Emmanuel Macron, l'Europe et les États-Unis
La première chose que je retiens de cet entretien fleuve, très riche et qui va bien au-delà des questions européennes, c’est tout d’abord le moment auquel il intervient. Le Forum de Paris pour la Paix s’est tenu du 11 au 13 novembre dernier. Et, c’est vrai que le Président Macron profite de cette tribune – qui a été énormément commentée – pour faire la promotion du projet de refondation du capitalisme international, son "consensus de Paris", dont il a dessiné les contours au cours de cet événement annuel.
Risque de marginalisation de son projet européen
Mais, plus fondamentalement, qu’Emmanuel Macron prenne la parole à peine 15 jours après l’élection de Joe Biden à la Maison Blanche n’est pas neutre. L’agressivité de Donald Trump avait été l’un des meilleurs arguments pour le projet d’autonomie stratégique européenne, qui trouve ses racines intellectuelles et politiques en France. Le retour des Etats-Unis à une politique probablement plus conciliante vis-à-vis de l’Europe – au moins dans les mots – est ainsi largement perçu comme un risque pour ce projet d’autonomie stratégique, qui devait répondre à la potentielle défaillance de l’allié américain. C’est au risque de marginalisation de son projet européen que le président français entend répondre en ancrant le concept d’autonomie stratégique dans un temps plus long. Cette inscription dans le temps long des projets français et européen, c’est d’ailleurs la seconde chose que je retiendrais de cet entretien.
Un projet culturel et civilisationnel
Une des choses les plus intéressantes dans l’approche d’Emmanuel Macron de la politique européenne – c’est vrai pour cet entretien, mais c’est vrai plus généralement depuis le début du quinquennat – c’est que celui-ci n’approche pas, à la différence de ses prédécesseurs, l’Europe comme un champ de relations internationales comme un autre, mais avant tout comme un projet culturel et civilisationnel, qui s’inscrit dans une histoire et une géographie propres. Ainsi, quel que soit le Président américain, pour Emmanuel Macron, la question de la relation avec nos voisins ne se posera jamais de la même façon des deux côtés de l’Atlantique. D’où la nécessité de voir l’Europe se doter d’une approche commune du monde, d’une géopolitique partagée, qui ne soit pas calquée sur celles des Etats-Unis… ou de la Chine.
Pour autant, Emmanuel Macron reste très français dans son approche de la place de l’Europe dans le monde. Il est beaucoup question d’Afrique dans ce grand entretien, jamais ou presque de la Russie ou de l’OTAN. Peu de chances donc que ses propos trouvent beaucoup d’échos en Europe centrale ou orientale. Mais, peu importe car c’est sans doute plus à la France et à l’Allemagne qu’Emmanuel Macron s’adresse ; Allemagne, traditionnellement atlantiste et qu’il tente d’arrimer pour de bon à cette idée d’autonomie européenne.
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