Dominique Reynié : Pour le 1er mai, "ce qui avait été espéré par les syndicats et la gauche ne s'est pas produit"
Pour les syndicats, c'est un 1er mai réussi. Selon le ministère de l'Intérieur, les cortèges ont rassemblé près de 800 000 Français à travers le pays, soit environ sept fois plus que l'année dernière. Dominique Reynié décrit une "société française pas en profondeur hostile" à la réforme des retraites.
"On avait annoncé un 1er mai historique. Il a eu lieu hier, il n'est pas historique", lâche Dominique Reynié, président de la Fondapol. Ils étaient pourtant 782 000 à défiler partout en France, selon le ministère de l'Intérieur, 2.3 millions d'après la CGT. Des chiffres élevés par rapport à la fête du travail de 2022, où 116 500 manifestants avaient été dénombrés par les pouvoirs publics. "Oui, parce qu'il y a habituellement très peu de manifestants au 1er mai", considère-t-il en ajoutant que "ce qui avait été espéré par les syndicats et la gauche ne s'est pas produit".
On avait annoncé un 1er mai historique. Il a eu lieu hier, il n'est pas historique
Globalement, le politologue relativise l'ampleur des grèves engagées depuis janvier contre la réforme des retraites. "Elles ont été modestement suivies, juge-t-il. On en a souffert en particulier pour le carburant, un peu pour les transports, des secteurs on le sait très fragiles car faciles à bloquer. Les casserolades ont été une forme de protestation pas sérieuse", estime Dominique Reynié, à rebours de la franche réussite dont se targue l'intersyndicale. La journée du 7 mars a pourtant dépassé les chiffres recensés au plus fort de la contestation des réformes de 2010 (1 230 000 le 12 octobre selon la police) et 1995 (1 000 000 le 12 décembre, toujours selon la police), qui avaient entraîné, il est vrai, des blocages bien plus conséquents. En 1995, Alain Juppé, alors premier ministre, avait été contraint de retirer son projet.
Les Français "pas en profondeur hostiles à cette réforme"
"Je maintiens la thèse qui est la mienne depuis le début : la société française n'est pas en profondeur hostile à cette réforme, assure le politologue. Les individus n'y sont pas favorables car elle les concerne et correspond à une dégradation de leurs conditions, mais il y a une espèce de compréhension de la nécessité dans laquelle on se trouve". Les Français comprennent surtout, à 70%, les concerts de casseroles donnés à chaque déplacement présidentiel en signe de protestation, à en croire un sondage Odoxa Backbone Consulting pour Le Figaro publié le 28 avril. "Ce n'est pas une mesure joyeuse, et ce n'est pas la dernière, mais plutôt à mon avis la première d'une longue série", avance le l'enseignant à Sciences-Po, convaincu qu'il existe à ce sujet "une résignation, car on sait que l'on vit plus longtemps, qu'il n'y a pas assez de nouvelles générations, que c'est un système par répartition et que donc s'il n'y a pas d'actifs, il n'y a pas de retraités".
Manque d'imagination
Plus généralement, Dominique Reynié déplore l'affaissement de la délibération démocratique. "Notre débat politique ne parvient pas à se déployer, ne gagne pas en profondeur ni en intérêt, grince-t-il. Nous sommes dans un pays qui n'a pas pris la mesure de ce qui lui arrive depuis un quart de siècle. Nous changeons d'époque, nous changeons de centre du monde. On est menacé d'être mis à l'écart des grands mouvements historiques". Face à ces mutations, il regrette que les forces politiques donnent le spectacle affligeant d'un "problème de pensée et d'absence de travail".
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