
La guerre entre Israël et l’Iran est entrée dans son 5e jour. L'État hébreu poursuit ses frappes et Téhéran continue de riposter. Cette offensive éclipse totalement la guerre à Gaza alors qu’un sommet sur le processus de paix à deux états était prévu cette semaine.
Le plan de l’armée israélienne existait depuis plusieurs années pour éliminer le programme nucléaire iranien. Son avancée justifiait, selon Benyamin Netanyahou, une action militaire engagée depuis la nuit de vendredi à samedi.
Les alliés du régime des Mollahs ont par ailleurs tous été éliminés ou affaiblis et le Premier ministre israélien semble avoir aussi profité d’une fenêtre d’opportunité dans un contexte politique et diplomatique de plus en plus compliqué pour lui. "La semaine dernière, il était face à une situation difficile sur le plan intérieur, puisqu'il y avait un vote à la Knesset, qui risquait de provoquer à terme une dissolution" rappelle Jean-Paul Chagnolaud, professeur émérite à Science Po et spécialiste du Moyen Orient. Cette opération "Lion dressé" contre l’Iran a donc plusieurs effets : neutraliser le programme nucléaire iranien, mettre les chancelleries occidentales un peu plus dans l’embarras (l’Iran et son programme nucléaire étant difficilement défendable) et enfin évincer Gaza de l’actualité avec ses 2 millions de Palestiniens menacés de famine par le blocus humanitaire. "Benyamin Netanyahou a choisi son moment en fonction, justement, de cette configuration pour gommer tout cela et faire oublier la Palestine pendant un long moment." pense Jean-Paul Chagnolaud.
Netanyahou affirmait lundi soir qu’Israël était en train de remodeler le Moyen-Orient. L'argument étant de dire qu'Israël a pris la tête d'une grande croisade contre le terrorisme islamiste. "C'est une manière pour Netanyahou de recadrer le narratif de la guerre à Gaza en narratif, plus régional, pour justifier justement cette action hyper violente toujours en cours à Gaza. Et pour tenter aussi de rallier à lui une communauté internationale qui jusque-là était tout de même très divisée" analyse Myriam Benraad, spécialiste de la région enseignante à l’université internationale Schiller. "Cela permet aux Israéliens de présenter la guerre à Gaza comme une guerre existentielle, avec en arrière-fond la menace iranienne. Mais c'est une façon de nier que le problème israélo-palestinien en est un à lui seul, indépendamment du rôle qu'a pu jouer l'Iran dans l'attaque du 7 octobre". L’opération contre le régime de Téhéran, permet aussi de faire taire les critiques à l’intérieur d’Israël en resserrant les rangs face aux bombardements iraniens.
De même que la reconnaissance de l'État de Palestine envisagée par Emmanuel Macron.
Le président de la République avait annoncé dès vendredi le report du sommet consacré à la Palestine, organisé conjointement avec l’Arabie Saoudite pour des raisons de sécurité et organisationnelle, mais on voit bien que cette attaque contre l’Iran a coupé l’herbe sous le pied de l’initiative diplomatique et renvoie aux calendes grecques un règlement politique du problème israëlo-palestinien. "Il peut y avoir une reconnaissance symbolique de la part de la France, mais cela ne sera pas du tout suivi d’effets. En réalité, depuis l'effondrement des accords d'Oslo, le processus à deux états est dans l’impasse. Et on peut dire que Hamas l’a tué avec le pogrom du 7 octobre" souligne Myriam Benraad.
Par ailleurs, les diplomaties européenne comme américaine apparaissent très en retrait du dossier. "Je ne vois pas dans ces conditions comment les Palestiniens pourraient espérer une relance du processus de paix qui aille dans le sens de la reconnaissance de leurs droits et une l'autodétermination" précise la chercheuse. Mais une reconnaissance malgré tout par la France de l’Etat de Palestine offrirait toutefois une perspective aux yeux de Jean-Paul Chagnollaud : "celle de ramener le droit international dans ce chaos militarisé, où la force prédomine. Le droit international est très clair. Les Palestiniens ont droit à un État et ils ont droit à l'autodétermination."
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