Défense d’entrer : une enquête au cœur de la "forteresse mentale" des quartiers difficiles
Durant une enquête de terrain qui l’a poussé à se rendre dans pas moins de huit quartiers sensibles en France, de Marseille à Toulouse en passant par Vénissieux ou Roubaix, le journaliste Stanislas Poyet a voulu donner la parole à ceux qu’on entend peu. Des voix qui comptent à quelques semaines de l’élection présidentielle.
Des quartiers vus par ceux qui y vivent
Ces quartiers dits prioritaires sont pourtant trop souvent délaissés. Et l’on entend parler d’eux, uniquement dans les grands moments de tension sociale qui agitent la France. Ce constat, le journaliste Stanislas Poyet l’a partagé. Et il a voulu comprendre. Comprendre ces quartiers, l’économie parallèle qui y règne, mais aussi ceux qui y vivent, qui s’y enferment, et ceux qui tentent d’en sortir. Une enquête de plus d’un an qu’il publie sous le titre Défense d’entrer, aux éditions du Rocher.
"J’ai voulu traiter ce sujet qu’on traite souvent, mais d’un autre point de vue, par le bas, par le biais des habitants. Je voulais parler aux habitants, leur laisser raconter leur quotidien. C’est quelque chose qui manquait dans la couverture médiatique de ces cités" explique le journaliste sur RCF, évoquant l’effet "forteresse mentale" de ces quartiers sur ceux qui y vivent. "C’est quelque chose que j’ai observé absolument partout. Le quartier représente tout l’univers pour ces gens. C’est presque aussi difficile pour un étranger d’entrer dans ces quartiers que pour quelqu’un qui y habite d’en sortir" lance-t-il.
Des zones de non-droit ?
Ces quartiers sensibles sont souvent considérés comme des "zones de non-droit". Une expression que Stanislas Poyet souhaite nuancer au regard de son expérience passée sur place. "Ce n’est pas tout à fait exact. Le droit français s’applique là-bas comme partout. A l’exception de certains points du quartier, les zones de deal, où souvent le droit n’est pas respecté" précise-t-il au micro de RCF. Il n’en demeure pas moins qu’entrer dans ces quartiers n’est pas chose aisée. Le journaliste le confirme.
"Il a fallu du temps. Il faut rencontre une personne, puis une autre et encore une autre. Et c’est petit à petit, en revenant souvent, en se familiarisant avec les yeux, avec les habitants, que vous commencez à être accepté. On peut rentrer dans ces quartiers sans problème, mais vous ne parlerez à personne car vous êtes considéré comme un étranger, et l’étranger fait peur car il vient en-dehors de cette forteresse mentale" explique le journaliste.
"Ils se sentent délaissés
Dans ces zones, la confiance est un élément qui change tout. Stanislas Poyet explique qu’une fois accepté, les gens s’ouvrent, acceptent de raconter leur quotidien car ils savent que ce dernier sera retranscrit d’une manière réelle, plus éloignée des caricatures et des idées reçues. "J’ai passé des heures et des heures à discuter. Je n’ai pas tout retranscrit. Mais il fallait gagner la confiance, discuter. C’est un travail qui n’est possible que sur le long cours. Pour un reportage de deux jours au lendemain d’une émeute, c’est plus difficile. On n’a pas ce temps là. J’ai passé une année là-bas" précise le journaliste.
Une enquête qui aura permis au journaliste de constater de vrais disparités entre ces quartiers, en France. En fonction de leur localisation. De l’économie parallèle, de la drogue. De l’origine des personnes qui y vivent, du temps depuis lequel ils sont en France. Des personnes qui seront appelées à voter en mai prochain, mais qui sont éloignées de la vie politique. "Ils sont très loin de ça. L’abstention est colossale dans ces quartiers. Ils se sentent délaissés. Il y a une rupture dans l’engagement politique" conclut Stanislas Poyet.
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