Au Musée des Beaux-Arts de Brest, de restauratrices travaillent au nettoyage des œuvres
Cela avait été une très mauvaise surprise. En janvier dernier, une infection fongique avait été constatée sur 18 tableaux du musée des Beaux-Arts de Brest, infection générée notamment par le manque de ventilation dans le bâtiment, et l'humidité.
Les œuvres ont donc été mise en quarantaine et les portes du musée ont dû rester fermées, et le resteront encore pour plusieurs années au moins jusqu'en 2033. L’heure est désormais à la désinfection de ces tableaux. L'équipe technique du musée ainsi que des restauratrices professionnelles sont à l’œuvre. Reportage.
Les restauratrices manipulent une oeuvre qui a été nettoyée, elle sera remise dans son cadre. (Crédits photo: Océane Théard)Ici, on entre comme dans une chambre stérile: blouse blanche sur le dos, tapis collant à l'entrée pour retenir les saletés des chaussures.
Nous pénétrons dans la galerie du premier étage du musée des Beaux-Arts, sous une verrière. Dans cette salle tout en longueur, les murs sont nus, et les œuvres décrochées sont appuyées sur les murs peints de noir. Masque sur le nez, Gwenola Corbin. Elle est conservatrice et restauratrice de tableaux à Plounéour-Lanvern dans le Finistère, elle fait partie des professionnelles chargées de nettoyer les tableaux infectés par les moisissures. Durant une semaine et demie, elle s'attaque aux tableaux les plus fragiles, comme l'"Allégorie chrétienne", une huile sur toile de 1798 d'Angelica Kauffmann, une peintre autrichienne. Mais pour cela, il a fallu dans un premier temps stabiliser le climat de la galerie, "pour que les moisissures soient en dormance". "Là on procède au fixage de la couche picturale, pour les œuvres les plus fragilisées. La toile va se détendre avec l'humidité, puis se retendre s'il fait chaud et la couche picturale ne va pas suivre de la même manière les variations climatiques. Du coup, il y a des soulèvements de peinture", précise Gwenola Corbin.
Un travail de désinfection et de micro-aspiration
Ensuite vient le travail de dépoussiérage, "on dépoussières de manière minutieuse les œuvres. Face revers, à l'intérieur des cadres", poursuit Gwenola Corbin. Un travail extrêmement précis, avec des outils spécifiques. Elle sort une caisse de plastique transparent, où sont rangés notamment des pinceaux "plus ou moins soyeux pour pas abîmer, par exemple les surfaces dorées des cadres. Ici, ce sont des pinceaux japonais en poils de chèvres. Et de plus ou moins grande taille, pour aussi aller dans les interstices. On utilise des lingettes, des chiffons microfibre.
Ça enlève beaucoup l'encrassement, parce que des fois, il y a une poussière un peu grasse, c'est aussi les poussières de pollution. Et puis des petites éponges, ce sont des élastomères qui ont des petits trous qui permettent de bien récupérer la poussière en surface de la toile, comme c'est fibreux", détaille-t-elle. Des micro-aspirateurs sont également utilisés "avec des aspirateurs spécifiques avec gestion du flux d'air."
Une chasse à la poussière, car justement les moisissures s'en nourrissent, et les dommages peuvent être irréversibles. Gwenola Corbin désigne le revers d'un cadre, constellé de petites tâches sombres. "Vous avez des des tâches qui sont des causées par le mycélium fait des moisissures. Mais quand ce tableau à la face, vous n'en avez pas, parce qu'on l'a traité assez vite."

Un caisson étanche pour ne pas risquer une nouvelle infection
Ces derniers temps, les restaurateurs professionnels sont appelés régulièrement pour des cas d'infections fongiques. "Avec les collègues, on commence à s'interroger, parce que tout le monde rapporte des expériences de moisissures dans des collections. On avait travaillé à Morlaix, pendant la construction du musée. C'était l'occasion de traiter les moisissures. On était une équipe de quatre à travailler là-dessus. Et ici [au Musée des Beaux-Arts de Brest] on avait fait un premier chantier en 2018. Il y avait eu une contamination en réserve."
Des masques, des blouses et un tapis spécial, "un hôpital de guerre" mis sur pied pour traiter à temps les œuvres contaminées décrit la directrice du musée Sophie Lessard. Depuis le mois de mars, le climat trop humide a été stabilisé dans le musée, les températures et l'hygrométrie ont été baissés par pallier "de manière à atteindre 50% d'humidité relative". Et cela grâce à des déshumidificateurs, qui ont fleuris un peu partout dans les galeries ainsi que des ventilateurs.
Pour les œuvres infectées par les moisissures, une fois le nettoyage et la désinfection terminés, viendra la phase de restauration, qui se fera dans une "boîte dans la boîte". "On va créer un caisson étanche au rez-de-chaussée du musée. Ce caisson étanche sera parfaitement stable", explique Sophie Lessard. Les toiles seront ensuite surveillées jusqu'à l'ouverture en d'un pôle de conservation, en 2029, qui permettra de stocker, en toute sécurité, les 15 000 œuvres du musée. Et qu'en est-il de l'avenir du bâtiment ? Réza Salami, adjoint au maire en charge de la politique culturelle, balaie les rumeurs de fermeture. "On va réaménager, éventrer le local à l'entrée, l'ancienne bibliothèque pour pouvoir proposer des salles d'exposition adaptées demain (...)". L'idée est de mettre en avant une plus grande partie des collections du musée. "Nous possédons 15 000 œuvres, seulement 185 sont exposées. Ce ratio est incompréhensible", souligne Réza Salami.
Une réouverture au public n'est pas prévue avant 2033 ou 2034.
