Bertrand Degreef, auteur de « Puisqu’elle est inévitable », revient avec Cartache, un roman semi-biographique à la frontière entre hommage et fiction. À travers Walter, un homme ordinaire confronté à la maladie de Parkinson de son père, Degreef questionne notre rapport à la maladie, à la mémoire et aux incivilités du quotidien.
Si Cartache est une œuvre de fiction, son point de départ est profondément ancré dans le réel. Bertrand Degreef a vu son propre père lutter pendant près de dix ans contre la maladie de Parkinson, une affection qui touche environ 30.000 personnes en Belgique. C’est une conversation marquante avec ce dernier, où il lui demande de ne pas être oublié, qui a donné naissance au roman. Degreef a alors décidé de rendre son père « éternel », non pas par un récit biographique classique, mais par la fiction.
Walter, le personnage principal, est une pure invention. Gérant d’une station-service, il mène une vie des plus banales. Pourtant, derrière ce quotidien terne se cache un combat silencieux, celui de vivre avec un père, Pap’s, que la maladie transforme jour après jour. Cette confrontation à la lente déchéance d’un proche devient le fil rouge du roman, écrit en six mois seulement, comme une nécessité.
Ce livre était en moi, il devait sortir
Le sous-titre de l’ouvrage, « Journal d’une révolte moyenne », éclaire parfaitement la démarche narrative : celle d’un homme ordinaire qui tente, à sa manière, de lutter. Contre la maladie, d’abord, mais aussi contre l’indifférence généralisée. Walter ne possède ni charisme héroïque ni destin grandiose. Il agit avec ses moyens, ses faiblesses, et c’est justement cela qui le rend si touchant.
Cette révolte, il la mène aussi contre les incivilités du quotidien : mégots jetés au sol, déchets abandonnés dans la nature, comportements irrespectueux. Pour certains, ce sont des détails mais pour Walter, ce sont des symboles d’un monde qui abdique. Il décide de ne plus se taire, de ne plus détourner le regard, quitte à provoquer. « Pourquoi ne serait-il pas dérangé par ça ? », s’interroge Degreef. Walter devient alors le miroir de notre propre passivité face à ces petits actes d’incivisme que l’on banalise trop souvent.
Malgré la lourdeur du sujet : la maladie de Parkinson, l’usure mentale et physique des proches, le roman de Degreef ne sombre jamais dans le pathos. L’humour y est présent, comme un mécanisme de défense, une manière de désamorcer le tragique. « Il vaut mieux en rire qu’en pleurer », souligne l’auteur, qui mêle tendresse et ironie dans le regard qu’il porte sur ses personnages.
Le titre du roman, Cartache, fait référence à la plus grosse bille dans le jeu de billes de notre enfance. Pour Walter, c’est un symbole fort, un lien à son passé et à l’innocence perdue. Cette passion pour les billes devient sa « madeleine de Proust », son refuge mental face à une réalité trop lourde à porter. Le jeu, dans ce contexte, n’est pas anodin : il marque la frontière entre un monde révolu et un présent dévoré par la lenteur implacable de la maladie.
Cartache est un hommage sincère, une tentative de dire, avec humour et lucidité, ce que c’est que de vivre aux côtés d’un malade, sans trahir la complexité de l’expérience. Un récit de combat modeste, où l’on fait ce qu’on peut, avec ce qu’on a !
"Derrière chaque livre se trouve un nom, une personne" (Marek Halter). Soulevons le voile sur les auteurs et acteurs du monde littéraire qui se livrent entre les lignes.
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