Alaouites.” Pourtant les chrétiens de Syrie s’étaient dits prêts à collaborer avec le Hayat Tahrir Al-Cham. À notre micro, Monseigneur Assadourian, évêque de Damas, avait déclaré : “les chrétiens ne sont pas des gens d’armes. Les chrétiens sont des gens de paix et de fraternité. Nous n’aurons aucun problème à collaborer”.
Pour l’heure la situation en Syrie reste incertaine pour les minorités. Le président Ahmed Al-Charaa a déclaré avoir échangé avec le président Emmanuel Macron et se rendra le 17 mars à Bruxelles pour une conférence de donateurs pour la Syrie.
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