Accord de Bougival : quel avenir pour la Nouvelle-Calédonie ?
Manuel Valls, ministre des Outre-Mer, est en déplacement à Nouméa depuis mardi. Une rencontre à enjeux avec les acteurs locaux pour tenter de sauver l'accord de Bougival, signé en juillet. Ce texte était censé mettre fin à des mois de tension sur l’île, mais il a été rejeté depuis par le FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste), principal mouvement indépendantiste. Pour en parler, Jean-François Bodin, journaliste pour Radio rythme Bleu en Nouvelle-Calédonie, est l'invité de la matinale de RCF-Radio Notre-Dame.
Manuel Valls lors de la visite d'un musée à Taïhiti © Hans Lucas / Vaikehu ShanD’emblée Jean-François Bodin, journaliste en Nouvelle-Calédonie, précise que “le FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) ne ressemble plus au mouvement historique qui luttait pour l’indépendance”. Composé au départ de quatre entités : les indépendantistes du Parti de libération Kanak (Palika) et l’Union progressiste en Mélanésie (UPM), ont pris leurs distances du FLNKS, en donnant leur feu vert à l’accord, de même que l’Éveil océanien. Ils ont d'ailleurs quitté le FLNKS à la suite des violences de mai 2024. “Ces composantes sont plutôt favorables à l’accord de Bougival et militent pour qu’il aille au terme.” Restent l'Union calédonienne (UC) et le Rassemblement démocratique océanien (RDO). Au cœur du blocage, la volonté d’indépendance. “Les tendances restantes au sein du mouvement correspondent à la frange la plus radicale, qui n’a pour seule volonté de discussion que d’aboutir à la pleine souveraineté le plus tôt possible” ajoute Jean-François Bodin.
L'indépendance n’est pas envisageable aujourd’hui si l’on veut tenir compte des deux légitimités en Nouvelle-Calédonie.
Rappelons que l'accord de Bougival, appelé aussi “pari de la confiance”, prévoyait la création d’une entité étatique en “auto-organisation”, tout en restant dans le giron de la métropole. Des négociations dans le prolongement de l’accord de Nouméa, signé le 5 mai 1998 entre le gouvernement de Lionel Jospin, les indépendantistes et les non-indépendantistes. Celui-ci engageait une révision de la Constitution pour donner une plus grande autonomie à la Nouvelle-Calédonie. Tout semblait converger, mais actuellement ce qu’il reste du FLNKS a désavoué ses représentants qui avaient signé l’accord de Bougival en juillet dernier.
Ces derniers souhaitent ce qu'ils appellent “Kanaki tout de suite” et rien d’autre, ce qui complique les négociations selon Jean-François Bodin, pour qui, “l’indépendance n’est pas envisageable aujourd’hui si l’on veut tenir compte des deux légitimités en Nouvelle-Calédonie.” Certains Kanaks reprochent également au gouvernement d’avoir dissimulé ses intentions de départ, notamment de ne pas tenir compte du nouveau recensement qui, selon eux, joue un rôle important sur les listes électorales de 2026. Des accusations que réfute Manuel Valls. “C’est de la poudre aux yeux pour gagner du temps puisque le recensement qui vient d’être effectué ne change pas grand-chose sur la cartographie électorale en Nouvelle-Calédonie par rapport à celui qu'il y a cinq ans“ estime le journaliste.
L’avenir est en train de s’écrire pour la Nouvelle-Calédonie
Pendant ce temps, la plupart des Calédoniens sont dans l’attente et ressentent une forme de lassitude. "Beaucoup sont inquiets depuis les émeutes qui ont fait 14 morts en 2024, car la situation économique, sociale et sociétale est très compliquée” rappelle Jean-François Bodin. L'île fait face à une pénuries de médecins et d’infirmiers et a vu son chômage considérablement augmenter à la suite des violences ; plus de 11 000 demandeurs d’emploi. Autre inquiétude : “cet accord de Bougival, qui reste complexe et n’est pas forcément compris de tous, devait tout de même amener de la stabilité et un peu de paix, donc de la prospérité et des investissements ce qui permettrait aux habitants de se projeter.”
Pour l’heure, “les réunions se déroulent à huis clos entre Manuel Valls et les indépendantistes, peu de choses filtrent de leurs échanges”. Le ministre des Outre-Mer, qui souhaite faire avancer le dossier et trouver un accord, a d’ailleurs prolongé son séjour sur l’île de 48h. Les contraintes sont en effet lourdes puisque le projet de loi doit être transmis au Conseil d’Etat en début de semaine prochaine pour une adoption définitive en septembre, ce qui permettrait une consultation des Calédoniens en février en 2026.


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