De Bhopal à Rouen, quand les victimes de catastrophes industrielles se rencontrent…
Ce lundi 16 juin 2025, l’association des victimes de Lubrizol accueille Rachna DHINGRA et Satinath SARANGI, deux défenseurs des victimes de la catastrophe de BHOPAL, au “All Sport Café” à 17h pour une conférence de presse autour des catastrophes industrielles. La journaliste Réjane Ereau d’Espirac, qui a fait se rencontrer les deux combats, sera également présente.
Visuel de la catastrophe de Bhopal. Crédit : Briega Une telle rencontre est inédite et permet aux victimes de ces catastrophes de partager leurs expériences : “l’objectif de la rencontre, au départ, c’était vraiment la rencontre entre victimes dans l’idée qu’elles ont partagé un incident commun avec des répercussions communes [...]”, nous rappelle Réjane Ereau d’Espirac.
Pour rappel, la catastrophe industrielle de BHOPAL a touché l’Inde en 1984 lorsqu’une usine de production de pesticides a explosé dans la nuit provoquant des milliers de morts et de blessés. L’incendie de l’usine Lubrizol a, lui, eu lieu en 2019 dans une usine de produits chimiques. Cet incendie a provoqué un épais nuage de fumée noir toxique qui représentait un risque pour la santé.
Au-delà de permettre aux victimes de ces catastrophes d’échanger entre elles, la volonté de cette rencontre est de faire naître une réflexion autour de la sécurité industrielle, de la protection des populations en cas d’accident et de la justice environnementale. “En profitant de la venue de Rachna DHINGRA et de Satinath SARANGI, il y avait cette envie de créer un peu partout dans le monde [...] une fédération de gens, qui ont eu à souffrir d’accident industriel, pour faire entendre leurs voix de manière un peu plus forte [...]”, nous explique Réjane Ereau d’Espirac. Tout l'objectif de cette rencontre est le témoignage, c’est-à-dire montrer que ces accidents existent, qu’ils sont bien réels et que leurs conséquences durent dans le temps, afin de faire prendre conscience de leur ampleur : “[il faut] savoir que ces conséquences, même quarante ans après pour BHOPAL, sont toujours en cours notamment sur des questions de reconnaissance des droits et de l’injustice subie [des victimes]”.
Réjane Ereau d’Espirac, le lien entre victimes
Réjane Ereau d’Espirac est la journaliste qui a permis cette rencontre entre défenseurs de victimes de catastrophe industrielle. Depuis plus de 15 ans, elle travaille avec les populations victimes du drame de BHOPAL. C’est en 2019 qu’elle décide de faire un film sur la catastrophe et les conséquences auxquelles doivent encore faire face les populations locales. Malgré une différence de proportion, l’accident de Lubrizol survenu la même année fait pour elle totalement écho avec ce qui est arrivé à BHOPAL. Naît alors l’idée de faire se rencontrer les victimes : “Il y a peut être une forme de partage d’expérience, de savoir, qui peut circuler d’une victime à une autre ou d’un groupe d’activiste à un autre [...]”.
Ces échanges sont, pour elle, un moyen de s’enrichir mutuellement des expériences des uns et des autres quand les réponses étatiques ou les puissantes multinationales responsables des accidents n’apportent pas de solution et de reconnaissance aux victimes. “[...] les multinationales [...] [sont] des interlocuteurs extrêmement puissants, extrêmement outillés sur le plan juridique, qui vont avoir tendance à apporter des réponses qui ne sont pas des réponses humaines qui viennent du cœur ou de la morale, mais de l’intérêt politico-industriel”, nous rapporte-elle.
Il faut savoir qu’à BHOPAL, en moyenne, les victimes qui ont perdu leur santé de manière chronique ou des proches, ont touché [...] 500$ par personne… c’est rien par rapport à ce qu’ils auraient touché aux états-Unis ! - Réjane Ereau d’Espirac
Cette rencontre est un moyen de se retrouver entre personnes qui ont vécu des expériences similaires et de ne faire qu’une voix. Cela offre la possibilité pour les victimes de se sentir reconnues, considérées et comprises. Se réunir, c’est aussi se faire entendre davantage lorsque le poids des expériences individuelles ne suffit pas face à la puissance des multinationales.
Selon Réjane Ereau d’Espirac, c’est la rencontre avec les personnes, qui ont vécu ces catastrophes, qui permet de se rendre compte de leur ampleur : “Dès que vous rentrez en contact avec des gens qui l’ont vécu, ça prend une autre dimension”. Les dialogues nous empêchent de fermer les yeux sur ces situations.


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