École, famille : qui doit éduquer à la vie affective et relationnelle ? La parole aux lycéens
Dans ce troisième épisode de Chemins de rencontre, des élèves du lycée Saint Joseph-Pierre Rouge interrogent la place de l’école dans l’éducation affective, relationnelle et sexuelle. Entre besoins réels, limites de l’institution et attentes des jeunes, un échange éclairant.
Qui doit éduquer à la vie affective ? La parole aux lycéens © Bruce MatsunagaUn échange autour d’un enjeu de société majeur
Pour cette troisième émission de Chemins de rencontres, proposée par le lycée Saint Joseph-Pierre Rouge de Montferrier-sur-Lez, plusieurs lycéens et collégiens ont choisi d’aborder une question délicate : l’éducation affective, relationnelle et sexuelle doit-elle revenir à l’École ? Autour de la table : Zoé, en première, Dan, élève de terminale, Charline, 17 ans, et Gabriel, 16 ans en première générale.
Un contexte lourd : violences sexuelles, harcèlement, féminicides
Les faits divers récents comme l’affaire de Mazan, les féminicides qui surviennent en moyenne tous les trois jours ou encore les résultats du rapport 2023 de la CIVISE rappellent l’urgence d’une éducation à la relation à l’autre dès le plus jeune âge.
Selon ce rapport, près de 4 millions de femmes et 1,5 million d’hommes ont subi des violences sexuelles avant 18 ans, et un enfant est victime d’une agression sexuelle toutes les trois minutes.
L’enquête ministérielle de 2024 sur le harcèlement scolaire montre quant à elle que 5% des écoliers et 6% des collégiens y ont été confrontés.
Face à ces constats, l’Éducation nationale a créé le programme EVARS : trois fois trois heures par an, du primaire au lycée, pour traiter la vie relationnelle, affective et sexuelle. Les élèves du primaire ne suivent toutefois que la partie relationnelle et affective.
Le programme EVARS : une nécessité selon les jeunes
Pour les quatre jeunes interrogés, l’éducation à la vie affective et sexuelle à l’école est justifiée, voire indispensable.
Zoé y voit un complément utile à ce que donnent (ou non) les familles : "C’est important d’avoir un autre point de vue que celui des parents."
Charline insiste sur ceux pour qui le sujet est tabou : "Sinon on s’éduque seuls, via les réseaux… et les chiffres d’agressions explosent."
Dan souligne l’enjeu d’égalité : un programme national permet à tous les jeunes d’être formés, quel que soit leur contexte familial.
Gabriel abonde : "Les parents ne peuvent pas tout prendre en charge à 100%."
Un besoin de contenus plus larges que la seule sexualité
Tous ont déjà eu un module ponctuel d’éducation sexuelle en classe de troisième, jugé trop court et trop centré sur la contraception.
Ils expriment le souhait d’un contenu élargi à d’autres enjeux : le consentement, la lutte contre le harcèlement, la gestion des relations, les limites personnelles, plus largement
la connaissance de soi.
Pour Zoé, "le consentement est la base de tout". Dan souligne que ces cours peuvent aider certains jeunes à comprendre que ce qu’ils vivent à la maison "n’est pas normal".
Former les enseignants : les limites évoquées par les élèves
Mais un tel programme n’est pas sans soulever d’autres difficultés. Les élèves pointent le manque de préparation des enseignants, la sensibilité culturelle ou religieuse du sujet, mais surtout les neuf heures de cours annuelles qui devront être dégagées.
"Les profs sont formés à leurs matières, pas forcément à parler de sexualité ou d’affectivité", note Zoé.
L’enseignement catholique : une approche complémentaire
L’enseignement catholique propose depuis septembre son propre programme EARS (Education affective, relationnelle et sexuelle). Intitulé "Comment grandir heureux", il est présenté comme un chemin d’émancipation et non une simple "éducation à".
Il met l’accent sur l’accompagnement, l’estime de soi, et la vocation profonde de chaque personne à "aimer et être aimée".
Les jeunes y sont sensibles. Pour Zoé, aimer et être aimé touche à toutes les relations affectives. Charline complète : "Aimer, c’est soutenir. Être aimé, c’est accepter de recevoir."
Une conclusion partagée : se former pour mieux vivre ensemble
Les élèves s’accordent : ces enseignements sont nécessaires, non pour remplacer les parents, mais pour soutenir tous les jeunes.
L’enjeu est aussi simple que décisif : aider chacun à se construire dans des relations respectueuses, libres et sûres.


« Chemin de rencontres » vous emmène chaque mois au cœur du Campus Saint-Joseph Pierre Rouge pour donner la parole aux lycéens. Réactions à l’actualité, débats de société, questions spirituelles ou citoyennes : les jeunes partagent leur vision et leurs convictions sur les sujets qui les concernent.
