Du parcours carcéral à l’engagement citoyen : le chemin de Yannick Deslandes
Après 22 années passées derrière les barreaux, Yannick Deslandes sillonne aujourd’hui la France pour témoigner des réalités carcérales et prévenir les jeunes contre la délinquance. De son enfance cabossée à Barbès à son engagement actuel, il raconte un chemin marqué par la violence, les erreurs, les rencontres décisives et la reconstruction. Rencontre avec un homme qui souhaite transformer son passé en levier d’espoir.
Yannick Deslandes Une enfance difficile dans le 18ᵉ arrondissement de Paris
Le récit de Yannick Deslandes commence à Barbès, dans un petit deux-pièces sans eau chaude où grandissent quatre enfants. Sa mère, femme de ménage, cumule cinq emplois pour les faire vivre. Son père, alcoolique et violent, transforme le foyer en champ de bataille. Dès six ans, Yannick fuit la maison pour échapper aux coups, erre dans les rues jusque tard le soir et s’endort le jour au fond de sa classe. L'école fait un signalement et à 8ans, il est placé en foyer. Mais l’institution n’est pas le refuge espéré : fugues, coups et brimades s’enchaînent. Les placements successifs le mènent vers d’autres jeunes en difficulté. Le cocktail est explosif : à 14 ans, Yannick rentre chez lui, ses parents sont alors séparés, et il commence à fréquenter un milieu plus âgé, où la drogue circule largement.
Je n’avais aucun rêve. Je voulais juste combler mon mal-être
La bascule dans la délinquance
À 16 ans, il est incarcéré pour la première fois après un cambriolage. Passé le choc carcéral de l'enfermement, la prison devient surtout un lieu de rencontres qui vont l’ancrer davantage dans la délinquance. En sortant, il rejoint le compagnon braqueur de sa sœur, se lance dans le vol de voitures puis dans le trafic de stupéfiants. Les allers-retours en détention s’enchaînent.
À 20 ans, il quitte Paris pour l’Ouest de la France et grimpe rapidement dans les réseaux du narcotrafic. Jusqu’à être arrêté pour trafic de stupéfiants, armes et faux billets. S'ensuivent des années d’enfermement qui auraient pu le détruire définitivement.
Mais la prison va aussi, paradoxalement, le sauver.
Lire, écrire, comprendre : la reconstruction derrière les murs
C’est en détention qu’il rencontre deux hommes qui changeront sa trajectoire. Le premier : un braqueur qui lui apprend à lire et à écrire alors qu’il est quasi-analphabète. Le second : un trafiquant international qui, un temps, l’entraîne encore plus loin dans le crime.
La différence se joue dans la première relation qui lui ouvrira les yeux sur la possibilité d'apprendre par correspondance, Yannick découvre qu’il en est capable : 18/20, puis 19/20 à ses premiers devoirs. Les diplômes ensuite s’enchaîneront : brevet, CAP, BEP, DAEU ( diplôme d'accès aux études universitaires )
Il écrira même son autobiographie derrière les barreaux. « Moi qui ne savais ni lire ni écrire, j’ai compris que je pouvais tout apprendre". confie-t-il.
La thérapie, puis la foi, joueront aussi un rôle essentiel : 15 années de travail sur lui-même, et un jour, cette émotion inexplicable qui l’ouvre à la spiritualité.
Quand j’ai compris que j’avais trouvé la foi, je me suis senti libéré de tout.
Dénoncer le système carcéral
Aujourd’hui conférencier, Yannick Deslandes témoigne aussi de la violence du milieu carcéral. Il a vécu l’isolement total . Croyant à un risque d'évasion élevé, le juge d'instruction lui a retirer tout permis de visite, il n'a pu voir son fils que 8 mois après sa naissance. Ses lettres étaient systématiquement confisquées. Il avait également interdiction de téléphoner. Les promenades, il les passait seul. Des mesures qui laissent des traces. Il alerte aujourd’hui sur les maisons d’arrêt, où la surpopulation atteint des niveaux extrêmes. « Sur 22 ans, j’en ai passé 15 dans ces prisons-là. » Matelas au sol, promiscuité, violence, suicide, trafics : le quotidien y est inhumain.
« On fabrique de la récidive. Et ces prisons-là, encore plus. »
Pour sensibiliser le public, il a construit avec son épouse une cellule mobile immersive de 9 m², financée sur leurs économies. Une plongée brutale dans les conditions réelles d’incarcération.
Aider les jeunes à ne pas répéter ses erreurs
Sorti depuis six ans, Yannick a dû se battre pour retrouver une place dans la société. Un CDI, un mariage, une maison et la publication de son livre lui permettent de reconstruire sa vie. Mais surtout, il se consacre à la prévention. Avec son association "Mur'mures ", il sensibilise aux réalités carcérales, à la réinsertion sociale, aux conséquences du trafic de stupéfiants et à la prévention de la délinquance. Dans les écoles, les associations, les quartiers, il raconte son histoire pour empêcher les jeunes de basculer.
Les gamins ont besoin d'entendre qu'ils sont importants, qu'ils sont capables. Moi, personne ne me l’a jamais dit.

Il croit aux alternatives à l’incarcération : fermes éducatives, soins psychiatriques, cures de désintoxication.
La prison, ce n’est pas la solution pour tout. Il faut soigner, accompagner, encadrer.
Sa plus belle récompense ? Le message d’un jeune touché par une des ses interventions.,« J'ai suivi tes conseils, je suis parti de mon quartier, je me suis engagé à l’armée, et je me passionne pour la photo. »
« Pas avec le bâton : avec de l’amour »
Après avoir traversé la violence, la haine, la solitude, Yannick Deslandes est devenu un homme qui tend la main. Un repenti qui transforme ses vingt-deux ans de prison en outil d’utilité publique. Son livre, Au-delà les murs, 22 ans de prison et la lumière, retrace cette renaissance.


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