Dix ans du pontificat de François, un pape capable "d'exprimer de la colère et de la révolte" selon Dominique Wolton
Il y a dix ans jour pour jour. Le 13 mars 2013, la fumée blanche s'échappe de la chapelle Sixtine pour signifier qu'un pape est élu. A la surprise générale, un inconnu du grand public apparaît à la Loggia de la Basilique Saint-Pierre : Jorge Mario Bergoglio, 76 ans, archevêque de Buenos Aires et désormais François. Depuis ce jour, salué par les uns pour son style en rupture, critiqué par les autres pour son exercice solitaire de la fonction, le premier pape non européen en treize siècles ne laisse personne indifférent.
"Ce qui m'a séduit en premier, c'est sa capacité de communication publique et politique", confie Dominique Wolton, auteur de Pape François, Politique et société, issu de douze rencontres avec le successeur de Pierre. Le sociologue est frappé par "cette capacité qu'il a eue de parler tout de suite, d'être compris par tout le monde, d'exprimer de la colère et de la révolte".
"Il vient d'un pays, l'Argentine, qui a été bouleversé par l'impérialisme américain et par les dictatures", justifie-t-il. L'Europe et l'Amérique du Sud n'ont pas les mêmes préoccupations diplomatiques. "Pour un latino-américain, la plupart du temps, c'est ce que représente l'impérialisme économique, financier, politique des Etats-Unis", replace-t-il.
Pontificat à forte dimension politique
"C'est un homme de colère. Colère sur les inégalités, sur la démocratie", insiste Dominique Wolton, soutenant que François est véritablement "le premier pape de la mondialisation". "Tous les quatre, cinq ans, il y a une nouvelle crise financière à laquelle on ne comprend rien, note le sociologue, et qui donne le sentiment qu'en définitive il n'y a que l'argent". "Il a tout à fait raison de dire qu'il y a d'autres valeurs que celle-ci", déclare-t-il.
Pour le pontife argentin, "on ne peut pas revenir à la foi si jamais on ne tient pas compte du contexte politique. C'est un débat qui existe depuis toujours dans l'Église ; il y a deux manières de lire les Évangiles : soit ils nous ramènent à l'action sociale, soit ils nous ramènent à la foi intérieure", explique Dominique Wolton.
Entre tradition et modernité
Début janvier, quelques jours après les obsèques de Benoît XVI, l'ancien bras droit du pape polonais exacerbait dans ses mémoires l'opposition entre Joseph Ratzinger et son successeur sud-américain. François avait estimé que la mort de son prédécesseur était "instrumentalisée". "Il y a des oppositions radicales entre Benoît et François mais, sur le plan spirituel, pas tant qu'on ne le pense", assure Dominique Wolton. "Ce que dit le pape, dans une tradition de l'Église classique, c'est que le message spirituel est indissociable d'un message social", considère-t-il, concédant que, "sur les mœurs, il est sur une position beaucoup plus libérale que ses prédécesseurs".
C'est un moderne qui se demande comment la tradition peut innerver, donner un sens à la modernité
"Cette ouverture, ce n'est pas de la modernité, parce qu'il est très traditionaliste par ailleurs, mais il faut jouer le conflit entre les deux", précise le spécialiste des sciences de la communication. "C'est un moderne qui se demande comment la tradition peut innerver, donner un sens à la modernité". En effet, pour répondre à la frange la plus conservatrice de l'Église, le Saint-Père a toujours insisté sur le retour aux racines prôné par le concile Vatican II. "Cette dimension spirituelle n'est pas assez entendue parce qu'on adore les dichotomies politiques", déplore-t-il.
Dominique Wolton, Pape François, Politique et société, Editions de l'Observatoire, 21 euros
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