Jean-Marie SCHMITZ, ancien directeur général adjoint du groupe Lafarge
Le procès du groupe Lafarge reprendra la semaine prochaine, le 18 novembre. Les débats avaient été suspendus au deuxième jour, le tribunal correctionnel de Paris ayant reconnu l’existence d’une irrégularité de procédure. Ce procès pose la question de la responsabilité des entreprises en zone de conflit : dans quelle mesure le cimentier français pouvait-il agir en Syrie en zone de guerre sans être tenu responsable du financement des groupes armés avec lesquels il devait composer ? Aux États-Unis, Holcim (qui avait avalé Lafarge en 2015) a plaidé coupable d’ « avoir conspiré pour fournir un soutien matériel à des organisations terroristes étrangères » en acceptant de payer environ 777 millions de dollars d’amende pour ne pas se voir interdire le marché américain.
En France, Lafarge est poursuivi en tant que personne morale, avec huit anciens responsables, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes en Syrie jusqu'en 2014 pour maintenir l'activité de sa cimenterie de Jalabiya, dans le nord du pays. Le groupe français est soupçonné d'avoir versé plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes – dont l'État islamique et Jabhat al-Nosra, classés comme « terroristes ». Vont devoir s’expliquer l'ancien PDG Bruno Lafont, dont la ligne de défense consiste à dire qu’il ne savait pas, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international. En France, l’affaire avait été déclenchée par une plainte déposée il y a neuf ans, en novembre 2016, par 11 anciens salariés syriens, accompagnés des ONG Sherpa et ECCHR (Centre européen pour les droits constitutionnels et humains). Pour Jean-Marie Schmitz, ancien DG adjoint de Lafarge, groupe qui se prévalait du catholicisme social, ce procès est désolant, d’autant que la diplomatie française et Laurent Fabius avaient encouragé l’entreprise à rester en Syrie pour recueillir du renseignement sur la situation en pleine guerre civile.