« Deviner, ce n’est pas savoir »

Il est 20 h. La Halte ouvre. Ils arrivent des 4 coins de la ville, gens de la rue, après une journée d’errance.
Les quelques ingrédients du dîner sont là, un peu toujours les même, surstocks distribués (et heureusement) par la Banque Alimentaire. Ici, c’est une Halte, pas un resto.
Une soupe de pack de soupe, les incontournables raviolis, œufs durs, fromage pasteurisé, des yaourts, un fruit pomme ou banane. C’est un peu ça tous les soirs…
Il est là dans son anorak mouillé, grand, digne, l’air un peu perdu, un peu philosophe, cherchant si exceptionnellement ce soir, il n’y aurait pas quelques produits frais, quelque salade, de quoi mettre un peu d’équilibre dans sa nourriture du jour. Il finit par lâcher : 
« Y a de quoi se détruire la santé avec ces surplus systématiques de supermarché ».
Je suis là, en face de lui, n’ayant rien d’autre à lui offrir de plus et lui répond maladroitement : « Oui, j’devine ! »
Il me regarde avec un regard doux et fatigué et me dit « Deviner, ce n‘est pas savoir ! » et se rendant peut-être compte de la portée de sa phrase, il la répète plusieurs fois à voix basse « Deviner, ce n’est pas savoir »
Et je me dis. Il a raison, cet homme. Que savons de ce que vivent tous ceux que nous cherchons à aider ? Elle est difficile à faire cette conversion du cœur qui nous invite à vivre en vérité et compassion avec nos frères. Agir avec eux, vivre avec eux, pour trouver des solutions avec eux. C’est bien l’Esprit de ce « vivre ensemble » que nous cherchons à inscrire dans nos associations comme au Secours catholique dans notre accompagnement et notre chemin avec ceux qui ont des vies difficiles. 
Non, « Deviner, ce n’est pas savoir » La main qui donne, ne doit pas être au-dessus de celle qui reçoit, mais la main qui partage se met à hauteur et prend la main de celui avec qui je me relève et j’avance.

Alain de Brugiere