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A Mayotte, le droit du sol en question 

A Mayotte, le droit du sol en question 

Un article rédigé par Jean-Baptiste Labeur - RCF, le 14 février 2024  -  Modifié le 26 février 2024
Le dossier de la rédaction A Mayotte, la remise en cause du droit du sol

Depuis début janvier, des barrages routiers paralysent Mayotte. Une grande partie de la population dénonce l’insécurité et la crise migratoire sur l'île. Dimanche en visite sur place Gérald Darmanin a annoncé la suppression du droit du sol à Mayotte pour lutter contre l’immigration clandestine. Mais la mesure doit être soumise à une modification de la Constitution.  

Interpellation pour contrôle d'identité d'un homme qui n'a pas pu présenter ses papiers durant l'opération Wuambushu, en mai 2023. Crédit photo : Bastien Doudaine/Hans Lucas Interpellation pour contrôle d'identité d'un homme qui n'a pas pu présenter ses papiers durant l'opération Wuambushu, en mai 2023. Crédit photo : Bastien Doudaine/Hans Lucas

En France, il y a plusieurs façons d’obtenir la nationalité française à la naissance. On parle de droit du sol et de droit du sang. Jusqu’ici, Mayotte bénéficiait d’un régime dérogatoire du droit du sol, dans le cadre de la loi « "Asile et Immigration" de 2018.  Depuis cette date, pour qu’un enfant né à Mayotte devienne Français, il faut que l’un de ses parents ait, au jour de la naissance, été présent de manière régulière en France depuis au moins trois mois. 

Une mesure radicale saluée à Mayotte

En annonçant dimanche 11 février, la suppression du droit du sol à Mayotte, le ministre de l’Intérieur estime "qu’il ne sera plus possible sur l’île de devenir Français si on n’est pas soi-même enfant de parents français". Cette suppression était devenue "indispensable" pour Mansour Kamardine, député les Républicains de Mayotte. "Il est clair que le dispositif actuel d’accès la nationalité par la naissance, sur le sol français de Mayotte, est attractif pour l’immigration clandestine. Cela se ressent avec les naissances répertoriées à l’hôpital. Plus de 75 % des mères sont originaires des Comores. On ne pouvait pas continuer comme ça".  

Une révision constitutionnelle nécessaire 

Mais la mesure devra toutefois être soumise à une modification de la Constitution. Deux options s’offrent au gouvernement un référendum ou la voie parlementaire. C’est là que cela se complique, car "le texte devra être adopté dans les mêmes termes au Sénat et à l’Assemblée" souligne Serge Slama professeur de droit public à l’Université Grenoble Alpes. 

La gauche et les associations craignent une surenchère de la droite et de l’extrême droite au moment de l’élaboration du texte, avec une demande de suppression du droit du sol généralisée à tout le pays. "La suppression du droit du sol est une vielle proposition du FN et de Jean-Marie Le Pen" rappelle Serge Slama. Eric Zemmour, le leader de Reconquête, en a fait lui aussi la demande dans la foulée de l’annonce de Gérald Darmanin. "Le danger, c’est que ce projet banalise la vision de l’extrême droite avec l’aval du gouvernement et cela va rouvrir un débat nauséabond que l'ion pensait refermé avec l’adoption de la dernière loi immigration" dénonce Dominique Sopo, président de SOS Racisme. 

Une mesure inefficace ? 

L’efficacité de la mesure est aussi contestée. Selon Serge Slama, "le régime dérogatoire a certes entraîné un recul du nombre d’enfants nés Français à Mayotte. Mais il n’a jamais été démontré que l’accès à la nationalité avait une influence sur les flux migratoires. A Mayotte, le régime dérogatoire n’a pas fait baisser le nombre de titres de séjour accordés." De son côté, Mansour Kamardine reconnaît que la seule suppression du droit du sol sur l’île ne sera pas suffisante pour freiner l’immigration clandestine. "Il faut aussi des moyens pour contrôler et sécuriser la frontière" souligne le député de Mayotte, dans un contexte de grande pauvreté et de crises sociales comme la pénurie récurrente de l'eau. 
 

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Le dossier de la rédaction © RCF
Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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