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"Comment j’ai tué son père"

RCF,  - Modifié le 21 mars 2019
Règlement de compte littéraire entre Martin Hirsch et le jeune écrivain Edouard Louis.
Christophe HenningChristophe Henning

Il y a quelques mois, le jeune écrivain Edouard Louis révélait qui avait tué son père : c’était le RSA – le revenu de solidarité active, créé en 2009 -, qui aurait contraint la victime malade à travailler dans des conditions insupportables. Noir sur blanc, il désignait le meurtrier – Martin Hirsch - qui avait utilisé cette "arme" qu’était le RSA pour achever le paternel. Sauf que… le père d’Edouard Louis est toujours bien vivant, que le livre mêle fiction et analyse socio-économique et s’en prend nommément aux responsables politiques… C’est à travers un roman que l’accusé Martin Hirsch a voulu répondre.
 

C’est à la fois un roman social et un règlement de compte ?

Le patron des hôpitaux de Paris aurait pu laisser tomber : sauf que, pour Martin Hirsch, répéter sur tous les tons qu’il a tué – même symboliquement – le père d’Edouard Louis, il en reste toujours quelque chose. Roman social aussi parce qu’il met en scène l’invention du RSA, au café de l’Avenir, dans une petite commune de Picardie, avec, en quelque sorte, le bon sens populaire. Roman jubilatoire aussi, puisque l’auteur se met en scène, lui le gentil garçon, le héraut des politiques sociales, décide, au début du livre, d’entacher ce portrait "bien sous tous rapports", en devenant criminel. Bref : recruté par une jeune écrivain pour tuer son père, le brave Martin s’égare, mais le naturel revient au galop : "J’ai craqué. Je me suis senti à nouveau submergé, envahi. Je voulais aider, résoudre, sauver…" Il est vrai qu’il est attachant, le père René, revêtu de son gilet jaune avant l’heure, histoire d’être visible dans une société du profit qui laisse les plus pauvres sur le bord de la route. Et bientôt, on s’en doute, sur le giratoire en rase campagne. Ca vous rappelle quelque chose ?
 

Voilà certainement le premier roman sur le mouvement des gilets jaunes !

Et sur la démocratie participative qui choisit pour cadre le café de l’Avenir pour refaire le monde ! On y ressent l’indéfectible optimisme de Martin Hirsch et aussi sa passion de "vrais gens" - même s’il réfute cette expression malheureuse – lui qui, dans les allées du pouvoir, a trop entendu des experts de tous poils qui "connaissaient quelqu’un qui connaissait une personne, qui connaissait un pauvre…" Peut-être Martin Hirsch aurait pu ne pas prendre au pied de la lettre l’accusation d’Edouard Louis. Cela nous aurait privé de ce roman, drôle et instructif, peinture sociale qui tient du polar et de l’autofiction. Attention, vous pourriez vite devenir complice…

 

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