Conflit entre Boomers et Génération Z : mythe ou réalité ?
Boomers vs Génération Z : deux mondes qu’on dit opposés, entre tradition et changement. Mais derrière le clash générationnel, caricature ou vraie fracture ? Et si ce fossé cachait une opportunité de dialogue et de complémentarité ?
© Freepik"Boomers" d’un côté, "Génération Z" de l’autre : deux mondes qu’on oppose à coups de tweets, de débats télévisés… et même de petites phrases politiques, à l’instar des propos du premier ministre démissionnaire.
Du baby-boom à l’insulte générationnelle
À l’origine, le terme "boomer" n’avait rien de négatif. Il désignait simplement les personnes nées après la Seconde Guerre mondiale, pendant le fameux baby-boom. Jean-François Amadieu, professeur de sociologie à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne, explique que "les boomers, c’était la génération née jusqu’en 1965, parfois 1968, point". Cependant, depuis une vingtaine d’années, l’expression a glissé vers un usage péjoratif et stigmatisant, visant les seniors jugés déconnectés ou trop attachés à leurs valeurs traditionnelles.
Selon le sociologue, "on est venu à désigner quelqu’un qui, pour certains, ne penserait pas comme il faut", une tendance que l’on retrouve autant dans les pays anglo-saxons qu’en France. Cette transformation a même donné lieu à des campagnes d’affichage où les boomers étaient accusés de polluer la planète ou d’avoir creusé les déficits. Ce glissement montre comment une simple notion générationnelle a été récupérée pour exprimer des jugements moraux ou sociaux sur les modes de consommation et de pensée des plus âgés.
Politique et polémique autour du terme "boomer"
Le terme ne se limite pas à la jeunesse. "Il n’y a pas que la génération Z qui traite les plus âgés de boomers, ceux qui ont 40 ans ou plus ont également récupéré ces éléments de langage", précise le professeur de sociologie. Même certaines personnalités politiques ont utilisé l’expression à des fins symboliques ou politiques, malgré leur appartenance à cette génération.
La polémique récente autour de François Bayrou et son utilisation à plusieurs reprises du terme "boomer" sur la question des retraites, illustre bien ce paradoxe. Jean-François Amadieu souligne que "lorsque vous êtes une formation politique qui vise les plus jeunes, vous pouvez leur envoyer des signaux, mais l’électorat centriste, c’est surtout les boomers". Cette contradiction montre que le calcul politique derrière l’usage du terme est parfois flou : soutenir la jeunesse en stigmatisant ses propres électeurs seniors semble contre-intuitif.
Jeunisme et tensions entre générations
L’usage du terme « boomer » s’inscrit aussi dans une logique de jeunisme, où la jeunesse est idéalisée dans le discours politique. Jean-François Amadieu explique que ce n’est pas seulement une nostalgie du passé : "ce n’est pas simplement que ça a été mieux avant. C’est surtout une manière pour justifier que les plus jeunes sont sacrifiés, pour reprendre l’expression du Premier ministre. Les responsables, ce sont ceux qui ont eu une période dorée, maintenant elle ne l’est plus, et depuis quelques années, il faut demander un sacrifice".
Aucun politique n’a envie d’être entouré de boomers autour de lui.
Selon lui, cette vision positive de la jeunesse influence directement les stratégies politiques. "Il y a cette idée répandue qu’il faut absolument surfer sur les jeunes, sur ce que sont les valeurs de la jeunesse. Elles sont forcément très bien, associées au dynamisme, à la créativité, à l’avenir du pays. C’est porteur politiquement, et n’importe quelle politique, de tous bords confondus, a tendance à se saisir des jeunes", raconte Jean-François Amadieu.
Cette dynamique se traduit concrètement dans la mise en scène des hommes politiques. "Sur les tribunes, vous aurez remarqué que les politiques vont toujours s’arranger pour mettre autour d’eux des jeunes. Aucun politique n’a envie d’être entouré de boomers autour de lui". Les jeunes sont mobilisés, valorisés, et choisis pour leur image, donnant aux responsables politiques un « coup de jeunesse » médiatique.
Un conflit intergénérationnel à nuancer
Pour autant, le sociologue nuance cette perception. "Pour l’essentiel de mes étudiants, ils n’avaient même pas remarqué la déclaration du Premier ministre sur les boomers. Le calcul qui consiste à parler aux jeunes ne fonctionne pas vraiment, car ils s’informent autrement". Autrement dit, ce n’est pas la jeunesse elle-même qui utilise systématiquement le terme "boomer", et beaucoup ne font pas attention à ces discours.
Enfin, l’usage du terme peut rester anecdotique, mais il révèle des préjugés persistants envers les seniors. "C’est devenu pas juste une question de langage. Il y a des sujets sur lesquels on trouve que c’est moins grave de stigmatiser, de moquer, ou même de discriminer, et les questions d’âge en font partie". Les relations intergénérationnelles, qu’elles soient familiales ou professionnelles, continuent pourtant de reposer sur l’aide et le soutien mutuel entre jeunes et plus âgés.


Cette émission interactive présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité, et pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
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