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Décentralisation : mythe politique ou réalité démocratique ?

Décentralisation : mythe politique ou réalité démocratique ?

Un article rédigé par Melchior Gormand - RCF, le 9 octobre 2025 - Modifié le 9 octobre 2025
Je pense donc j'agisDécentralisation : mythe politique ou réalité démocratique ?

Depuis plus de quarante ans, la décentralisation est présentée comme un pilier de la vie politique française. Promesse de proximité, d’efficacité et de démocratie, elle devait rapprocher le pouvoir des citoyens.

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Alors que les maires dénoncent la perte d’autonomie des communes, que les régions réclament davantage de compétences et que les citoyens se sentent toujours éloignés des centres de décision, le concept de décentralisation semble plus que jamais remis en question. Est-ce un outil de pouvoir ou un véritable levier d’émancipation citoyenne ?

Un pouvoir local sous tutelle de l’État

Pour Raul Magni-Berton, politologue, professeur de sciences politiques et cofondateur du parti Solutions Démocratiques, la décentralisation française est "une illusion bien entretenue". Selon lui, si les collectivités locales ont gagné en compétences, elles ont perdu en autonomie réelle. "On a décentralisé les compétences, mais pas le pouvoir", souligne-t-il. En d’autres termes, les communes, départements et régions se voient confier de plus en plus de missions - transport, éducation, logement, aménagement du territoire - mais leurs marges de manœuvre budgétaires et politiques se réduisent. "Les réformes successives ont produit presque l’effet inverse de ce qu’elles promettaient. Le nombre de compétences exercées localement augmente, mais la capacité de décision locale diminue", explique-t-il. Cette contradiction, selon le politologue, s’explique par une centralisation persistante des ressources et des normes. "L’État conserve le contrôle du financement et des règles. Résultat : les élus locaux deviennent des gestionnaires d’exécution, plutôt que de véritables décideurs", précise-t-il.

Les réformes successives ont produit presque l’effet inverse de ce qu’elles promettaient.

La décentralisation devait aussi renforcer la démocratie participative. Mais là encore, Raul Magni-Berton reste sceptique : "en théorie, plus le pouvoir est proche des citoyens, plus il leur est accessible. En pratique, ce n’est pas ce qu’on observe", affirme-t-il. Les mécanismes de participation directe - référendums locaux, budgets participatifs, consultations citoyennes - restent rares et souvent symboliques. "Les maires et présidents de région ne sont pas plus contrôlés par les citoyens que les ministres à Paris", observe-t-il. Pour lui, la véritable décentralisation passe par une démocratisation du processus décisionnel, pas seulement par une redistribution des tâches administratives : "on ne peut pas parler de décentralisation démocratique si les habitants n’ont aucun moyen de peser directement sur les décisions".

Repenser la démocratie à l’échelle locale

Le politologue plaide pour une réinvention du modèle démocratique, à la fois local et participatif. Il évoque des pistes inspirées d’autres pays européens ou suisses, où les citoyens disposent de droits d’initiative ou de veto sur certaines décisions locales. "La France reste très jacobine dans sa culture politique. Le pouvoir central se méfie du local, et le local n’ose pas prendre d’initiatives sans validation d’en haut", analyse-t-il. Pour lui, "une vraie décentralisation serait celle où les citoyens ont le dernier mot", que ce soit par le biais du référendum d’initiative locale ou de formes nouvelles de contrôle citoyen.

La France reste très jacobine dans sa culture politique.

Une réforme toujours inachevée. Alors que de nouvelles discussions sur la gouvernance territoriale s’ouvrent régulièrement, Raul Magni-Berton rappelle que la décentralisation "ne peut être efficace que si elle s’accompagne d’un transfert réel de pouvoir politique". "Tant que les collectivités ne maîtrisent ni leurs ressources, ni leurs priorités, elles ne seront pas autonomes", conclut-il.

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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