En 2023, des analyses ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es Ă titre expĂ©rimental sur les nappes phrĂ©atiques de 8 sites français. Elles ont rĂ©vĂ©lĂ© la prĂ©sence de polluants dont le taux dĂ©passe le seuil autorisĂ© Ă partir de janvier 2026. Les collectivitĂ©s locales doivent donc sâorganiser pour rĂ©gulariser la situation respectueuse des normes sanitaires et environnementales. Mais Ă quel prix ?
A compter du12 janvier 2026, la France devra respecter une directive europĂ©enne concernant lâeau : le taux de Pfas, ces polluants Ă©ternels, ne devra pas excĂ©der plus de 0,1 microgramme par litre dâeau analysĂ©. Or, ce taux est largement dĂ©passĂ© dans l'agglomĂ©ration de Saint-Louis (Haut-Rhin) au Sud de lâAlsace.
La nappe qui dessert les 11 communes se situe Ă quelques kilomĂštres de lâaĂ©roport de BĂąle-Mulhouse qui utilisait jusquâen 2017 des mousses anti-incendie Ă la forte teneur en Pfas. Les rĂ©sultats nâont pas tardĂ© Ă confirmer la contamination des nappes environnantes : lâAgglomĂ©ration de Saint-Louis est devenue le 3Ăšme site de France prĂ©sentant la plus forte teneur en polluants Ă©ternels. Au point que depuis le 5 mai 2025, la prĂ©fecture du Haut-Rhin a demandĂ© aux personnes atteintes de maladie chronique, aux femmes enceintes et aux nourrissons de ne plus boire lâeau du robinet.
Ces personnes sont donc forcĂ©es de recourir Ă de l'eau en bouteille. Pour ne pas ajouter aux charges de ce public fragile qui reprĂ©sente 3000 personnes, lâAgglomĂ©ration a imaginĂ© financer sa consommation en eau potable grĂące Ă un forfait de 80⏠destinĂ© Ă couvrir lâachat de 2 litres de bouteilles dâeau par jour et par personne, soit un total de 250 000 euros.
A cette somme, il faut ajouter les frais dâinstallations de trois unitĂ©s mobiles de traitement de la nappe polluĂ©e Ă l'automne avant la construction dâune usine de filtrage lâan prochain. Les coĂ»ts sont Ă©levĂ©s puisque ces polluants rĂ©sistants nâont pas mĂ©ritĂ© leur Ă©pithĂšte dââĂ©ternelsâ pour rien. Ces molĂ©cules rĂ©sistent Ă lâeau, Ă la chaleur, et aux solvants. Thierry Litzler, le vice-prĂ©sident de l'AgglomĂ©ration de Saint-Louis en charge de lâeau assure dâailleurs que la commune est âseuleâ responsable du financement. Une situation injuste ? âPlus que financeurs, les collectivitĂ©s sont responsables. Elles ont donc une obligation de sĂ»retĂ© et de sĂ©curitĂ© [sanitaire]. Seulement, elles sont tenues Ă Ă©galiser leurs dĂ©penses et leurs recettesâ explique Pierre-Jean Dessez, dĂ©lĂ©guĂ© Ă lâenvironnement Ă lâUFC-Que Choisir lâUnion fĂ©dĂ©rale des consommateurs en Grand Est.
En clair, pour compenser le traitement des polluants, les collectivitĂ©s devront augmenter lâeau du robinet. Une dĂ©cision Ă laquelle sâest pourtant refusĂ©e l'AgglomĂ©ration de St LouisâŠau moins jusque fin 2025, durĂ©e de lâarrĂȘtĂ©. Mais assurer la pĂ©rennisation de cette promesse suppose de ne plus ĂȘtre seul financeur et impose aux petites communes de nouer des partenariats Ă©conomiques.
A lâheure actuelle, l'AgglomĂ©ration de Saint-Louis cherche des aides du cĂŽtĂ© de lâEtat via lâAgence de lâeau Rhin-Meuse ainsi que l'aĂ©roport de BĂąle-Mulhouse, responsable de la pollution des eaux environnantes.
La responsabilitĂ© de ce dernier tient plus de lâordre moral que lĂ©gal puisque l'organisation de la vie civile et internationale imposent lâusage de ce type de mousses anti-incendies sur les plateformes aĂ©roportuaires jusque fin 2016. âLa notion de âpollueur-payeurâ ne peut donc pas sâappliquer ici, puisque lâaĂ©roport Ă©tait soumis Ă une obligation lĂ©gale, rappelle Thierry Litzler. Il faudra donc jouer sur la carte de lâobligation morale par rapport Ă leur responsabilitĂ© environnementale.â
Avant lâentrĂ©e en vigueur de la norme du taux de Pfas rĂ©glementaire en janvier 2026, des tests devraient ĂȘtre effectuĂ©s sur toutes les nappes phrĂ©atiques de France pour vĂ©rifier que les taux ne sont pas au-delĂ de ces normes. Certaines communes ont d'ailleurs pris un peu d'avance. C'est le cas de l'EuromĂ©tropole de Strasbourg. Lors dâun contrĂŽle, les agents ont dĂ©tectĂ© la prĂ©sence de Pfas dans lâun des trois points de captage de son eau. Les taux observĂ©s sont, pour l'instant, en dessous des limites fixĂ©es par l'Agence rĂ©gionale de SantĂ©.
Toutefois, l'EuromĂ©tropole a dĂ©jĂ pris des mesures et a suspendu ce capteur dans lâtatente dâun plan dâaction. âNous avons la chance dâavoir plusieurs cibles de captage avec une pollution trĂšs localisĂ©e, ce qui nous permet dâavoir plusieurs sources en eau potable, justifie Maxime Pomies, ingĂ©nieur innovation auprĂšs du Service de l'Eau et de l'Assainissement de lâEuromĂ©tropole de Strasbourg. Varier les points de captage reste cependant une mesure que toutes les communes ne pourront pas nĂ©cessairement appliquer.
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