Conflit Cambodge / Thaïlande : les explications de Sophie Boisseau du Rocher

Sophie Boisseau du Rocher, quelles sont les origines de ce conflit entre le Cambodge et la Thaïlande ? 

" Les origines sont très anciennes car le royaume khmer et le royaume thaïlandais, siamois à l'époque, étaient déjà en rivalité. 
Mais le conflit s'est fixé au 19ème siècle avec la colonisation française de l'Indochine. Le royaume siamois à l'ouest et le Vietnam à l'est, essayaient d'empiéter sur la souveraineté cambodgienne. Le roi du Cambodge a donc appelé les Français pour éviter un dépeçage de son royaume. Les Français ont alors négocié, au nom du Cambodge, le tracé frontalier entre les deux pays : la Thaïlande, qui était à ce moment-là le Siam, et le Cambodge. Cela a abouti à un traité qu'on appelle le traité de 1907. Or, ce traité comporte quelques erreurs. On est dans une situation de flou, puisque la Thaïlande a effectivement signé un traité, mais sans faire suffisamment attention pour s'apercevoir que ce traité comportait des erreurs. Et quand cela a été le cas, ils s'en sont aperçus et ils ont dénoncé le traité. Donc, nous en sommes là dans une espèce de conflit cyclique. "
 

Pourquoi il y a eu une escalade de violences ces derniers jours entre les deux pays ?

"Il y a eu une escalade de violences parce que devant ce flou des frontières, des soldats et des civils cambodgiens, sont venus au mois de février chanter l'hymne national cambodgien dans un temple qui était un temple thaïlandais. Cela a été évidemment très mal perçu. Un soldat thaïlandais a tiré et a blessé des Cambodgiens. Et puis, la situation s'est détériorée progressivement entre les deux voisins, avec effectivement des offensives, des initiatives militaires lancées notamment de la part du Cambodge. Néanmoins, les deux protagonistes se sont renvoyés la responsabilité des tensions pour des raisons de politique intérieure, exacerbant leur sentiment nationaliste, ce qui permet également au nouveau Premier ministre cambodgien de bien marquer son territoire d'officier à la tête de son pays. Ils ont suscité une crise politique ouverte en Thaïlande avec la suspension de la Première ministre de ses fonctions. Aujourd'hui, l'armée a repris également l'initiative dans les jeux politiques intérieurs thaïlandais. Donc, les tensions actuelles, l'exacerbation récente des tensions s'expliquent également par des situations politiques internes très tendues."

On va peut-être vers un apaisement de ces tensions. Les représentants des deux pays se sont rencontrés. Ils sont parvenus à un accord commun pour un cesser le feu inconditionnel. Est-ce que la situation peut se stabiliser ?

" Je crois d'abord que la situation n'aurait jamais atteint le niveau d'une guerre ouverte. Le Premier ministre thaïlandais avait annoncé déjà qu'il n'envisageait pas un conflit ouvert avec son voisin cambodgien. Maintenant, ce qu'on peut espérer, c'est qu'un retour à la normale va permettre effectivement une reprise des négociations pour régler cette question territoriale qui est ouverte depuis finalement presque presque un siècle. "