L'humeur politique de Dominique Breillat RCF - page 4

Deux grandes figures intellectuelles qui avaient su faire évoluer nos mentalités archaïques nous ont quittés la semaine dernière. Robert Badinter restera l'artisant de l'abolition de la peine de mort mais aussi l'ardent défenseur de l'état de droit. Alfred Grosser dont la famille avait fui l'Allemagne nazie en 1933 a travaillé dès 1945 au rapprochement franco-allemand qui n'était pas évident. Nous avions eu la chance de l'entendre à Poitiers en 2016. Ces deux intellectuels à qui nous devons tant auront marqué leur époque.

Cette chronique a évoqué les alinéas 3 et 1 de l'article 49 de la Constitution. Hier lundi, c'était au tour de l'alinéa 2 de l'article 49 d'être au coeur des débats avec la motion de censure déposée par l'opposition de gauche. La Constitution rend très difficile l'adoption d'une motion favorisant la stabilité gouvernementale. Cela tient aux dispositions de cet article 49-2 ainsi qu'aux motivations des députés déposant une motion mais aussi à celles de ceux qui ne s'y joignent pas. Cela permet de comprendre pourquoi la motion a été repoussée hier.

Le Conseil constitutionnel a rendu sa décision le 25 janvier. Elle a suscité l'irritation des Républicains et du Rassemblement national qui n'ont pas su ou pas voulu lire la décision. C'est que le Conseil a "botté en touche" selon Dominique Rousseau. Il a annulé, pour des raisons de procédure 32 des 86 articles, les considérant comme des "cavaliers législatifs" et évitant de se prononcer sur le fond. Il ne reste plus aux déçus de la décision qu'à déposer une proposition de loi. Le Conseil, si elle est adoptée, devra alors se prononcer sur le fond. Et il faudra savoir lire sa décision.

Le droit constitutionnel sera certainement au devant de l'actualité dans les prochains jours. Il y aura jeudi prochain la décision du Conseil constitutionnel sur la loi sur l'immigration. Mais si il y a quelques semaines, on a beaucoup parlé de l'article 49-3, on parlera de l'article 49-1 lors de la déclaration de politique générale de Gabriel Attal. Doit-il demander un vote à l'Assemblée Nationale ? C'est ce qu'impose à mon avis l'article 49-1 mais depuis 1966, presque tous les nouveaux premiers ministres ont estimé ne pas être tenus à un vote sur leur programme. Nul doute que la question sera débattue le 30 janvier.

La formation du gouvernement de Gabriel Attal a été bien chaotique. Elle s'est faite en de nombreuses étapes que l'on a dû longtemps attendre et ce n'est pas encore terminé. Mais j'ai surtout été frappé par la composition de cette équipe. C'est le parisianisme absolu avec la moitié des ministres nés à Paris ou dans la proche banlieue et les 2/3 qui ont fait leurs études supérieures dans la capitale. En outre, moins de la moitié du gouvernement a affronté les électeurs aux élections législatives de 2022. Où est la légitimité politique ? Ces ministres ne connaissent pas les territoires et on ne sera pas surpris que persiste la défiance à l'égard du personnel politique.

La désignation de la personnalité succédant à Elisabeth Borne montre sans doute l'affaiblissement du Chef de l'Etat. Elle intervient moins de deux ans après le choix de la première ministre et Emmanuel Macron doit encore diriger notre pays pendant trois ans. La personnalité désignée résistera-t-elle aux difficultés politiques et à l'absence de majorité pendant trois ans ?
On peut en douter et Emmanuel Macron ne pouvant se représenter en 2027, ne sera-t-elle pas tentée de courir sa chance dans la course à l'Elysée.
Elle pourrait ainsi prendre ses distances et démissionner sur un sujet ayant les faveurs de l'opinion publique et auquel s'opposerait le Président.

2024 verra un très grand nombre d'élections qui auront des conséquences pour toute notre planète. On votera ainsi à Taïwan, en Inde et au Pakistan, en Russie, aux États-Unis et peut-être même en France si le 49-3 se révélait inefficace avec un renversement du gouvernement, le Président Macron répliquant par la dissolution. C'est dire toutes les incertitudes de l'année électorale 2024.

Depuis les années 1950, la SNCF a détricoté le réseau ferroviaire. Mais le réchaufement climatique conduit à s'interroger sur les transports et l'opportunité de rouvrir des lignes abandonnées apparaît. Depuis le début du mois, la ligne entre Thouars et Niort, axe du département des Deux-Sèvres, est à nouveau en activité. Elle est cependant uniquement consacré au fret. Ne faudrait-il pas qu'elle permette le transport du voyageur, évitant aux Thouarsais un abominable circuit de 5 heures avec deux changements. La région y gagnerais mais aussi la planête.

6 adolescents ont été condamnés le 8 décembre par le tribunal pour enfants pour avoir permis l'assassinat de Samuel Paty par leur attitude. Des peines de prison avec sursis ou aménagées ont été prononcées.
Il n'est pas certain qu'elles aient été adaptées à la gravité des actes reprochés à des adolescents de 13 à 15 ans.
Mais la justice disposait-elle de réponses adaptées ? On peut s'interroger sur ce que sera l'avenir de ces jeunes. En revanche, on peut espérer qu'en 2024, le procés des adultes apportera des réponses, mais une fois de plus, il y aura des absents, les réseaux sociaux dont la responsabilité à été immense.

La relaxe d'Eric Dupond-Moretti par la Cour de Justice de la République a, comme toujours après les décisions de la Cour de Justice de la République, suscité la polémique, faute pour l'opinion de comprendre les éléments de droit justifiant la décision rendue. Sans doute conviendrait-il de réformer le mécanisme de la mise en jeu de la responsabilité pénale des ministres. Mais alors il faudra empêcher un harcèlement des membres du gouvernement de la part de l'opposition et tout un travail auprès de l'opinion pour faire comprendre le support juridique des décisions - condamnation ou acquittement -.

Les élections législatives aux Pays-Bas ont été à la fois une surprise et un choc. Le Parti pour la Liberté de Geert Wilders, climatosceptique, eurosceptique, antimigrants est arrivé en tête grâce à une stratégie de dédiabolisation et la coalition de Mark Rutte au pouvoir depuis 2010 s'est effondrée?. Mais Wilders n'a que 23% des voix et 34 des 150 députés, le mode de scrutin conduisant à un éclatement du spectre politique. 15 partis sont représentés. Il sera difficile de former une coalition pour gouverner. En 2021 il avait fallu 271 jours pour constituer le gouvernement. Cela risque d'être encore plus long. Le modèle démocratique et tolérant néerlandais est bien atteint. Il faut s'en inquiéter pour les Pays-Bas eux-mêmes mais aussi pour l'Union européenne.

Les maires de nos communes ainsi que les secrétaires de mairie vivent une épreuve très difficile. Les uns sont victimes d'incivilités quand ce ne sont pas des agressions physiques, les autres doivent affronter une profession difficile et mal rémunérée. Deux propositions de loi sénatoriales sont en cours d'adoption pour renforcer la situation de ceux qui assurent notre démocratie locale. Sera-ce suffisant ? On peut en douter car il faut qu'il y ait un véritable changement dans l'état d'esprit de nos citoyens.

Ce mois-ci nous avons deux jours fériés. Mais en connaissons-nous le
sens ? Il serait bien nécessaire que dans les cours d'éducation civique
on explique la signification de chacun de nos dix jours fériés, qu'ils
soient à d'inspiration religieuse ou pas.

Ilo y a 375 ans, les traités de Westphalie mettaient fin, en 1648, à l'abominable Guerre de Trente Ans. Les diplomates avaient su trouver des solutions pour ramener la paix sur tout le,continent européen alors que les querelles religieuses avaient vu s'affronter tous les pays européens. On se prend à rêver qu'il faudrait une vaste conférence mondiale capable d'apporter la paix dans notre monde. La conférence réunie par Emmanuel Macron jeudi prochain pour trouver des solutions humanitaires au conflit entre Israël et le Hamas pourrait être un premier pas. Et ne pourrait-on aller plus loin ensuite, en évoquant les autres conflits et en s'inspirant de ce qui fut fait en 1648?

Emmanuel Macron a inauguré hier dans le château de Villers-Cotterets la Cité internationale de la langue française. On lui saura gré de ne pas avoir choisi une fois de plus Paris pour une grande réalisation présidentielle mais une petite ville de province méconnue. C'est à Villers-Cotterets que François Ier avait imposé la langue française dans les actes judiciaires. La Cité inaugurée vise à faire rayonner notre langue. Est-ce vraiment possible quand on constate l'invasion du globish ? Souhaitons malgré tout qu'elle contribue à nous donner l'amour de notre langue.

Il y a 50 ans nous quittait l'immense violoncelliste Pau Casals qui toute sa vie avait lutté pour la paix et la liberté. Aujourd'hui c'est le chef d'orchestre et pianiste Daniel Barenboim qui doit nous inspirer, lui qui a fondé en 199 l'orchestre du Divan occidental-oriental, réunissant 80 jeunes musiciens israéliens, palestiniens, libanais, syriens, jordaniens, égyptiens, afin de concrétiser la paix entre Juifs et Arabes.Bouleversé par le drame de Gaza, Il écrit à ses musiciens: "L'attaque du Hamas sur la population israélienne civile est un crime atroce, que je condamne fermement. La mort de tant de personnes au sud d'Israël et à Gaza est une tragédie qui marquera durablement...Et le siège imposé par Israël à Gaza est une politique s'apparentant à une punition collective, ce qui constitue une violation des droits humains". Puisse la douleur de Daniel Barenboim ramener les politiques à la raison..

Dans leur lutte contre Al-Qaeda les Etats-Unis ont commis deux erreurs majeures. Estimant que les ennemis de nos ennemis sont nos amis, ils ont contribué à ses débuts au financement de cette organisation terroriste, celle-ci ensuite se retournant contre les Etats-Unis. D'autre part persuadés de leur supériorité dans le domaine technologique ils n'ont pas pris garde aux modes d'action des terroristes et le 11 septembre 2001 a montré leur erreur.
Israël a commis les mêmes erreurs à l'égard du Hamas et les actions terroristes de cette organisation dont Israël a facilité le financement afin d'empêcher la création d'un Etat palestinien sous la direction de l'Autorité palestinienne, ont mis en évidence ces mêmes stratégies pernicieuses d'Ariel Sharon et Benyamin Netanhyaou. Israël saura-t-il en tirer les lecons ?

Mercredi dernier nous avons célébré les soixante-cinq ans de notre
constitution et elle est devenue la constitution à la plus longue
longévité de notre histoire constitutionnelle. Pourquoi une telle durée?
Sans doute parce qu'elle n'a été appliquée que neuf ans telle qu'elle
est rédigée. Sa pratique pendant cinquante-six ans, et c'est sa pratique
actuelle plus que jamais en faisant du président l'acteur quotidien de
la politique ignore totalement notre texte suprême. mais alors, à quoi
sert une constitution?

Le 12 mars 2011, Riccardo Muti dirigeait l'opéra Nabucco à l'Opéra de Rome. L'Italie était dirigée par Silvio Berlusconi dont la politique culturelle était un désastre. Contrairement à ses habitudes, Muti accepta après des propos profonds de reprendre le choeur des esclaves hébreux avec la salle, considérant que l'Italie était "Bella e perduta" (Belle et perdue). Ce fût un moment d'une rare émotion. Depuis un an, la néofasciste Giorgia Meloni gouverne l'Italie et elle veut domestiquer la culture italienne. On est alors enclin à crier "Riccardo, reviens pour sauver la culture italienne".

L'invasion du Haut-Karabagh par les troupes d'Azerbaïdjian illustre à nouveau la tragique histoire du peuple arménien. Ce peuple est dispersé dans le monde puisque 1 Arménien sur 3 seulement vit en République d'Arménie. En France, près de 700 000 personnes ont des racines arméniennes. Les frontières de l'URSS auraient dû rester telles quelles lors de sa disparition mais les mouvements sécessionnistes se sont développés, notament dans le Caucase. Les relations entre Arménie et Azerbaïdjian sont l'objet de conflits à propos de diverses enclaves. l'Arménie aujourd'hui est bien isolée, la Russie semblant s'en désintéresser et l'Union européenne est bien divisée pour que l'Arménie puisse avoir quelque espoir.