Après la prison, quels chemins vers une vraie seconde chance ?
Sortir de prison, c’est tourner une page, mais rarement en écrire une nouvelle sans aide. Chaque année, des milliers de personnes quittent les établissements pénitentiaires avec un même défi : retrouver leur place dans la société. Pourtant, le retour à la liberté ne rime pas toujours avec seconde chance. Trouver un logement, décrocher un emploi, renouer avec sa famille ou simplement reprendre confiance en soi peuvent vite devenir des épreuves.
© Matthew Ansley sur UnsplashQuand la parole devient un levier de réinsertion. L’accompagnement post-prison est un enjeu crucial pour éviter la récidive et favoriser une réinsertion durable. Sur RCF et Radio Notre Dame dans l'émission Je pense donc j'agis, Ilan Volson-Derabours, président fondateur de l’association À travers les murs, et Laure Garnier, directrice de Spile (Sortir de Prison, Intégrer l’Entreprise), ont partagé leur expérience et leur vision du sujet.
En prison, l’importance de l’accompagnement et du lien social
Le lien avec l’extérieur est essentiel. "Nous, on vient apporter quelque chose qui a un lien avec l’extérieur, utile à la fois pour les détenus et pour comprendre ce qu’est une incarcération", raconte Ilan Volson-Derabours. Laure Garnier insiste, elle, sur l’importance de la motivation personnelle. "Ce qu’il faut, c’est une volonté profonde. Ce n’est pas toujours le bon moment pour tout le monde. Certains ne sont pas encore prêts à se projeter, et c’est normal", précise-t-elle. Les invités ont évoqué le rôle du SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation) et ses limites. Chaque chargé de SPIP suit 80 à 90 détenus, ce qui rend un accompagnement individualisé très difficile. Les associations complètent ce dispositif, en accompagnant les détenus sur la préparation à l’emploi, la formation et le lien social. "On travaille vraiment en relation avec les SPIP, mais parfois nous connaissons mieux la personne que le SPIP lui-même", souligne Laure Garnier.
C'est utile à la fois pour les détenus et pour comprendre ce qu’est une incarcération.
L’aisance à l’oral et le développement du vocabulaire sont des leviers souvent négligés mais déterminants. "On parle beaucoup des définitions de tous ces adjectifs et ça permet de sortir des murs et de s’exprimer sur ce qu’on a déjà fait ou sur ce qu’on aimerait faire", explique Laure Garnier. Selon Ilan Volson-Derabours, la parole est « transversale » et indispensable pour tout moment de réinsertion, qu’il s’agisse d’emploi ou de relations sociales. Des témoignages des auditeurs de l'émission Je pense donc j'agis illustrent ces réussites. Brigitte évoque par exemple le programme JET (Jeunes Équipes de Travailleurs) des années 1980, où des jeunes détenus prolongent volontairement leur peine pour préparer un projet professionnel. Sofiane, lui, raconte avoir retrouvé son emploi après Fleury-Mérogis et avoir accompagné d’autres détenus dans leurs démarches de formation et de réinsertion.
Des outils concrets pour une réinsertion réussie
Se préparer à l’entretien d’embauche. L’un des axes forts des associations est la préparation concrète à l’emploi. Ilan Volson-Derabours explique que leurs cours incluent huit séances, avec un diplôme en partenariat avec l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Laure Garnier explique dans l'association, "on simule des entretiens d’embauche, on travaille sur les trous dans le CV, et on aide à verbaliser ce passé sans se disqualifier". Face à un futur employeur, un ancien détenu peut être amené à révéler son passé ou à choisir de ne pas le divulguer si cela reste légal. Laure Garnier précise que "ce n’est pas illégal de garder certaines informations dans la sphère intime, mais il ne faut pas mentir sur une formation ou un emploi qui serait faux".
Il y a beaucoup de violence en détention, mais aussi de l’humanité.
Au-delà de la formation, les associations favorisent l’entraide et la solidarité entre détenus. "Il y a une solidarité très forte en détention, tout le monde est dans le même bateau", témoigne Ilan Volson-Derabours. Laure Garnier ajoute que "certains détenus sont référencés pour aider les plus isolés. Il y a beaucoup de violence en détention, mais aussi de l’humanité". Les SAS (Structures d’Accompagnement vers la Sortie) permettent de préparer la fin de peine dans des conditions plus humaines. Joël, ancien infirmier en prison, rappelle que la promiscuité et le manque de moyens favorisent la violence. Ilan Volson-Derabours insiste sur la formation des futurs avocats en prison pour qu’ils comprennent réellement le fonctionnement carcéral et ses enjeux humains.
On peut avoir une deuxième chance et une autre vie après les barreaux.
Même discours du côté de Laure Garnier : "les entreprises doivent venir en détention pour se rendre compte qu’il y a des compétences. Les détenus savent s’exprimer et ont une grande volonté de travailler pour se réinsérer". Un nouveau regard sur la réinsertion. Laure Garnier évoque le concept de désistance, au-delà de la simple non-récidive : "c’est un processus qui permet à la personne de se considérer comme un nouveau citoyen, et pour la société de la voir ainsi. Ce n’est pas obligatoire de dire que l’on est un ancien détenu : on peut avoir une deuxième chance et une autre vie après les barreaux".


Cette émission interactive présentée par Melchior Gormand est une invitation à la réflexion et à l’action. Une heure pour réfléchir et prendre du recul sur l’actualité, et pour agir, avec les témoignages d’acteurs de terrain pour se mettre en mouvement et s’engager dans la construction du monde de demain.
Intervenez en direct au 01 56 56 44 00, dans le groupe Facebook Je pense donc j'agis ou écrivez à direct@rcf.fr




