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RCF Action, Aldi, Lidl : le discount à la conquête des centres-villes
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Action, Aldi, Lidl : le discount à la conquête des centres-villes

Un article rédigé par Célia Gueuti - RCF, le 18 janvier 2024  -  Modifié le 18 janvier 2024
Le dossier de la rédaction Action, Aldi, Normal... Le succès du discount en France

44 % des Français fréquentent davantage les enseignes discount depuis l'envolée de l'inflation. Partout en France, ce modèle de magasins se développe à la vitesse grand V. 3200 enseignes discount, dont 1600 magasins Lidl parsèment maintenant le territoire et de plus en plus ouvrent en ville, loin du modèle périurbain des années 90.

Lidl est le premier magasin de discount a avoir réussi à dorer son image pour un public plus aisé. Lidl est le premier magasin de discount a avoir réussi à dorer son image pour un public plus aisé.

Ils poussent comme des champignons dans le cœur des villes. Action, Aldi, Normal ou encore Flying tiger, alors que les enseignes discount s’installaient avant en périphérie il n’est maintenant plus rare qu’ils se fassent une place là où les petits commerces et supermarchés classiques s’implantaient auparavant. La recette fait fureur, assez pour que l’enseigne sacrée magasin préféré des Français en avril 2023, Aldi prévoit d’ouvrir 70 magasins par an sur les prochaines années.

Un système basé sur le gros

Si le système fonctionne, c’est que le public a bien compris que ce n’est pas la mauvaise qualité qui permet les prix bas, mais un système d’achat à bas prix qui est spécifique aux magasins discount. « La plupart des produits non-alimentaires sont importés en grande quantité souvent d’Asie, explique Olivier Salomon, managing director chez Alix Partners. Pour les enseignes traditionnelles, ce sont des processus longs, d’analyse du marché pour savoir quoi stocker par exemple. Ces enseignes le simplifient en proposant des produits très semblables d’un magasin à l’autre, voire d’un pays à un autre. Elles s’affranchissent aussi de la permanence d’un produit. Elles acceptent la rupture d’un article. » Facile alors de se positionner auprès des producteurs, et d’être réactif aux bonnes affaires.

La devise est claire : bien vendre, c’est avant tout bien acheter. Quitte à ne pas renouveler un produit suite à sa rupture de stock. La faille du système devient élément marketing. Il faut venir maintenant avant que le produit ne soit plus en stock. La recherche de la bonne affaire n’est d’ailleurs plus une honte chez les acheteurs qui s’enorgueillissent de leurs paniers à bas prix. Il n’y a plus de honte à remplir son frigo de produit Lidl ou d’exposer des statuettes tout droit venu d’action dans sa maison. « Ce n’est plus vous êtes pauvre donc vous achetez dans telle ou telle enseigne, analyse Emmanuel Le Roch de Procos, la Fédération pour la promotion du commerce spécialisé. C’est presque vous êtes malins donc vous achetez dans telle ou telle enseigne. »

Inflation rime avec réductions

Quand 44% des Français disent aller plus souvent au hard discount depuis l’explosion de l’inflation, le client se fait une joie d’exhiber ses bonnes affaires. Car même si le fait que le discount soit moins cher que la grande distribution est discuté, c’est tout de même vers lui que les consommateurs se tournent au moment où il faut se serrer la ceinture. « En 2023 avec l’augmentation des prix, surtout alimentaires, l’appétence des clients pour les prix est très importante. Résume Emmanuel Le Roch. Y compris pour ceux qui ont plus les moyens. Ces enseignes sont devenues attirantes pour tout type de public. »

Mais ce n’est pas la seule raison du développement rapide de ce type d’enseigne. 74,6% des Français affirment avoir fréquenté au moins une fois l'une de ces enseignes lors de l'année écoulée. Et pas seulement à cause de l’inflation. Il y a cinq ans, ce chiffre était de 69%, soit une progression de cinq points en cinq ans. « Le développement, par exemple de Action est bien antérieur à l’inflation et même au Covid, souligne le délégué général de Procos. L’inflation a accéléré les parts de marché et le phénomène. Mais ce n’est pas ça qui a été le fait générateur du développement de ces enseignes. » L’envie des bonnes affaires s’accentue en période inflationniste, mais existe toujours.

Récupérer le chaland

S’il est plus facile de voir le développement du discount, ce n’est pas car il se développe de façon exponentielle quand l’inflation apparait. C’est car il n’est plus seulement à un trajet de voiture de nous, mais sous nos yeux. Alors que dans les années 90, le domaine du discount était le périurbain, il s’installe maintenant en cœur de ville. « Souvent avec des enseignes un peu plus petites. Elles ont ajusté leurs offres pour des produits moins volumineux parce que le public urbain se déplace plus en transport en commun, à vélo ou à pied. En France, la population de centre-ville représente environ 40 à 50% de la population, explique Olivier Salomon, d’Alix Partners, société de conseil en développement de business. Donc c’est une part importante de la population et le hard discount veut ces clients potentiels. »

Parmi les enseignes qui ont investi ce nouveau terrain : Normal. L’entreprise venue du Danemark s’est installée en France en 2019. Pour Sébastien Chirouze : Directeur France de l'enseigne, l’intérêt du centre-ville est évident. « Notre stratégie a toujours été en centre-ville. On recherche du flux piéton, et ça se passe en centre-ville et en centre commercial. On veut profiter d’une zone de chalandisme, des gens qui passent et se disent que c’est joli à l’intérieur. » Selon le directeur France, les mairies accueillent avec plaisir leurs boutiques.

Pas une surprise. Suivre le client en centre-ville n’aurait pas été possible il y a une dizaine d’années. S’installer en périphérie était aussi un choix pour diminuer le loyer pour les entreprises de discounts. Sauf qu’en ville, la place se libère. « Un nombre d’acteurs plus classiques ont dû lâcher des emplacements en centre-ville parce que les coûts immobiliers étaient plus élevés, explique Emmanuel le Roch. Ça a créé de l’opportunité. »

Ces enseignes se sont rendu compte que dans leurs magasins périurbains, ils avaient toutes sortes de profils client y compris plus aisés qui se déplacent pour faire des bonnes affaires. 

Résultat et conséquence de ce changement, la clientèle du discount change. 81 % des personnes sondées d’une étude de .becoming sur le hard discount ayant un revenu annuel supérieur à 60 000 euros y vont également. « Du fait de l’inflation, 95% des foyers disent être contraints de faire attention à leurs dépenses. explique Olivier Salomon, d’Alix Partners. Donc ces enseignes qui visaient des segments clients plus en périphéries qui habitent là pour des loyers moins chers se rendent compte qu’elles ont aussi des possibilités en centre-ville. »

Pour attirer ce nouveau client, le discount a dû pourtant faire des concessions. Exit les entrepôts remplis de hautes étagères pleines de cartons de marchandises à peine déballées. Bienvenue aux intérieurs bien éclairés et les présentoirs réalisés par des menuisiers. « On s’éloigne du hard discount et faire subir au client les prix bas, décrit Sébastien Chirouze : Directeur France de l'enseigne discount "Normal". L’idée, c’est de les accueillir de la meilleure façon possible en garantissant le même niveau de prix. » Un sacrifice de coût qui en vaut la peine pour lui. Le hard discount fonctionne moins bien, longue vie au soft discount, comme on le désigne dans le jargon.

Un modèle qui peut durer ?

Déjà, le hard discount s’éloigne. « C’est dur de rester dans ce modèle économique, explique Emmanuel Le Roch. On voit par exemple Lidl qui est passé du hard discount au soft discount. C’est une montée de gamme. » Il laisse la place à d’autres acteurs. Par exemple la grande distribution et E. Leclerc qui a lancé des gammes à bas prix. Mais aussi directement des sites asiatiques comme Temu qui se passent de distributeurs pour seulement avoir à payer la livraison.

Autre question, celle de l’hyper consumérisme du système du discount. « Est-ce qu’on va continuer à consommer de la grande importation venue d’Asie ? Consommer plus local, moins… Je ne sais pas bien si la tendance va se développer, sur les 10, 15 prochaines années. C’est dur à déterminer, se demande Olivier Salomon. Je ne sais vraiment pas. Déjà aujourd’hui, on parle de questionnement environnemental, mais on continue à faire venir des produits en avion ou en bateau, alors... »

 

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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