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Affaire Jean Pormanove : qu'est-ce qui attire les spectateurs vers la violence ?

Affaire Jean Pormanove : qu'est-ce qui attire les spectateurs vers la violence ?

Un article rédigé par Melchior Gormand - RCF, le 4 septembre 2025 - Modifié le 4 septembre 2025
Je pense donc j'agisAffaire Jean Pormanove : qu'est-ce qui attire les spectateurs vers la violence ?

Le streamer français Raphaël Graven est mort le 18 août lors d’un live de 12 jours sur Kick, marqué par des violences physiques et psychologiques. Sans lésion traumatique constatée, l’affaire soulève la responsabilité des plateformes et des spectateurs. Pourquoi un tel engouement pour la violence ? Voyeurisme, fascination… quels mécanismes nous poussent à regarder ?

© DC Studio© DC Studio

Au-delà du drame, cette affaire révèle un phénomène plus large : l’attraction persistante des spectateurs pour la violence, qu’elle soit médiatisée, mise en scène ou vécue en direct. Deux psychologues, Michaël Stora, fondateur de l’Observatoire des Mondes numériques en sciences humaines, et Olivier Duris, psychanalyste clinicien, apportent leur éclairage.

Quand la violence choque et attire : un révélateur numérique

Un fait divers devient un révélateur. Pour Michael Stora, cette affaire illustre la manière dont les plateformes exploitent la viralité des contenus négatifs. "Ce qui crée de l’angoisse entraîne paradoxalement le plus de viralité", précise-t-il. Catastrophes, humiliations, haine en ligne : autant d’images qui captent l’attention et génèrent de l’engagement.

Un choc collectif naît de l’effet de surprise. Comme l’explique Olivier Duris, "beaucoup de gens ont découvert au moment de l’affaire non seulement la chaîne de Jean Pormanove, mais même l’existence de la plateforme Kick". Ce surgissement brutal, accompagné d’une violence extrême, a réveillé l’empathie du grand public, précisément parce qu’il n’était pas encore pris dans cette spirale d’habituation. Une médiatisation qui interroge la responsabilité. À travers ce fait divers, se pose la question centrale : pourquoi les médias et les plateformes misent-ils sur le choc et le scandale pour attirer ? Ce drame montre que la fascination pour la violence est amplifiée par la logique algorithmique, mais aussi par l’effet de groupe.

"Catharsis, désubjectivation et voyeurisme" : les mécanismes psychiques

L’Homme, fasciné par la violence depuis l’Antiquité. Michael Stora rappelle que cette dynamique n’a rien de nouveau. "Depuis les gladiateurs, le public cherche l’intensité des émotions fortes", explique-t-il. Mais, selon lui, l’interaction numérique change tout : "comme l’empereur romain qui levait ou baissait le pouce, les internautes se retrouvent dans une position de pseudo-pouvoir avec les likes, les dislikes".

Un voyeurisme participatif qui prend le relais. Pour Michaël Stora, il ne s’agit plus de "catharsis au sens aristotélicien", c’est-à-dire une mise à distance par la fiction, mais d’un soulagement brut, immédiat, qui "nourrit le sadisme latent". Le spectacle devient une consommation de souffrance en direct.

"La désubjectivation efface l’autre en tant que personne". Olivier Duris insiste : "le streamer est transformé en objet". Dans cette logique, la foule anonymisée dissout la responsabilité individuelle et banalise la souffrance. Le public n’y voit plus un être humain, mais un rôle, un corps disponible pour l’expérience collective.

Quand la société elle-même valorise la violence et la compétition

Pour Michael Stora, le phénomène ne se limite pas aux plateformes numériques. "On voit aussi des figures de pouvoir, comme Donald Trump, Vladimir Poutine ou d’autres dirigeants autoritaires, qui expriment une violence agie, parfois sans détour". Cette banalisation au sommet nourrit une culture où l’agressivité devient légitime.

Il souligne également une transformation psychique collective. "Le surmoi semble de plus en plus absent dans nos sociétés", remplacé par l’idéal de réussite et de performance. Cette pression sociale pèse particulièrement sur les jeunes, dont la santé mentale se dégrade. Les anciens défis viraux, comme le Fire Challenge, en sont un symptôme : "derrière la mise en scène spectaculaire, il y avait une profonde souffrance", rajoute le psychanalyste.

Face à cela, Michaël Stora remarque que certaines pratiques offrent une issue plus créative. "L'utilisation du second degré, la culture du mème et de l’ironie permettent de prendre du recul." L’humour, surtout lorsqu’il devient autodérision, apparaît alors comme une forme de résistance à la violence intériorisée.

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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