Baraques de l'après-guerre : Découverte de trois d'entre elles à Lorient
Les baraques sont un pan à part entière de la vie d'après Seconde Guerre mondiale pour bien des Bretons. Et si elles tendent à disparaître, leur mémoire subsiste notamment dans le pays de Lorient, grâce à l'association Mémoire de Soye et leur Cité de l'Habitat Provisoire. Découverte.
Mickael Sendra, président de Mémoire de Soye, devant la baraque française | © Benjamin BaillemontEntre 30 000 et 50 000 Bretons ont, après la Seconde Guerre mondiale, connus la vie dans les baraques, ces logements provisoires mis en place face à la destruction des habitations, notamment sous les bombardements.
Dans le pays de Lorient, des cités de baraques ont fleuries un peu partout à partir de 1946, à l'Eau-Courante, au Moustoir, au Polygone, à Kermélo, à Kerforn ou encore à Soye. Et c'est à Soye justement qu'existe aujourd'hui une Cité de l'Habitat Provisoire où découvrir 3 baraques de cette époque. Découverte de ces morceaux du passé breton, avec Mickaël Sendra, guide conférencier et président de Mémoire de Soye.
La baraque canadienne : un logement de sortie de guerre
Le premier de ces logements fait partie d'une série de baraques canadiennes importée en France, arrivées à St-Nazaire et réquisitionnées pour Lorient notamment. "Ici on a très volontairement décidé de venir la remeubler intégralement avec le mobilier dit de réinstallation".
Un mobilier inventé par René Gabriel, produit en série et fourni par l'État pour les habitants. "On va avoir une série qui s'appelle la série 150 qui était fournie aux sinistrés, avec des tables, une table, quatre chaises, un buffet, un lit deux places, un lit une place et une armoire." L'idée était de proposer des meubles peu chers, achetables en tickets de rationnement.
Et avec des découvertes intéressantes dans ce que notre guide qualifie presque de "Pompéi des baraques" au vu des traces résiduelles de la guerre : "On a retrouvé les peintures d'origine, ce qui n'était pas forcément le cas dans les autres qu'on a récupérées. (...) Donc là on peut voir notamment une couleur sable, une couleur grise qui en réalité sont à l'origine les couleurs utilisées par la Kriegsmarine. Et donc après guerre, il y a tellement de litres de peinture inutilisés en stock qu'on ne va pas les jeter à la mer, donc ça va être réutilisé."
Dans cette baraque, quatre pièces : une cuisine, un salon, deux chambres, mais pas de salle de bain : "Pourquoi mettre des douches ou des salles de bains chez des gens qui n'auraient pas l'eau courante, alors qu'on allait faire des immeubles tout neuf dans lequel on manquait de matériaux ? "
La baraque française : à partir de 1947
Plus tardives en termes d'installation, mais plus vieilles au niveau de la construction, on retrouve les baraques françaises, qui à la base étaient vouées à l'armée pendant la Première Guerre mondiale : "On a continué de les utiliser dans les années trente, les années quarante, pour l'armée, pour tout un tas de choses. Et finalement en 40-45, au moment de la Libération, et bien on les a implanté en très très grandes séries partout en France."
On retrouve ici une maison en 3 pièces. "Donc généralement c'était deux chambres. La cuisine au centre pour la plupart du temps, parce que le foyer étant là, ça rayonnait en terme de chaleur sur les pièces d'à côté".
Et l'intérêt une nouvelle fois est dans le mobilier, cette fois non pas de réinstallation mais de dépannage : "notamment le mobilier suisse qui est super astucieux (...) puisqu'ils ont transformé les deux cadres de lit en caisses. Ce qui fait que relier entre eux, et ben ça fait une boîte. Et dans la boîte, une fois démontée une table, deux chaises, deux tabourets, vingt sept pièces de cuisine, deux matelas et une armoire."
Mais les gouvernements français, pétainistes via le Secours National, puis gaullistes avec le Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme, sont aussi impliqués dans l'ameublement : "On a des meubles beaucoup plus simple, d'une facture beaucoup plus rapide. C'est beaucoup plus brut, c'est beaucoup moins joli (...) sur certains meubles sont gravés les initiales du ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme. Donc on sent que ça appartient à l'État et qu'il faut les rendre". Un mobilier sommaire qui n'a bien sûr jamais été rendu.
La baraque américaine : 1949, un logement tardif

La dernière baraque à visiter est bien plus moderne et confortable, puisqu'il s'agit de la baraque américaine. "Ici, on est dans une maison complètement moderniste, c'est à dire que c'est pas du tout la même pensée architecturale. On est dans un cube avec un toit plat, avec des bandeaux fenêtres qui font quasiment toute la longueur de la façade. Un tiers de la façade est vitrée. Donc c'est énorme." Une baraque réfléchie bien différemment des deux autres : "On va d'abord faire la part belle aux espaces à l'intérieur et puis après, et ben dehors, on va juste s'arranger pour qu'il y ait une continuité visuelle et pas forcément pour que ce soit symétrique quoi."
Au niveau de l'intérieur et des pièces disponibles, la différence est également de taille : "On a la cuisine, on a une salle de séjour complètement séparée, on a deux chambres, on a un placard pour le linge, on a des placards dans chaque chambre, des fois qu'il n'y ait pas tant que ça de meubles. Et le top du top, on a une salle de bain équipée." Mais avec un couac, surtout pour des logements de sinistrés : "Si la baraque n'est pas connectée à l'eau courante, et ben cette magnifique salle de bain avec une baignoire énorme ne va pas servir à grand chose".
Dans cette dernière baraque, l'idée est d'évoquer l'évolution de ces lieux de vie qui ont continué de subsister jusqu'à tard. Les dernières baraques disparaissent de Soye dans les années 1980. "Il faut bien imaginer que les intérieurs ont continué d'évoluer, qu'à un moment on a eu le formica, on a eu les linoléum, on a eu l'électricité, l'eau. Il y a eu un confort qui s'est qui s'est amélioré." Un confort qui plaît sans doute encore selon notre guide, Mickael Sendra : "Il y a peut être encore un bon millier de personnes en France qui vivent dans des baraques par choix."
Et désormais à Soye, la suite est à trouver dans une quatrième baraque, dont l'arrivée est en projet : "On a plus que commencé de démontage et de sauvetage et de remontage d'une quatrième baraque qui elle, est suisse (...) C'est un chantier de bénévoles et avec la Mission locale, on a réussi à mobiliser six jeunes Afghans réfugiés qui ont été volontaires. (...) Et ils ont bien compris que les réfugiés, il y a quatre-vingt ans, en France, il s'appelait Yvette, Jacques, Georges et que maintenant c'est eux, et qu'à l'époque c'étaient les anciens."
La Cité de l'Habitat Provisoire de Soye est à découvrir à Ploemeur, dans le Morbihan. Des visites guidées sont proposées régulièrement. Toutes les informations sont à retrouver sur la page Facebook de l'association Mémoire de Soye : www.facebook.com/Memoiredesoye.
