C’était un sujet très français, ayant trait à ce qu’on considère comme étant le
cœur vital de la souveraineté nationale. Et, ce fut un discours très européen qu’a
livré le Président français. Discours dans lequel, tout en rappelant les
fondamentaux de la doctrine française en matière de dissuasion, Emmanuel
Macron affirme : « les intérêts vitaux de la France ont désormais une dimension
européenne ». L’expression n’est pas neutre, la dissuasion française ayant
vocation à protéger précisément les intérêts vitaux de la France. A partir de ce
constat, le Président français ouvre la porte aux Européens qui y sont prêts pour
entamer un dialogue stratégique sur (je cite) « le rôle de la dissuasion nucléaire
française dans notre sécurité collective ».
Cette proposition du président Macron s’inscrit dans la continuité de ses efforts
pour promouvoir le développement d’une culture stratégique commune. En
proposant aux Européens de participer notamment aux exercices des forces
françaises de dissuasion, le Président entend tirer les conséquences pour la
sécurité de l’Europe du Brexit. La France est désormais le seul Etat membre de
l’Union à être doté de l’arme nucléaire et elle souhaite la mettre au service de la
sécurité des Européens. Pour autant la proposition du président Macron ne va
pas jusqu’au partage de la décision (qui reste un enjeu de souveraineté
nationale) ni, comme le proposait un député allemand la semaine dernière, à
placer la dissuasion française sous commandement européen.
Si les Américains décidaient de quitter l’OTAN, la France pourrait-elle offrir une alternative crédible à ses partenaires
européens ?
C’est un vieux serpent de mer et une vieille ambition française : la dissuasion
française peut-elle se substituer à celle des Etats-Unis si ceux-ci venaient à se
désinvestir totalement de la sécurité du continent européen ? C’est peu
probable. Et, cela n’est pas tellement, comme certains veulent le croire, une
histoire de nombre de têtes nucléaires – les batailles de chiffre dans ce domaine
sont hors de propos – mais bien une question de confiance, de rapport entre
Européens. Aujourd’hui force est de constater que ceux-ci sont prêts à s’en
remettre aux Américains pour ce qui est de leur sécurité mais pas à l’un d’entre
eux. Cela peut apparaitre paradoxal à première vue mais c’est finalement assez
logique. Car, au cœur même du projet européen, il y a cette idée d’égalité entre
les peuples et entre les Etats européens. Toutes proportions gardées, il est assez
éclairant de faire le parallèle avec le cas de l’Euro : quel Etat européen aurait
accepté la monnaie unique si la politique monétaire avait été fixée
unilatéralement par la Banque Centrale allemande ?
Ceci ne signifie qu’une chose : si nous venions à développer une dissuasion
européenne, il faudrait que le pouvoir de décision en soit partagé. Et, avant d’en
arriver là, nous avons, nous Européens, une longue route à faire ensemble.
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