Deux millions de personnes de plus de 60 ans vivent sous le seuil de pauvreté
Les conditions de vie des personnes âgées pauvres se dégradent. C’est ce que révèle le nouveau rapport des Petits Frères des Pauvres, consacré pour la première fois aux deux millions de personnes âgées vivant sous le seuil de pauvreté en France. Pour mieux comprendre la situation des personnes âgées en situation de pauvreté, nous avons interrogé Yann Lasnier, délégué général des Petits Frères des Pauvres.
L'association, engagée depuis de nombreuses années, appelle les pouvoirs publics à des actions concrètes pour améliorer la vie des aînés les plus modestes. Ainsi les Petits Frères des Pauvres proposent 20 préconisations. Ils publient une pétition pour interpeller les pouvoirs publics et demander la revalorisation du minimum vieillesse au niveau du seuil de pauvreté.
Deux millions de personnes de plus de 60 ans vivent sous le seuil de pauvreté
Le rapport des Petits Frères des Pauvres est alarmant. Il met en lumière des privations, un sentiment d’abandon, ainsi qu’un non-recours aux droits sociaux par les personnes âgées pauvres. Le seuil de pauvreté, défini à 60 % du niveau de vie médian, est aujourd’hui fixé à 1 216 euros par mois. Deux millions de personnes de plus de 60 ans vivent en dessous de ce seuil et sont en situation de pauvreté. Parmi elles, 31 % déclarent rencontrer des difficultés à payer les factures du quotidien. Pour Yann Lasnier, "ce n’est pas facile de vivre dans cette situation à tout âge, mais lorsque le vieillissement s’ajoute à ces difficultés, avec des problèmes de mobilité ou de perte d’autonomie, la pauvreté devient encore plus difficile à supporter."
Certains arbitrages sont parfois extrêmement drastiques, par exemple sur le chauffage de leur logement. Il n’est pas rare de rencontrer des personnes qui ne chauffent qu’une pièce ou qui maintiennent leur logement juste au-dessus de 15 degrés, vivant dans des conditions de confort absolument ahurissantes pour la France en 2024.
En effet, 69 % des personnes âgées pauvres ont connu au moins une privation au cours des 12 derniers mois. Ces privations touchent aussi bien l’alimentation que l’énergie. "Certains arbitrages sont parfois extrêmement drastiques, par exemple sur le chauffage de leur logement. Il n’est pas rare de rencontrer des personnes qui ne chauffent qu’une pièce ou qui maintiennent leur logement juste au-dessus de 15 degrés, vivant dans des conditions de confort absolument ahurissantes pour la France en 2024", déplore le délégué général des Petits Frères des Pauvres.
La pauvreté, un facteur d’isolement social
La mobilité est un autre domaine de privation. "Lorsque vous avez des amis ou de la famille qui vivent à quelques kilomètres dans des zones mal desservies par les transports en commun, vous êtes parfois contraints de ne pas les voir, car les 50 euros d’essence nécessaires ne sont plus accessibles. Cela contribue à l’isolement social", explique Yann Lasnier. En effet, 37 % des personnes âgées pauvres se sentent abandonnées par la société. Avec des revenus faibles, elles réduisent leur réseau social jusqu’à l’isolement. Ces mécanismes sont mis en avant et dénoncés par les Petits Frères des Pauvres dans leur baromètre de l’isolement social, publié tous les quatre ans. Ce baromètre indique que, parmi les plus de 60 ans, deux millions de personnes se trouvent en situation de grande fragilité sociale, et 530 000 d'entre elles en situation de mort sociale. La pauvreté est ainsi identifiée comme un facteur aggravant de l’isolement social.
Lorsque vous avez des amis ou de la famille qui vivent à quelques kilomètres dans des zones mal desservies par les transports en commun, vous êtes parfois contraints de ne pas les voir, car les 50 euros d’essence nécessaires ne sont plus accessibles. Cela contribue à l’isolement social
De plus, 10 % des personnes de plus de 60 ans vivant sous le seuil de pauvreté n’ont pas de complémentaire santé, et 20 % de celles ayant un revenu inférieur à 750 euros par mois n’en disposent pas non plus. Yann Lasnier s’indigne de cette situation, car le non-recours aux soins peut entraîner des hospitalisations et multiplier les dépenses. "Lorsque nous proposons, dans nos préconisations, d’aligner l’allocation minimum vieillesse sur le seuil de pauvreté, nous savons que cela a un coût. Mais il faut aussi évaluer le rapport coût-bénéfice, au-delà de la dignité des personnes, car cela pourrait réduire certaines dépenses, notamment pour la Sécurité sociale."
Des discriminations liées à l’âge
Depuis plusieurs années, la société, et en particulier l'accès aux services publics, s’est largement digitalisée. Malgré de nombreux avertissements lancés aux pouvoirs publics sur le risque de décrochage numérique des personnes âgées, le délégué général des Petits Frères des Pauvres regrette de ne pas avoir été entendu. "Pour les personnes âgées, exercer ses droits suppose désormais de maîtriser l’outil Internet, ce qui implique de savoir s’en servir, d’avoir une couverture réseau adéquate et de disposer d’un équipement. On se retrouve face à un phénomène de "décitoyenneté" : vous renoncez à vos droits parce que les exercer nécessite une aisance avec la digitalisation." Cela peut s’apparenter à une forme de discrimination liée à l’âge, nourrie par l’idée fausse que tous les retraités vivraient confortablement grâce à leur patrimoine. Un discours démenti par le rapport des Petits Frères des Pauvres.
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