Démocratie en Afrique: pour le collectif Tournons la page, "l'indignation doit pousser les Etats à agir"
C’est dans un contexte agité que le cinquième sommet entre l’Union Africaine et l’Union Européenne se tiendra les 29 et 30 novembre prochains à Abidjan, en Côte d’Ivoire. Au Zimbabwe, la récente démission du président Mugabe semble de bonne augure.
L’indignation internationale liée au trafic d’esclaves dans certains pays comme la Lybie paraît également apte à faire progresser la démocratie africaine. Un processus qui a encore du chemin à faire pour Laurent Duarte, porte-parole de la campagne Tournons la page qui accompagne les mouvements citoyens.
Le spectre des dictatures toujours présent
Sans se laisser gagner par la liesse commune après l’annonce du retrait de Robert Mugabe après 37 ans à la tête de son pays, Laurent Duarte reste en alerte: "Mugabe est un symbole. Sa chute incarne la fin de certains dinosaures africains au-delà du Zimbabwe. Mais le maintien au pouvoir du "crocodile" Emmerson Mnangagwa, qui est à l'origine d'un important mouvement de répressions, n'augure rien de bon."
"Tous les pays africains ont la crainte du rôle que peut jouer l'armée"
La situation n'est pas isolée puisqu'au Cameroun, le président Paul Biya occupe ses fonctions depuis plus de 30 ans. Le porte-parole de Tournons la page note qu'"il y a forcément des résonnances avec le cas zimbabwéen". Il explique que la plupart des pays africains qui connaissent une sortie d'une longue gouvernance unique craignent leur armée. Cellle-ci peut tenir un rôle pacificateur, comme au Zimbabwe, mais aussi attiser les violences. Tournons la page attend donc que "cet élan démocratique vienne d’un mouvement populaire et citoyen"
"Le verrou autoritaire est toujours présent en Afrique centrale"
Le rôle de l'Union Européenne dans le processus de démocratisation africaine
Pour Laurent Duarte, les solutions peuvent émerger d'abord d'une mobilisation citoyenne puis de décisions à l'échelle étatique. "L’Union européenne pourrait faire plus, surtout les Etats membres. Ce qui pose problème ce sont les relations entre les chefs d’Etat, comme celle qu'entretient la France avec la dictature féroce du Tchad", explique-t-il.
"Une action seulement au niveau national ne suffit pas"
Le blocage, selon lui, vient de la politique sécuritaire de l'Europe vis à vis de l'Afrique. "La sécurité ne doit pas primer sur les droits fondamentaux des sociétés civiles et des citoyens africains, dénonce Laurent Duarte. Davantage de démocratie en Afrique, c'est aussi combattre la cause de la migration et de la radicalisation politique."
L'exploitation esclavagiste en Afrique
La diffusion d'une vidéo par une journaliste de CNN montrant une vente d'esclaves en Lybie a choqué l'opinion publique et fait réagir la communauté internationale. Laurent Duarte rappelle que la Mauritanie, l'Afrique Subsaharienne et l'Afrique du Nord sont encore en proie au trafic d'êtres humains.
"Cette situation est liée à des choix politiques très clairs. Rendre plus difficiles les routes migratoires qui passent par des pays comme la Lybie pousse à des violations horribles des droits humains des migrants", affirme-t-il. "Il est nécessaire et salutaire de s’indigner, mais il faut passer maintenant aux actes pour pousser les Etats à agir" conclut-il.
Invité interrogé par téléphone, en direct d’Abidjan.
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