10 ans après l'attentat de l'école Ozar Hatorah à Toulouse, "c’est important qu’on parle des victimes et plus de l'assassin", selon Jonathan Chetrit
Il y a dix ans jour pour jour, Jonathan Chetrit était élève de terminale au lycée juif Ozar Hatorah à Toulouse, renommé depuis Ohr Torah. Il a vu le terroriste Mohamed Merah assassiner l’enseignant Jonathan Sandler, et les enfants Gabriel Sandler, Arié Sandler, et Myriam Monsonego. Un attentat qu’il raconte dans son livre "Toulouse, 19 mars 2012, L’attentat de l’école Ozar Hatorah par ceux qui l’ont vécu" (éd. Albin Michel).
Ce lundi 19 mars 2012 au matin, Jonathan Chetrit, élève de terminale, interne au lycée Ozar Hatorah de Toulouse, est dans la synagogue de l’établissement scolaire. Comme chaque jour. Mais celui-là ne ressemblera à aucun autre. "J’entends des coups de feu et pour moi, ce sont des pétards", se souvient Jonathan Chetrit. Mohamed Merah, le terroriste, entre dans l’école casqué et armé. "Je pense qu’il s’agit d’un livreur ou d’un coursier. Les coups de feu reprennent et je comprends bien qu’il se passe quelque chose d’anormal. Il y a une forme qui tombe devant lui, je crois sincèrement qu’il s’agit de Myriam [Monsonego, NDLR] et je le comprendrai juste après", retrace celui qui était alors lycéen. "Ces 30 secondes sont irréelles, très brutales. C’est quand la CPE arrive à ma rencontre et hurle 'Il y a un tireur dans l’école' que je comprends."
Parler des victimes plutôt que de l'assassin
En compilant les témoignages d’anciens élèves et le sien, Jonathan Chetrit a voulu donner la parole aux témoins. "C’était important qu’on parle des victimes et qu’on arrête de parler de l'assassin", assure celui qui regrette que cet attentat porte le nom de celui qui l’a perpétré. "On parle de l’affaire Sarah Halimi, Ilan Halimi, Mireille Knoll, du Bataclan, de l’Hyper Cacher et de Charlie Hebdo mais on parle de l’affaire Merah et c’est quelque chose qui profondément me gêne. Ce livre c’est une façon de rectifier le tir", confie-t-il.
La vie a rapidement repris ses droits dans cette école. "Trois jours après on était déjà en classe", explique l’avocat. "On avait ce besoin d’être sur place. [...] C’est évident que de vivre un drame comme celui-ci à nos âges nous a détruits et il a fallu apprendre à se relever. On n’est pas supposé vivre ça à cet âge-là", regrette celui qui, aujourd’hui, veut "profiter de la vie".
"Il fallait prendre conscience qu’avant d’être juifs on est Français"
Des enfants et un enseignant tués parce qu’ils étaient juifs mais pas seulement. "Le 19 mars 2012, on a trop parlé du fait que c’était une école juive et je pense que les Français ont assimilé le fait que c’était une école juive à une école israélite alors que ce n’est absolument pas le cas mais une école de la République française sous contrat, où 90% des enseignants sont non juifs. Il fallait parler d’école de la République française avant de parler d’une école juive, et d’élèves avant de parler d’enfants juifs”, déplore Jonathan Chetrit qui aurait aimé un soutien plus massif de la société. "Il fallait prendre conscience qu’avant d’être juifs on est Français."
Une foi renforcée
Cet attentat a changé le jeune homme pour toujours, jusque dans sa foi. "Ce serait faux de dire que la foi n’est pas remise en question dans ce moment. Mais on a eu des modèles. C’est le directeur de l’école, monsieur Monsonego, son épouse Yaffa, Eva Sandler. Et de voir comment ils se sont relevés dans la foi, on a nous-mêmes puisé des forces chez eux", conclut Jonathan Chetrit.
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