“C’est les paysans ou le loup”, sur le Plateau de Millevaches, les éleveurs sont excédés par les attaques de loup
Les 3 et 4 septembre derniers, Bellac (87) accueillait la 14ème édition de Tech'Ovin, le salon national du mouton. Loin des stands professionnels, nous avons décidé, à cette occasion, d'aller à la rencontre d'un éleveur et berger installé sur le Plateau de Millevaches. À cheval sur la Corrèze, la Creuse et la Haute-Vienne, le plateau est aujourd'hui habité par sept loups.
Fabrice Merhand, éleveur sur le Plateau de Millevaches. Source : Charline Deau Fabrice Merhand est berger de formation. D'origine bretonne, il est éleveur de brebis et de moutons limousins depuis 2017. Aux côtés de sa femme, Lise Rolland, ils ont fondé la ferme "revenons à nos moutons" à Toy Viam, en Corrèze. Son portrait est celui d'un paysan exaspéré par l'inertie administrative. Il fait face aux attaques du loup depuis 2021. De plus en plus nombreuses, de plus en plus régulières et surtout, de plus en plus audacieuses.
Le loup, c'est une balle entre les deux yeux.
Fabrice Merhand ne passe pas par quatre chemins. Pour lui, les autorités doivent choisir entre la préservation du loup et la survie des paysans. Espèce protégée par la convention de Berne (1979) et par la directive européenne Habitats-Faune-Flore (1992), cette espèce est également protégée par le droit français (article L411-1 du Code de l'environnement). Il est donc strictement interdit de le chasser. En cela, la coordination rurale de la Haute-Vienne s'est rendue hors-la-loi, par la mise à prix de l'animal. Le syndicat agricole, face à la détresse paysanne, offrait en juillet 2024, "1000 euros pour tout loup mort". Plus récemment, la FDSEA de Corrèze publiait sur ses réseaux sociaux un appel à rendre le loup "chassable" pour défendre les éleveurs. "Heureusement", nous confie Fabrice, "personne n'est tombé dans le braconnage".
Une vingtaine de brebis tuées d'un seul coup
C’est le 5 avril 2022 que Fabrice Merhand a subi sa première attaque. Il a perdu une vingtaine de brebis ce jour-là. Depuis, les attaques s’amplifient. Alors, pour protéger ses troupeaux, Fabrice Merhand a acheté 5 chiens de protection, en plus de ses 4 chiens de travail. À cela, s'ajoutent 30 kilomètres de clôture électrifiée, installée autour de ses terrains. En dépit de toutes ces mesures, en partie indemnisées par l’Etat, c’est de plus en plus dur de poursuivre son activité. Car la dernière semaine d'août dernier, il a constaté une nouvelle attaque de loup sur l’un de ses troupeaux, en plein jour.
Paradoxalement, le syndicat auquel est affilié Fabrice Merhand ne souhaite pas que le loup devienne "chassable". A la différence de la FDSEA 19, la Confédération Paysanne du Limousin défend des "prélèvements" (comprendre l'abattage) limités au strict nécessaire pour revenir "(...) à un travail serein sur les troupeaux".
Si les syndicats divergent quant au passage du loup en tant qu'espèce chassable ou non, tous s'accordent à dire que la situation n'est plus tenable en l'état. Dans un entretien réalisé au micro RCF Limousin, Fabien Marcilloux, éleveur bovin et président du MODEF 19, regrette que la manifestation contre le loup du 7 août dernier, à Millevaches (19) se soit changée "en meeting politique".
Des attaques tous les deux jours en Corrèze
En mai 2025, la préfecture de la Corrèze a placé dix communes corréziennes en cercle 1 à la protection des troupeaux pour la prédation par le loup : Chavanac, Meymac, Millevaches, Peyrelevade, Saint-Merd-les-Oussines, Saint-Sétiers, Saint-Sulpice-les-Bois, Sornac, Tornac et Toy Viam. Concrètement, cela veut dire que les éleveurs ovins et caprins qui subissent la prédation du loup "depuis au moins deux années successives", peuvent bénéficier de financements pour leurs dispositifs de protection. C'est-à-dire : une "(...) compensation financière du temps passé par l'éleveur à la mise en œuvre des moyens de protection ou l'emploi de berger ainsi qu'une augmentation des plafonds pour le financement des chiens de protection et les parcs électrifiés".
A savoir que depuis juin 2025, une dérogation est accordée aux éleveurs bovins de Corrèze pour des tirs de défense, à la condition qu'ils aient subi une prédation dans les 12 derniers mois, ou qu'ils soient installés dans une zone où la prédation est avérée. Auquel cas chaque demande de tir dérogatoire est examinée par le préfet, et la surveillance et les tirs sont réalisés par des lieutenants de louveterie. Des bénévoles possédant un permis de chasse et qui, aux yeux de Fabien Marcilloux, sont utiles, mais trop peux nombreux. C'est pourquoi le président du MODEF 19 demande la mise en place d'une "brigade loup", professionnelle, dédiée au prélèvement du loup dans le Massif Central.
Le champ où une brebis de F.Merhand a été attaquée en plein jour. Source : Charline Deau
Les batteries solaires dans lesquelles F. Merhand a dû investir pour clôturer ses champs. Source : Charline Deau
Sur le Plateau de Millevaches, l'espèce endémique est la brebis Limousine. Source : Charline Deau
Un lot de 200 brebis par terrain. Source : Charline Deau
Fabrice Merhand et Tara, chienne de protection portugaise. Source Charline Deau
Poil, chienne de travail. Source : Charline Deau 

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