Dans le flou du "barème Macron" pour les prud'hommes
Je ne sais pas si vous avez suivi ce dossier qui concerne le niveau des indemnités versées à des salariés licenciés abusivement. Jusqu’à la loi travail de Muriel Pénicaud, fin 2017, ils pouvaient aller aux prud’hommes, comme on dit, pour demander réparation à hauteur du préjudice qu’ils estimaient avoir subi. Les juges prud’hommaux, qui sont à parité des représentants des employeurs et des employés, pouvaient décider de les indemniser sans limite.
Cela paraissait normal, si le préjudice était très important, mais le patronat était très critique, particulièrement les représentants des petites et moyennes entreprises. Ils faisaient valoir qu’une petite erreur de rédaction dans une lettre de licenciement pouvait aboutir à un jugement négatif pouvant mettre en péril une entreprise. Tout le monde ne pouvait pas se payer les services d’un spécialiste du code du travail. Dans les trois quart des cas, les employeurs étaient condamnés. Selon eux, le risque juridique les empêchait d’embaucher, de peur de se mettre en danger en cas de litige.
Mais malheureusement, peu importe : en économie, la psychologie joue un grand rôle. Un grand groupe pouvait prendre le risque de faire une erreur d’embauche, pas le patron d’une toute petite entreprise, de peur de sortir fragilisé des prud’hommes.
Le « barème Macron » a instauré un plancher et un plafond pour les indemnités versées au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse, en fonction de son ancienneté dans l’entreprise. Ce qui a suscité la colère d’une quinzaine de conseils prud’homaux, qui ont estimé que leur indépendance était remise en cause. Ils ont choisi d’écarter cette grille au nom de traités internationaux ratifiés par la France.
Bien que marginales, ces initiatives ont fait grand bruit. Deux cours d’appel ont été saisies, à Paris et Reims.
L’arrêt est reporté au 30 octobre prochain. À Reims, la cour d’appel a décidé que, conformément à un jugement de la Cour de cassation, la plus haute instance judiciaire, les motifs avancés de non-conformité à la Constitution et aux différents traités internationaux n’étaient pas fondés, et que le barème n’aurait donc pas pu être écarté sur ces raisons.
Mais – et c’est là qu’est là que les choses se compliquent - la cour d’appel a estimé que la fourchette du barème « reste soumise au pouvoir souverain du juge dans les limites légales » et que ce dernier peut apprécier si la plafonnement « porte une atteinte disproportionnée » par rapport au préjudice personnel du salarié.
Ce n’est donc pas la fin du feuilleton judiciaire
Loin de là. Déjà parce qu’il reste à connaître l’arrêt de la Cour d’appel de Paris. Mais aussi parce que la décision de Reims entre-ouvre une porte. De quelques centimètres à peine, mais suffisamment pour que des avocats malins s’y engouffrent et recréent de l’incertitude juridique. Il faudra sans doute attendre que la cour de cassation se prononce. Ce qui prendra du temps…
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