On pourrait croire qu’un mot comme « embryon », avec son y, qui fait très scientifique, est relativement récent, eh bien il n’en est rien, il est attesté dans notre langue française dès 1361, et vient du grec avec déjà le sens de ce « qui se développe à l’intérieur ». Il est bon donc de suivre ce mot à la trace.
Il y a un sens biologique au mot "embryon" qui est assez ancien, et un sens figuré, par exmeple l'état embryonnaire d'un projet. Pour le sens figuré, il faut en effet attendre 1654, sens attesté dans le Pédant joué, une comédie de l’écrivain français Cyrano de Bergerac, qui n’est pas seulement un personnage d’Edmond Rostand, mais bien sûr un véritable auteur, en l’occurrence celui de cette comédie où l’on trouve donc la formule significative : « l’embryon de tes espérances ».
De fait, Furetière en 1690, rend bien compte déjà des deux sens du mot, qu’il écrit non pas avec un y mais avec un i. Voici sa définition : « Terme de médecine. Fœtus, commencement de formation du corps de l’animal dans le ventre de sa mère, avant qu’il n’ait reçu tous les linéaments & dispositions des parties pour devenir animé, ce qui on croit arrive dans l’homme au 42e jour. » Au passage cela nous rappelle le mot « animation » que nous avons déjà radiographié et qui évoquait la naissance de l’âme dans le corps. En lisant la suite de l’article, on se rend compte à quel point Furetière est encyclopédique avant l’heure, admiratif des progrès de la recherche à son l’époque, incarné par les « modernes » contre les « Anciens ». Voilà la suite, qui m’émeut à dire vrai : « Les Modernes ont fait quantité de belles découvertes sur la formation & l’accroissement des parties de l’embrion ». Et il donne même l’étymologie du mot.
Mais il est même plus précis que nos dictionnaires modernes, en évoquant le préfixe em, dans, et bryo, fœtus, l’embryon étant peçu comme au cœur du fœtus. Et puis il répertorie le sens figuré, mais avec un sens déplaisant : « Embryon, déclare-t-il, se dit ironiquement & pour mépriser quelque chose. Ce n’est qu’un petit embrion, un avorton, un homme de néant ». Diable, je préfère Paul Valéry cité dans le Petit Robert : « Il y a une différence incalculable entre l’embryon d’une idée et l’entité intellectuelle qu’elle peut enfin devenir ». Bien, c’est officiel, j’ai un embryon de livre en tête. Il sera sans doute fini… en 2084.
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