Conflit Iran-Israël : pour Réza Salami adjoint au maire de Brest, "Un basculement est possible"
Voilà une semaine qu'une guerre a éclaté entre Israël et l'Iran. Les tirs de missiles se poursuivent. Ce jeudi matin, la police israélienne faisait état de "plusieurs impacts" en Israël après des tirs de missiles venant d’Iran, tandis qu'une série de frappes touchait Téhéran. Un point de bascule pour le régime iranien, et un espoir de démocratie toujours vif pour Réza Salami, adjoint à la mairie de Brest, qui a fui l’Iran dans les années 80.
Réza Salami, adjoint à la mairie de Brest en charge de la culture. (Crédit photo: Réza Salami)Une semaine que les jours et les nuits sont rythmés par les tirs de missile, entre Iran et Israël. Un hôpital du sud d'Israël touché par un missile iranien, ce jeudi matin, faisant plusieurs blessés légers. Le ministre de la Défense israélien prévient que l'ayatollah Ali Khamenei devra "répondre de ses crimes". De son côté, l'armée iranienne appelle à évacuer les villages d'Arak et de Khondab à une centaine de kilomètres au sud-ouest de Téhéran, situés près d'installations nucléaires. Une escalade de violences que Réza Salami suit de près, lui qui a fui l'Iran, son pays natal après la révolution de 1979 et l'instauration de la république islamique. Il témoigne au micro de RCF.
Quel regard portez-vous sur ce conflit ?
Depuis l'avènement de la République Islamique, en février 1979, l'ayatollah Khomeini avait l’obsession de prendre la suprématie dans le monde islamique. Or, le moyen d'y arriver pour lui, c'était d'annoncer qu'il souhaite faire disparaître l'État israélien de la carte mondiale. Or depuis sa mort et l'arrivée de son successeur, Ali Khamenei au pouvoir, cette idée obsède les mollahs en Iran et ils n’ont pas cessé de faire des déclarations dans ce sens. Ils ont créé des forces de substitution à savoir le Hezbollah, Hamas... et ils souhaitaient, via ces bras armés et puis un conflit ouvert, faire disparaître Israël.
Aujourd'hui, Israël depuis l'attaque du 7 octobre (2023), a réussi à se débarrasser de ces bras armés ou les affaiblir énormément. Et il s'attaque, comme disait l'ancien premier ministre israélien Naftali Bennett, à la tête du serpent. C'est-à-dire que ils sont en conflit ouvert avec les commanditaires donc iraniens qui essayaient de créer des zones de tension dans ce coin du monde. Or depuis 6 jours, on assiste à cette escalade de de guerre. C'est une catastrophe humaine. C'est une catastrophe sur tous les plans, le plan économique pour les les deux pays et puis des pertes des civils totalement innocents qu'on peut regretter.
Vous parlez de catastrophe humaine. D'après une ONG iranienne, je crois qu'on est à plus de 500 morts sur place. Est-ce que vous êtes en contact avec peut-être des personnes qui sont à Téhéran, qui auraient pu vous expliquer ce qui est en train de se passer à Téhéran ?
Évidemment, je suis en contact. Une partie de ma famille est en Iran. J'ai trois sœurs qui étaient à Téhéran qui ont réussi, à 14 heures, hier (mardi), de quitter Téhéran vraiment, in extrémis, pour aller vers le le nord d'Iran au bord de la mer Caspienne. La situation est est chaotique hein.
Les magasins sont fermés, le bazar de Téhéran est fermé. On ne trouve que quelques magasins de nourriture, on trouve difficilement le pain. Les banques sont fermées. Les distributeurs bancaires ne donnent pratiquement plus de billets et puis pour se ravitailler en essence, il faut passer des heures et des heures puisque vous avez des kilomètres de file d'attente devant les stations service qui sont prises d'assaut pratiquement partout en Iran et ils ont l'ordre de ne pas distribuer plus de 15 ou 30 litres d'essence à chaque conducteur.
Voilà une situation catastrophique dans lequel se plonge aujourd'hui ce pays millénaire de civilisation. Et les gens subissent. Ils sont, en réalité, dans une guerre avec un gouvernement qui occupe ce pays depuis 46 ans, une théocratie qui occupe le pays et puis dans une guerre maintenant qu'ils n'ont pas choisi en fin de compte avec les Israéliens qui, fût un temps, étaient des alliés des Iraniens.
Là on arrive à un point de bascule. Est-ce que vous pensez que le régime des mollahs peut être renversé ?
Sans nul doute parce que je pense qu'aujourd'hui avec cette force déployée, puis il faut regarder un petit peu la géopolitique du monde. Regardez les accords de Yalta qui ont été scellés entre Staline, Roosevelt et Churchill, il y a 80 ans, sont totalement questionnés aujourd'hui partout dans le monde.
On voit que les lignes bougent. Vous avez des déclarations tonitruantes de Donald Trump, ici et là, qui lance une guerre économique vraiment sans aucun frein et dans ce coin du monde, je pense que les territoires sont en train de bouger. Les pouvoirs sont en train de s'écrouler et puis d'autres forces sont annonciatrices de pouvoirs nouveaux qui vont surgir. Là, je pense que l'Iran n'en fera pas l'exception et j'espère de tout cœur déjà que ce peuple sera débarrassé de cette théocratie qui leur a fait tellement de mal. Vous ne pouvez pas imaginer dans aucun vocabulaire d'aucune langue que je connaisse, on ne peut trouver à décrire l'atrocité avec laquelle ce gouvernement, cette théocratie, a traité le peuple iranien et elle a été toujours à l'origine de beaucoup de tensions dans cette zone et puis voilà, et même pas défendu par la Chine et la Russie, qui profite beaucoup de la situation économique et les sanctions économiques imposées sur l'Iran depuis quelques années.
Est-ce qu'il y de la place pour installer un mouvement démocratique qui soit peut-être organisé ? On avait vu qu'avec le mouvement femme vie liberté, ça n'avait pas réussi à se concrétiser malgré tout le soulèvement populaire. Est-ce que cette fois ça peut fonctionner d'après vous ?
Vous avez tout à fait raison de dire qu’il y a eu plusieurs soulèvements jusque maintenant, ces 46 ans. Les femmes et les hommes en Iran se sont beaucoup battus contre cette théocratie mais les mains vides. Et aujourd'hui, le basculement est possible puisque je pense que de toute façon, comme je vous disais, il y a un nouvel ordre mondial qui est en train de s'installer et dans cet ordre mondial, la théocratie iranienne n'a pas sa place visiblement et que de toute façon, les Israéliens veulent s'en débarrasser. Ce qui fait que la théocratie va tomber, j'en suis persuadé.
Par contre, il y a différents scénarios. Est-ce qu'une partie des gardiens de la révolution qui est armée, et qui existe encore malgré tout en Iran, pourrait tenter un coup d'état ? En gardant Khamenei à la tête de gouvernement, c'est vraiment le scénario le plus faible en probabilité, je pense. Mais d'autre part, on peut voir Khamenei assassiné par les forces israéliennes ou américaines déployées à l'heure actuelle en Iran. Avec l'assassinat de Khamenei, la guerre sera terminée mais est-ce que ça ouvrira une voie à à une démocratie ? Ça serait tout l'enjeu vraiment des forces d'opposition actuelles qui sont malheureusement divisées mais qui devraient avoir la sagesse et l'intelligence de s'orienter vers une période transitoire de pouvoir avant de pouvoir organiser des votes en Iran, des votes cette fois-ci démocratiques où le peuple iranien pourrait décider enfin de son destin. Je suis absolument certain puisque c'est un peuple millénaire, cultivé, intelligent et que la culture iranienne pourraient leur permettre de faire briller la lumière et faire reculer l'obscurité dans ce pays.
