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"En devenant maire, j'ai divisé mon salaire de moitié !"

"En devenant maire, j'ai divisé mon salaire de moitié !"

Un article rédigé par Florian PERRAY - RCF Anjou, le 29 septembre 2025 - Modifié le 30 septembre 2025
L'invité de RCF AnjouGilles Talluau président de l'association des maires ruraux de Maine-et-Loire

Le congrès des maires ruraux s'est tenu dans la Vienne du vendredi 26 au lundi 29 septembre. Des élus de plus en plus concernés par des problèmes de violences, des difficultés financières ou encore de volontaires pour constituer les listes alors que les élections municipales de mars 2026 pointent le bout de leur nez. On en parle avec Gilles Talluau, président des maires ruraux de Maine-et-Loire et maire de Varennes-sur-Loire.

Gilles Talluau, maire de Varennes-sur-Loire et président de l'association des maires ruraux de Maine-et-Loire @RCF AnjouGilles Talluau, maire de Varennes-sur-Loire et président de l'association des maires ruraux de Maine-et-Loire @RCF Anjou

RCF: Gilles Talluau, quand on voit la liste des problèmes auxquels sont confrontés les maires ruraux, qu'est-ce qui donne encore envie de s'engager dans la politique locale aujourd'hui ?

Gilles Talluau : S'engager, s'investir dans la vie communale, être au cœur des débats, c'est important pour notre démocratie. Et pour s'engager aujourd'hui, il faut lever des freins, notamment sur l'engagement vis-à-vis de la vie professionnelle. On soutient également à l'AMRF (Association des Maires Ruraux de France), l'engagement des femmes et cette proposition de parité dans nos listes.

 

RCF: Cette obligation de parité, quand on a 500 000 candidats à trouver pour former les listes en France, ça ne complique pas les choses, à l'heure où les volontaires se font rares ?

Gilles Talluau : Si, ça complique les choses pour certaines communes d'avoir cette parité. Moi, je je militais pour un peu plus de souplesse. Mais par contre, cette parité est quand même nécessaire, il faut que les femmes soient plus représentées dans nos conseils municipaux et puis également les jeunes. Il faut que les jeunes soient plus représentés. C'est pour ça que ce congrès a été celui de l'engagement citoyen des femmes et de la jeunesse.

 

RCF : Vous avez décidé de vous représenter en mars prochain pour les prochaines élections municipales. Vous avez eu des problèmes pour constituer votre liste ? 

Gilles Talluau : Personnellement non. Moi, j'ai cinq mandats, dont deux de maire et je n'ai jamais eu de problème. Ma liste est déjà complète. Aujourd'hui, tenter d'effacer ces difficultés, c'est avoir un nouveau statut de l'élu. Et ça a été un des thèmes principaux de ce congrès, sur le retour à l'emploi, les autorisations d'absence. Parce que parfois nos citoyens mettent en sommeil leur vie professionnelle pour s'engager en politique. Il faut aussi sécuriser auprès des employeurs ces autorisations d'absence. Il faut les légaliser, les rendre possibles, que ça soit affiché dans la loi. On compte beaucoup sur nos sénateurs et nos députés pour vraiment fixer ce statut de l'élu.

 

RCF : C'est impossible aujourd'hui de mener une vie professionnelle et une fonction d'élu local ?

Gilles Talluau : Ce n'est pas impossible, je l'ai fait. Mais je peux vous dire que c'est une charge mentale énorme et beaucoup de nos concitoyens ne veulent pas s'engager par rapport à ça. Il y a souvent des questions de gardes d'enfants. J'ai vu dans des petites communes d'autres personnes du village qui gardent les enfants des élus pendant leur absence. C'est aussi pour ça que je réclame un véritable statut de l'élu.

 

RCF : Ça permettrait quoi ce statut là ? De meilleures indemnités pour les maires par exemple ?

Gilles Talluau : Oui, c'est ça. Les indemnités de l'élu ne compensent pas la perte de salaire. Comme disait un élu, "nous ce qui compte c'est quand même de pouvoir remplir le frigo". 

 

RCF : Combien est-ce que ça gagne en moyenne un maire rural ?

Gilles Talluau : Je touche 1400 €. Professionnellement, j'avais la chance d'avoir un salaire, en fin de carrière, qui était, on va le dire franchement, de plus du double de ce que je touche. Donc quand j'ai arrêté, j'ai perdu la moitié de mon salaire.

 

RCF: Se consacrer à sa commune, c'est un véritable sacrifice ?

Gilles Talluau : C'est ça. Et je ne suis pas le seul dans ce cas-là. Je ne suis pas là pour me plaindre, mais voilà, ça c'est la réalité des choses. Je vais vous citer une étude qui évoque le coût des indemnités des élus, surtout pour les petites communes. Au total c'est 1 milliard 500 millions pour le budget des collectivités. Si on mettait des fonctionnaires à la place avec le régime des 35 heures — parce que les élus, on n'est pas à 35 heures, y compris le samedi, le dimanche —, c'est 3 milliards et demi. Donc on fait quand même des économies. Ce n'est pas un engagement bénévole, mais il nous faut des indemnités qui soient quand même à la hauteur. Alors moins vis-à-vis du simple citoyen qui trouverait peut-être ça exagéré, mais moi je ne crois pas.

 

RCF : Ça pose un peu la question aussi de la professionnalisation des élus ?

Gilles Talluau : Je crois qu'il y a une distinction à faire entre l'élu national et l'élu de proximité. L'élu de proximité qu'on appelle le samedi soir parce que les plombs de la salle des fêtes ont sauté, l'élu qu'on appelle parce qu'il y a un chien qui est sur la route ou une vache. Nous n'avons pas du tout les mêmes embêtements, si je peux pas employer un terme plus correct, ou les mêmes services autour de nous. Le maire rural, c'est le roi de la débrouille. On invente des solutions, on innove, on fait appel au bénévolat autour de soi. C'est la vie d'un maire rural. Je pense qu'il y a deux sortes d'élus quand même.

© RCF Anjou
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
L'invité de RCF Anjou
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