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60 ans du Tunnel du Mont-Blanc : une prouesse historique et technique

60 ans du Tunnel du Mont-Blanc : une prouesse historique et technique

Un article rédigé par Melchior Gormand - RCF, le 17 juillet 2025 - Modifié le 19 juillet 2025
L'invité culture60 ans du Tunnel du Mont-Blanc : une prouesse historique et technique

Il y a 60 ans, un exploit d’ingénierie voyait le jour au cœur des Alpes : le tunnel du Mont-Blanc. Long de 11,6 kilomètres, il relie Chamonix, en France, à Courmayeur, en Italie, creusant son sillon sous l’un des plus hauts sommets d’Europe. Soixante ans plus tard, ce lien stratégique entre deux nations est bien plus qu’un simple axe de circulation. Retour sur l'histoire d'une véritable prouesse technique.

Entrée du Tunnel du Mont-Blanc côté Italie © Wikimedia commonsEntrée du Tunnel du Mont-Blanc côté Italie © Wikimedia commons

Le Tunnel du Mont-Blanc incarne encore aujourd’hui l’évolution des échanges transalpins, les défis de la sécurité routière et les bouleversements d’une époque marquée par les mutations économiques et climatiques. Alors qu'il souffle ses soixante bougies en 2025, retour sur une infrastructure emblématique, miroir des tensions et des coopérations européennes.

Avant le Tunnel du Mont-Blanc, d'autres projets imaginés

C'est une histoire ancienne qu'on pourrait faire remonter au XVIIIe siècle. "C'est l'époque où le naturaliste Genevois Horace Bénédict de Saussure, qui est considéré comme l'un des pionniers de l'alpinisme, et l'un des premiers à avoir gravi le Mont-Blanc, déclare dans une sorte de prophétie « un jour viendra où l'on creusera sous le Mont-Blanc une voie charretière »", raconte Stéphane Mourlane, maître de conférences HDR en histoire contemporaine. 

Entre cette "prophétie" et sa concrétisation, avec l'inauguration du tunnel du Mont-Blanc en 1965, ce sont près de deux siècles qui se sont écoulés. "De nombreux projets se sont heurtés à des contraintes techniques qu'impose évidemment la construction d'un tunnel d'une dizaine de kilomètres mais aussi des contraintes liées aux vicissitudes des relations entre la France et l'Italie qui sont loin d'être un long fleuve tranquille", souligne l'historien. Des tensions très fortes existent entre la France et l'Italie, qui se traduit d'ailleurs par une véritable guerre douanière et qui constitue encore une fois un obstacle de taille. 

 

Un jour viendra où l'on creusera sous le Mont-Blanc une voie charretière.

 

Dès le début du XIXe siècle, il y avait déjà une volonté de rejoindre les deux provinces d'Aoste et de Savoie. "Il y avait des enjeux économiques liés la révolution industrielle et le progrès technique notamment l'avènement du chemin de fer, ce qui rend possible la réalisation d'un tunnel. Les travailleurs et les marchandises se mettent à circuler dans des proportions qui, jusqu'alors, n'ont jamais été atteintes", relate Stéphane Mourlane. Or, cet accroissement des flux souffre de la faiblesse des voies de communication.

De l'idée à la réalisation du chantier, un long tunnel de négociations

Il faudra attendre après la Seconde Guerre mondiale pour que l'on voit émerger d'abord une initiative privée qui conduit à un forage expérimental qui est poussé sur à peu près 500 mètres. "C'est une initiative certes privée mais elle est soutenue par d'un côté, la région autonome du Val d'Aoste, province francophone en Italie, et les cantons de la Vallée d'Arves", développe l'historien Stéphane Mourlane. Le coup d'accélérateur, c'est véritablement la mise en œuvre du projet européen avec la signature du Traité de Rome, le 25 mars 1957, qui met en place le marché commun. "Ça a pour effet une progression vraiment spectaculaire des échanges commerciaux entre la France et l'Italie", rajoute-t-il. Les diplomates français vont faire pression sur leurs collègues des Finances parce qu'ils sont bien conscients de l'intérêt qu'il y a à ménager l'Italie, "surtout à l'époque où le général de Gaulle a eu une perspective européenne qui diverge un petit peu de celle de ses partenaires".

 

Le coup d'accélérateur, c'est la mise en œuvre du projet européen avec la signature du Traité de Rome.

 

La construction du Tunnel du Mont-Blanc est un projet titanesque qui nécessite la mise au point d'énormes machines, notamment du côté français. "C'est une machine que l'on va appeler Jumbo, qui permet de creuser huit mètres par jour", raconte Stéphane Mourlane. Plus de 700 tonnes d'explosifs sont alors utilisés pour un travail difficile. "C'était pénible à cause de la poussière minérale dégagée lors des perforations et des éboulements fréquents notamment du côté italien", précise-t-il. En août 1962, les mineurs se rendent compte que l'écart d'alignement dans le tunnel est inférieur à 13 centimètres. "Pour l'époque, c'est historique !"

Une percée historique au cœur des Alpes

Mais malgré tout, le 15 septembre 1962, une grande cérémonie est organisée pour célébrer la jonction entre les équipes de mineurs français et italiens. "C'est un moment important sur le plan politique. Le président du conseil italien déclare que ce tunnel va contribuer à l'union politique de l'Europe", raconte l'historien. Entre la jonction et l'inauguration officielle, va se dérouler trois ans. C'est le 16 juillet 1965, que les deux présidents de Gaulle et Saragat ouvrent le Tunnel du Mont-Blanc. "C'est historique car d'un point de vue des relations franco-italiennes, il y a la question du Val d'Aoste. Le général De Gaulle a toujours été un peu suspecté de vouloir annexer cette région francophone", précise Stéphane Mourlane. 

 

Le président du conseil italien déclare que ce tunnel va contribuer à l'union politique de l'Europe.

 

Le 24 mars 1999, un incendie dramatique entraine la mort de 39 personnes, et plus de 24 camions et 9 voitures sont détruites. "C'est vrai que c'est un événement qui a beaucoup marqué. Ces trois ans de travaux, qui ont suivi avant la réouverture, a été envisagé un doublement des voies, qui était d'ailleurs prévu initialement", souligne Stéphane Mourlane. Des travaux vont effectivement conduire à certains ajustements, des niches tous les 100 mètres, un poste de secours au milieu du tunnel, des abris reliés également à une galerie d'évacuation qui se situe sous la chaussée, et puis une salle de commande commune. Des travaux de rénovation du Tunnel du Mont-Blanc ont impliqué 14 semaines de fermeture ces dernières années.

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Cet article est basé sur un épisode de l'émission :
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