Ils portent tous un nom poétique et évocateur : « Café joyeux, le reflet, dans le noir, café-signes, Katimawik, pincée de sel, … ». Ces restaurants qu’on commence à trouver un peu partout en France sont tous animés par des personnes handicapées, qui cuisinent, dressent les tables, accueillent, servent, lavent … Des personnes de tous handicaps, selon les établissements : trisomie, cécité, surdité, trouble psychique, …. Parfois, comme le Jardin pêcheur à Bordeaux, tous les handicaps se mélangent harmonieusement, y compris la directrice en fauteuil roulant.
L’ambiance aussi y est harmonieuse, si l’on en croit les articles de presse dédiés à ces initiatives : « déjeuner délicieux, service exceptionnel, dans la bonne humeur » commente l’un d’entre eux qui a testé un restaurant tenu par des personnes trisomiques. Un autre s’est essayé au restaurant « dans le noir » : « Prendre son petit-déjeuner dans l’obscurité la plus totale en étant servi par des personnes non-voyantes est une expérience singulière. C’est faire l’expérience désarmante, quelques instants, d’être, à son tour, non-voyant. » Mais c’est un aveuglement lumineux pour ce journaliste qui explique la richesse de cette expérience qui l’a rendu sensible à tant de choses ignorées.
Ce n’en est pas moins avant tout des cafés restaurants. On y vient pour se restaurer. Pour tous, si la convivialité est de mise, pas question de transiger sur la qualité : « On a envie de montrer que cela marche, qu’on n’a pas à rougir par rapport à d’autres enseignes » explique cet entrepreneur qui dit s’être inspiré de la pensée de Jean Vanier pour lancer son restaurant. « On fume nous-même le saumon et l’esturgeon – dit cet autre chef qui se targue de ne servir que du frais et du "fait maison" ». Le succès est là, pour nombre d’entre eux. Les clients viennent de plus en plus nombreux, au point que chez certains, il faut réserver plusieurs jours à l’avance.
On comprend que cela fasse du bien aux personnes handicapées qui y travaillent, mais ces initiatives ont une portée beaucoup plus grande. Ces cafés restaurants qui se multiplient peuvent aider à faire tomber les préjugés dont souffrent tant les personnes handicapées. Inviter ses amis dans l'un d’entre eux est une bonne façon de les aider à changer de regard : faire l’expérience d’une joie contagieuse, qui marque les convives, comme l’a constaté un journaliste qui conclut son article en citant Michel Audiard : « heureux les fêlés, ils laissent parler la lumière ». Une nouvelle béatitude pertinente pour notre monde qui a tant besoin de se réconcilier avec la part fragile de notre condition humaine.
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