Les soignants opposés à l'aide active à mourirAlors que notre pays va plus mal que jamais, il semble que le gouvernement ne renonce pas à présenter au cours de l’été un projet de loi pour autoriser l’Aide active à mourir, terme préféré à celui d’euthanasie, connoté d’eugénisme.
Il espérait un débat soi-disant apaisé (ou peut-être une
absence de débat) mais devrait constater au contraire que se lèvent les
oppositions face à cette violence supplémentaire faite à la société et aux plus
fragiles, quand on aurait surtout besoin de davantage de solidarité. 110
personnes handicapées, malades ou âgées ont publié récemment une
tribune dont le titre ressemble à un cri du cœur : « Quand nous souffrons,
rassurez-nous, soulagez-nous, retenez-nous ! » De nombreux soignants
aussi se révoltent car leur vocation n’est pas de faire mourir : la main qui
soigne ne peut pas être la main qui tue, soulignent-ils, et le risque est fort de
briser la confiance entre le patient et le soignant. Ils craignent d’autant plus
les effets d’une telle loi que le contexte est tendu dans les hôpitaux où l’on
manque partout de temps et de moyens. L’euthanasie pourrait souvent
apparaître comme la solution de facilité.
J’ai assisté récemment à une conférence 1 au cours de laquelle intervenait
le docteur Hubert Tesson, médecin chargé d’une unité de soins palliatifs. Il
décrivait très clairement la situation. Selon lui, il existait traditionnellement
trois façons de mourir : suite à un acharnement thérapeutique ; ou après
administration d’un cocktail lytique donné dans l’intention d’abréger les
souffrances ; ou en l’absence de prise en charge médicale, avec le déni que
cela pouvait représenter qui allait grandissant à l’approche de la mort. Nous
sommes sortis de cette situation délétère, explique-t-il, grâce aux lois votées
au cours de ces dernières décennies qui ont permis de développer un
modèle français de la fin de vie. Mais il arrive quand même qu’il y ait des
demandes d’euthanasie. Elles sont de 3 types : rarement pour cause de
souffrance physique (on recherche alors à avoir une réponse appropriée pour
rendre la situation moins violente) ; plus souvent pour souffrance psychique
(ce qui nécessite du temps et de l’accompagnement, car le désir de vivre
continue presque toujours d’exister) ; mais, le plus fréquemment, la demande
vient des familles et des proches, confrontés à des situations qu’ils trouvent
vaines et longues. C’est naturel et ce n’est pas dangereux, explique le
Docteur Tesson, tant que l’interdit de tuer nous protège. CQFD !
1 C’était organisé par l’Institut Ethique et Politique, le mardi 27 juin, salle Gaveau à Paris. Intervenaient
aussi notamment Erwan Le Morhedec, le professeur Emmanuel Hirsh ou le docteur Ségolène Perruchio, de
la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP).