"C'est infernal" : la détresse des éleveurs face au loup
La protection du loup va-t-elle être abaissée ? C’est la proposition de l’Etat au travers d’une consultation publique lancée fin novembre. Une initiative qui fait écho au déclassement du niveau de protection de l’espèce lupine en Europe. En 1999, seuls 25 loups étaient recensés sur le territoire français. Aujourd’hui, selon l’OFB (Office Français de Biodiversité), plus d’un millier d’individus occupent les massifs français. Des loups qui descendent parfois, jusque dans les villes. Il y a un mois, à Chavanod, près d’Annecy, Michel Duc a vu une dizaine de ses brebis attaquées à deux reprises en 48 heures.
L'une des brebis de Michel Duc, tuée par le loup, cette nuit d'Halloween 2025. ©Nicolas BouchetC'est dans sa maison, à Etercy, dans un quartier pavillonnaire, à une vingtaine de minutes d'Annecy, que Michel Duc nous accueille. Sur les murs de sa cuisine, et de sa chambre, sont encadrées des photos de ses brebis, gambadant joyeusement dans les prés. Elles font partie de la vie de cet homme de 79 ans, aujourd'hui brisé par cette double attaque du loup, en 48 heures, sur un terrain à Chavanod. Une dizaine de brebis, toutes gestantes, de son troupeau, qui en compte 25, ont été tuées par le prédateur. "C'est la première fois que ça m'arrive en 50 ans d'activité !", tonne le septuagénaire. "Mon pré était grillagé, mais les attaques de loup, ça devient infernal". Après l'attaque, Michel Duc a ramené les survivantes près de sa maison, avant de les rentrer à la bergerie avec un mois d'avance, de peur qu'elles ne se fassent attaquer à nouveau. "C'est impressionnant, le loup est allé au milieu d'un lotissement tuer ces bêtes, à quelques mètres, se trouve la piscine du voisin", déplore Nicolas Bouchet, ami et voisin de Michel Duc, qui va reprendre une partie du troupeau. "Je vais devoir reconstituer le cheptel, mais ça va prendre du temps. On ne peut pas rattraper plusieurs années de travail de génétique, en une seule année."
La question de l'indemnisation
Comme après chaque attaque de loup, un agent de l'OFB et de la DDT vient constater les dégâts. Sur ce cas précis, l'attaque de loup a été confirmée. Un mois plus tard, Michel Duc attend toujours un retour de la préfecture pour être indemnisé. "Je n'ai aucune nouvelle", se désole l'éleveur. Quatre jours après la double attaque, le député Antoine Armand, et le maire de Chavanod se sont déplacés chez lui pour accélérer le processus d'indemnisation, et obtenir le droit de tir, en cas de nouvelle attaque.

Augmenter les tirs, contreproductif pour le réseau Lynx-Loup
Les effectifs de loups se sont stabilisés ces dernières années. L'OFB dénombre 1082 loups en 2025, contre 1014 loups en 2024. A titre de comparaison, en 1999, il n'y avait que 25 loups estimés, sur l'ensemble du territoire français. C'est pourquoi l'Etat Français a lancé une consultation fin novembre pour assouplir les règles de protection de l'espèce lupine, et renforcer les tirs. Augmenter les tirs létaux est l’une des revendications les plus fortes des éleveurs. Mais pour le réseau Lynx-Loup, chargé de suivre la progression du loup en France, cette mesure serait contre productive. "Faciliter le tir, et le rendre plus fréquent, on va arriver à des situations impraticables, et favoriser le braconnage.", explique Alex Lathuillière, vétérinaire à Chambéry, et membre du comité Lynx-Loup en Savoie, a une proposition. "On pourrait imaginer un protocole d'intervention d'urgence suite à une attaque, mettre une surveillance humaine pour éviter une seconde attaque. Et ensuite, conseiller les éleveurs pour mettre en place des solutions de protection, des tirs d'effarouchement par exemple. Si elles sont insuffisantes, alors oui, le tir est nécessaire". Le projet de décret pour 2026 va assouplir la protection du loup et permettre aux éleveurs de brebis, chèvres, vaches ou chevaux, d’abattre l’animal sans autorisation préalable. Elle était obligatoire jusqu’alors, mais seulement en cas d’attaque de troupeaux. A l’avenir, un éleveur pourra ouvrir le feu sur un loup puis déclarer l’avoir fait a posteriori aux autorités.


Suivez l'actualité de proximité avec la rédaction de votre radio locale tous les matins dans La Matinale à 7h, 8h et 9h : un condensé d'informations au plus proche du territoire.

