
Le Grand Témoin RCF - page 2
Chaque jour, Louis Daufresne apporte convivialité et regard positif, dans un esprit critique, sur l'actualité au sens large, en compagnie d'une personnalité reconnue et issue du monde intellectuel, religieux, etc.
Episodes
7 novembre 2025L'Institut Montaigne dit où en sera la France en 2040
Marie-Pierre de BAILLIENCOURT, directrice générale de l’Institut Montaigne, docteur en géopolitique, chargée de l'enseignement "Les entreprises de souveraineté" à Sciences Po
Où en sera la France en 2040 ? La date peut paraître lointaine, vu la défiance que suscite le monde politique et l’impéritie qui caractérise l’action publique. Le 16 juillet, l’Institut Montaigne, fondée par Claude Bébéar (1935-2025), publiait une étude de quelque 500 pages intitulée « France 2040 : Projections pour l’action politique » (juillet 2025), premier volet d’un triptyque qui va se déployer jusqu’à l’élection présidentielle. 13 tendances structurantes ont été identifiées au fil de 18 mois de travail, le tout étayé par plus de 800 sources. Les deux autres volets consisteront à produire des notes préparatoires pour 2027 et à chiffrer les propositions des candidats. « France 2040 » commence par la démographie sur laquelle repose notre modèle social. Le rapport prévoit qu’à cet horizon les personnes de 65 ans ou plus représenteront entre 27 % de la population, et que le ratio « actifs/inactifs » pourrait s’approcher de 50 %. Le système actuel n’est pas tenable. Le message de cette étude, portée par Marie-Pierre de Bailliencourt, est qu’il n’y a pas de solution toute faite. L’offre politique actuelle n’est pas satisfaisante. Quant à l’ingouvernabilité du pays, elle prend une dimension tout à fait préoccupante et d’autant plus scandaleuse que les patrons ne sont pas entendus par l’exécutif. Seul le narratif de la taxe Zucman s’impose dans l’espace médiatique, alors que des économistes de renom pointent son caractère destructeur. La croissance, le train de vie repose sur les entreprises que l’État maltraite ou ignore. En fin d’étude, l’Institut Montaigne esquisse 5 scénarios : le renoncement (prolongement de l’inaction sans aucun virage politique ou économique, ce qui conduit à l’enlisement du pays), le repli (posture de protectionnisme limitant les coopérations extérieures), la retouche (réformes modestes, sans changement systémique), la rupture (réformes de fond ambitieuses mais risque de coûts sociaux et de tensions), et la révocation (remise à plat ou rupture sévère : communautarisme, décroissance, voire démilitarisation). Ce que montre cette étude, plus largement, c’est que « gouverner, c’est prévoir ». Tout simplement.
Droits image: © RND-RCF
6 novembre 2025Baroudeurs du Christ sort en salle
Damien BOYER, réalisateur du documentaire Baroudeurs du Christ
Après Sacerdoce et ses 100000 entrées, voici cinq portraits de missionnaires en Asie et à Madagascar : « Baroudeurs du Christ », le documentaire de Damien Boyer, sorti en salles hier. Le film explore la vie de cinq prêtres français envoyés « à vie » dans des pays d’Asie ou de l’Océan Indien, des prêtres rattachés à Missions Étrangères de Paris (MEP), une institution qui a plus de 360 ans d’histoire. Des hommes qui ont tout quitté – carrière, famille, pays – pour « partir sans retour, dans un pays qu’ils n’ont pas choisi ». Leurs engagements sont variés : accueil de réfugiés nord-coréens, accompagnement de jeunes handicapés, lutte contre l’exploitation, soutien aux populations oubliées. Le documentaire met en avant leur foi, leur courage, mais aussi leurs fragilités. Comme pour Sacerdoce, la RATP a accepté la publicité de Baroudeurs du Christ, qui a exigé 7 mois de tournage pour 400000 euros de budget. La question posée à tous est la suivante : « Est-ce que vous avez trouvé votre radicalité ? Qu’est-ce qu’on est prêt à perdre pour donner ? »
Droits image: © RND-RCF
5 novembre 2025Le cardinal Jean-Paul Vesco, archevêque d'Alger, plaide pour la fraternité
Cardinal Jean-Paul VESCO, archevêque d’Alger, dominicain. Auteur de L’audace de la fraternité (Cerf)
Mgr Jean-Paul Vesco, archevêque d’Alger depuis quatre ans, créé cardinal par le pape François en 2024, ancien évêque d’Oran, est l’une des voix marquantes de l’Église catholique en Afrique du Nord. Dominicain, juriste de formation, il réfléchit à l’audace de la fraternité, à la manière de promouvoir la paix en temps de guerres, dans le contexte des relations franco-algériennes pour le moins tendues et apparemment sans issue. Dans cet entretien, il s’exprime sur l’identité, chose qu’il assume en se disant « catholique identitaire » mais en donnant à cette appellation un sens fondamental n’excluant ni le dialogue ni la rencontre au nom du Christ.
Droits image: © RND-RCF
4 novembre 2025À l’heure de l’urgence du réarmement industriel, redécouvrir Saint-Simon
Pierre MUSSO, philosophe, professeur honoraire des Universités en sciences de l'information et de la communication à Télécom Paris ainsi qu'à l'université Rennes-II. Auteur de Henri Saint-Simon - philosophe de la société industrielle (Fayard)
Tous les saints ne sont pas des héros de l’Église, même si Saint-Simon a parlé sur la fin de vie, où il connut la pauvreté, d’un « nouveau christianisme », tentative de rénovation morale sur la base de la religion du progrès et de l’humanité, conforme à l’émergence du « paradigme industriel ». Deux cents ans après sa mort, ce que la France compte de grands corps d’État et d’élitisme révèrent Claude-Henri de Saint-Simon. C’est un paradoxe que cette technocratie française, si impliquée en politique, ait pu accepter la tertiarisation de l’économie, croyant qu’un pays pourrait durablement rayonner en renonçant à la puissance industrielle, ce qui s’est passé dans le courant des années 80. Saint-Simon concevait l’industrie, cette « création collective » comme une voie de pacification à l’époque où les guerres déchiraient l’Europe. Son influence fut telle que sa pensée irrigua le socialisme comme le libéralisme. Son « nouveau christianisme eut beau être séculier, purement terrestre, il répondit à la question de Chateaubriand en 1797 : qu’est-ce qui va remplacer la religion chrétienne ? Avec la Révolution, dont il profita en spéculant, c’est « l’architecture fiduciaire » (Paul Valéry) qui s’effondra et notre pays, depuis lors, est toujours habité par un vide symbolique – que ses ingénieurs parvinrent à peine à combler sous Napoléon III ou la IIIe République, quand le paradigme industriel était à son apogée.
Droits image: © RND-RCF
3 novembre 2025L’ONU se mobilise pour faire interdire la GPA
Reem ALSALEM, rapporteuse spéciale de l’ONU sur la violence contre les femmes et les filles en 2021
C’était le 10 octobre à la tribune des Nations Unies à New York : un appel à l’abolition universelle de la GPA la gestation pour autrui, ce qu’on appelle également les « mères porteuses ». Cet appel a été lancé par Reem Alsalem, rapporteuse spéciale de l’ONU, auteur d’un rapport contre la violence faite aux femmes et aux filles, rapport invitant les Etats à prendre des mesures rapides pour éradiquer la GPA et élaborer une convention internationale l’interdisant sous toutes ses formes. « Aucune société ne peut progresser en normalisant la vente du corps des femmes. Ce n’est pas de l’amour, c’est de la violence », s’est-elle écriée. Reem Alsalem prend peu la parole dans les media. Sur notre antenne, elle récuse l’idée que la GPA puisse être perçue comme un contrat d’ordre privé, sans répercussion sur les droits humains, arguant que ce raisonnement était aussi tenu au sujet des violences conjugales. Ce qui est en jeu, c’est l’exploitation de la misère et la marchandisation du corps féminin. « Les femmes sont soumises à des violences physiques, psychologiques et économiques. Leur dignité et leurs droits fondamentaux sont bafoués », estime-t-elle. Et d’ajouter que « les enfants nés par GPA sont séparés dès la naissance de la seule mère qu’ils aient jamais connue. Être né par GPA, c’est commencer sa vie par une rupture et une perte. » Reem Alsalem souligne que « comme la prostitution, la GPA exploite les femmes » et conseille aux États de « criminaliser ceux qui achètent et profitent, jamais les femmes elles-mêmes ».
Droits image: Portrait de Reem Alsalem © DR
31 octobre 2025Saint John Henry Newman proclamé 38e docteur de l’Église
Didier RANCE, historien, diacre permanent, vice-président honoraire de l’Association francophone des Amis de Newman. Auteur de John-Henry Newman, maître et guide spirituel (DDB)
C’est demain que le cardinal britannique saint John Henry Newman (1801-1890) deviendra officiellement le 38e Docteur de l'Eglise, par voix du pape Léon XIV. Le Ciel prévoit même une création de poste puisque le théologien va assister saint Thomas d’Aquin dans sa mission éducative. Fils d’un banquier de la City qui fera plusieurs fois faillite, John Henry Newman est une personnalité douée qui, dès l’âge de 7 ans, se met à écrire des poèmes, des pièces de théâtre, un opéra-comique et aussi deux journaux d’école. Mais de l’eau coulera sous la Tamise avant qu’il devienne catholique en 1845 à l’âge de 44 ans, après être passé par l'anglicanisme et l'évangélisme. Sa vie sera mouvementée, à l’intérieur comme à l’extérieur, ponctuée de crises spirituelles et jalonnée de controverses avec le monde et aussi avec l’Église. John-Henry Newman va déployer sa pensée dans la littérature et exercer une influence sur ces auteurs anglais à la fois si baroques et profonds, comme Chesterton et Tolkien. Il était persuadé que Dieu lui avait confié une mission pour son temps qui est, à bien des égard, est aussi le nôtre. Promouvant l'engagement des laïcs dans une société sécularisée, le cardinal Newman peut être considéré comme un précurseur du concile Vatican II.
Droits image: Photo libre de droit
30 octobre 2025Remettre la mort dans la vie avec un funeral planner
Valery GUYOT-SIONNEST, funeral planner. Auteur de Ultimes cortèges - remettons la mort dans la vie (Leduc)
Si la mort est un mot qui claque comme une porte qui se ferme et qui nous fait peur, l’expression anglaise passed away semble ouvrir cette porte vers un au-delà. Autant la mise au monde ou le mariage se préparent, autant la fin de notre vie ici-bas n’est guère anticipée. Les Anglo-saxons savent créer des marchés dans les moindres replis de l’existence. La mort n’est pas si figée qu’on le croit. Après le wedding planner, l'organisateur de mariage, voici le funeral planner qui prend en main votre cérémonie dans un moment de tristesse et d’abattement. Franco-anglaise, Valery Guyot-Sionnest a tiré les enseignements d’une carrière passée à la direction de la communication de grandes entreprises. Elle voulait créer son métier, connecter l’humain et le divin. Pour l’Église, la sécularisation continue à modifier les rites d’initiation et de passage, ainsi que les statistiques de la crémation l’attestent. Parallèlement, le fait de pouvoir décider soi-même de se voir administrer la mort est un projet que nos gouvernants s’acharnent à vouloir concrétiser. Valery Guyot-Sionnest pose la question de l’anticipation : la société n’est plus porteuse des évidences du passé. Naguère, la vie s’organisait autour de la mort, devenue un tabou absolu, impossible à domestiquer. La Toussaint suivie du jour des morts invite à apprivoiser cette échéance, à l’anticiper à défaut, bien sûr, de la provoquer.
Droits image: © RND-RCF
29 octobre 2025La Bible peut-elle dénouer la situation politique en France ?
James WOODY, pasteur de l’église protestante unie de France, au temple d’Auteuil (Paris XVIe). Auteur de La liberté et les premiers rois d'Israël (Cerf)
On l’oublie trop souvent, la Bible a été une source de réflexions sur la liberté, le pouvoir et les régimes politiques, relayées par des philosophes politiques de l’époque contemporaine, comme Thomas Hobbes ou John Locke, qui connaissaient fort bien les Ecritures. Dans une société laïque, est-il légitime d’utiliser les textes bibliques pour s’interroger sur un sujet à caractère politique ? Car les questions spirituelles soulevées par les textes bibliques ne sont pas séparables des questions contemporaines, de notre marche du monde, malgré le temps qui nous sépare de la rédaction de ces textes. La Bible avait ainsi pensé le rôle de l’opposition, le “voile d’ignorance” dont chaque député devrait s’envelopper pour faire la loi, et bien sûr la séparation des pouvoirs que reprendra ensuite Montesquieu.
Droits image: © RND-RCF
28 octobre 2025Le 60e anniversaire de la déclaration conciliaire Nostra Aetate
Père Alban MASSIE, jésuite, docteur en théologie, directeur de la Nouvelle revue théologique, a dirigé l’ouvrage collectif Israël et l’Église dans le dessein de Dieu (CLD éditions)
Il y a soixante ans, le 28 octobre 1965, le concile Vatican II adoptait la déclaration Nostra Aetate, texte bref mais décisif qui va changer le regard de l’Église catholique sur les autres religions. Ces quelques pages inaugurent une ère de dialogue et de respect mutuel et changent la perspective sur le monde, laquelle devient plus horizontale que verticale. Avec le judaïsme, on sort de l’enseignement du mépris et on considère que les juifs ne sont plus à convertir puisqu’ils appartiennent à la même famille. Avec l’islam, on insiste sur l’adoration du Dieu unique. Avec le bouddhisme, on relève la voie pour « acquérir un état de libération parfaite ». Avec l’hindouisme, on pointe la volonté de « se libérer des angoisses profondes de notre condition ». Nostra Aetate écrit que « l’Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions ». Cette formulation ouvre sur un abîme de questionnements. Nostra Aetate cherche un nouvel équilibre, en désirant concilier la plénitude de la vérité dont l’Église catholique se dit dépositaire et les parcelles de vérité dont elle reconnaît la présence dans les autres religions. De fait, si Dieu est infini, pourquoi son action ne le serait-elle pas ? Dans l’euphorie des années 60, on adhère à l’idée de progrès, d’un monde qui va s’unifier et se pacifier, après les horreurs de la Seconde Guerre mondiale. Cet élan engendre un texte de portée prophétique. 60 ans plus tard, si l’ambiance n’est plus la même, Nostra Aetate rappelle quelque chose de fondamental et d’intemporel, c’est que tous les hommes se posent la question du « jugement et de la rétribution après la mort ».
Droits image: Photo libre de droit
27 octobre 2025John-Henry Newman, bientôt déclaré docteur de l’Église
Grégory SOLARI, théologien, directeur des éditions Ad Solem, diacre permanent dans le diocèse de Lausanne–Genève–Fribourg, enseignant au Centre catholique romand de formation en Église, spécialiste de John Henry Newman
Trois événements dans la vie de l’Église catholique à quelques jours d’intervalle : samedi 1er novembre, jour de la Toussaint, John Henry Newman (1801-1890) sera officiellement déclaré Docteur de l'Église par le pape Léon XIV. Ce cardinal britannique réfléchit à la nouvelle configuration que le monde moderne imposait aux catholiques, lesquels sont appelés à ne pas se dissoudre et à ne pas non plus se replier, deux tentations à conjurer. Cet événement aura lieu quelques jours après la visite du roi Charles III, chef de l’église anglicane, à Rome, visite officielle inédite marquée un long temps de prière. Au chapitre des grands rendez-vous, la semaine sera aussi dominée par le 60e anniversaire de la déclaration Nostra Aetate, promulguée le 28 octobre 1965 par le pape Paul VI, à la fin du concile Vatican II. Un court texte dont sont issues de longues réflexions.
Droits image: © DR
24 octobre 2025Parents et enseignants, tous unis contre l’illettrisme !
Alain BENTOLILA, linguiste, spécialiste de l’enseignement de l’oral et de l’écrit à l’école primaire, professeur des universités, professeur honoris causa de l’université catholique. Auteur de Demain la barbarie ? Parents et instits, même combat (Istya & compagnie)
« La situation de l’école est « extrêmement inquiétante », à tous les points de vue, à la fois « en termes de niveau », d' « inégalités sociales et scolaires » et de « santé », notamment psychique des élèves, ses trois « priorités » du nouveau ministre de l'Education nationale Edouard Geffray. Sur les 4000 suppressions de postes d'enseignants prévues dans le projet de loi de finances 2026, le ministre a répondu qu'il y avait « des endroits où aujourd'hui en France, malheureusement, il n'y a plus d'enfants » et « où effectivement on est obligé de supprimer des postes ». On ne découvre pas cette situation. Depuis un demi-siècle, il est impossible de compter le nombre de livres, de rapports parus sur l’effondrement de l’école. C’est si grave que la société est peuplée de millions d’illettrés. Ceux-ci sont à la fois plus vulnérables et plus manipulables. Si l’analphabète désigne la personne qui n'est jamais allée à l'école, l'illettré, lui, a passé de longues années sur ces bancs, dans ces couloirs, pour au bout du compte ne maîtriser ni la lecture, ni l'écriture, ni le calcul. Alain Bentolila mobilise parents et enseignants. Rien n’est irrémédiable. Le linguiste parie sur l’intelligence et la clairvoyance, et aussi beaucoup de bon sens. Il mène des expériences autour de l’écriture longue pour que les élèves s'approprient la plume, les mots, la pensée. Et ça marche !
Droits image: © RND-RCF
23 octobre 2025Sortir de l'obsession du seul pouvoir d'achat et de l'imaginaire des Trente Glorieuses
Benjamin BRICE, diplômé de l’ESSEC, docteur en sciences politiques de l’EHESS, chercheur associé au Centre Thucydide de l'Université Paris II. Auteur de L’impasse de la compétitivité (Les liens qui libèrent)
L'Union européenne va-t-elle renoncer à certaines de ses ambitions climatiques au nom de la protection de ses industries, soumises à une concurrence internationale féroce ? Cette question sera au cœur des discussions entre les 27 dirigeants aujourd’hui à Bruxelles. Deux dossiers illustrent à quel point l'équilibre que les Européens recherchent, entre climat et compétitivité, est précaire. Un blocage persiste sur la proposition de la Commission européenne de réduire ces émissions de 90 % par rapport à 1990. Autre dossier : l'interdiction de vendre des voitures thermiques neuves dans l'UE à partir de 2035. Plus largement, c’est notre imaginaire des Trente Glorieuses, focalisé sur le pouvoir d’achat, qui doit céder la place à une économie fondée sur la sobriété et l’investissement. Pour cela, cela suppose de sortir des préceptes auxquels l’UE se réfère toujours, en particulier celui du dogmatisme de la libre concurrence.
Droits image: © RND-RCF
22 octobre 2025Pourquoi tant de haine ?
Dr Gérard APFELDORFER, médecin, psychologue, psychiatre. Auteur de Pourquoi tant de haine - psychologie du ressentiment, de la colère et de la violence (Odile Jacob)
Entre le casse des bijoux de la Couronne et l’ancien chef de l’Etat mis à l’ombre à la Santé, c’est la semaine de la honte publique et du déshonneur pour ce grand pays que la France demeure. Semaine de la haine, aussi, si l’on écoute Nicolas Sarkozy condamné à cinq ans de prison pour avoir sciemment laissé ses collaborateurs rencontrer à Tripoli un dignitaire du régime de Mouammar Kadhafi. Un mandat de dépôt à l’origine d’une stupeur. Pour les juges, il répond à une « gravité exceptionnelle des faits ». Pour Nicolas Sarkozy, il a été motivé par la « haine ». Ce mot mérite d’être ausculté, d’autant qu’il n’en existe pas de définition et que, même juridiquement, les « propos haineux » ne sont pas répréhensibles. « La haine est plus clairvoyante et plus ingénieuse que l’amitié », écrivait La Rochefoucauld. Il est urgent d’en guérir. La haine corrode les personnes et des sociétés qui y succombent. C’est un poison qui finit par tuer celui qui la nourrit. La médiatisation des peurs contribue à la répandre et en attisent la virulence. Si la haine existe depuis Caïn, elle prend un caractère multidimensionnel à l’ère des réseaux sociaux et des media de masse.
Droits image: Photo libre de droit
21 octobre 2025L'hérésie, un vieux mot encore très actuel
Denis MOREAU, professeur de philosophie à l’université de Nantes. Auteur de Tous hérétiques ? Sur l’actualité de quelques débats chrétiens (Seuil)
Savez-vous ce que signifie le terme d’hérésie ? Je ne parle pas de ces entorses à l’art de vivre comme remplacer le vin rouge à table par du soda mais des vraies hérésies, celles d’avant, en fait d’aujourd’hui, car si elles sortent par la porte d’un passé lointain, elles reviennent par la fenêtre de nos méprises. Dans la société du « c’est mon choix », l’hérésie est douillettement installée. Le mot vient du verbe grec « choisir ». Il s’agit de choisir parmi les énoncés qui définissent la foi chrétienne. Les hérésies remplissent une fonction très utile car, par exclusions successives, elles permettent de séparer le bon grain de l’ivraie. Elles témoignent aussi de la vitalité des débats internes au christianisme. Officiellement, la dernière hérésie en date est celle du modernisme, au XXe siècle. Depuis Vatican II, l’Église ne jette plus l’anathème sur une hérésie. Au départ, ce mot n’est pas synonyme d’erreur mais d’option, d’interprétation. L’Église est alors comparable à un sculpteur sur son bloc de marbre : c’est en l’élaguant qu’il fait voir son chef-d’œuvre.
Droits image: © RND-RCF
20 octobre 2025Des liens multiséculaires unissent la France aux chrétiens d’Orient
Carine MARRET, docteur en sciences du langage, romancière. Auteur de Les chrétiens d’Orient et la France - mille ans d’une passion tourmentée (Balland)
En cette semaine missionnaire mondiale, peut-on imaginer que le christianisme meurt à l’endroit même où il est né ? La France avait construit une longue histoire humaine et diplomatique avec les chrétiens des origines, les chrétiens d’Orient, et Carine Marret, romancière, raconte mille ans de passion tourmentée. Pour les chrétiens d’Orient, c’est toujours le même refrain : partir ou rester ? Leur survie dépend du regard que nous portons sur eux, d’autant que, selon Carine Marret, les chrétiens d’Orient n’existent pas.
Droits image: Photo libre de droit
17 octobre 2025Peut-on appliquer un coefficient de probabilité à ce que disent les évangiles ?
Patrick BEHM, ingénieur, fondateur de la coopérative d’énergie renouvelable Enercoop, acteur de théâtre. Auteur de En quête du Jésus de l'histoire - une tentative d’approche bayésienne (éditions Vérone)
Qu’on ait la foi ou qu’on ne l’ait pas, peu importe, dès lors que l’intelligence procède avec curiosité et honnêteté. Ingénieur mais aussi militant écologique, Patrick Behm a fondé une coopérative d’énergie renouvelable appelée Enercoop. Mais ce n’est que l’un des aspects protéiformes de ce parcours de passionné de mathématiques et de philosophie, également acteur de théâtre. Rien ne le prédestinait à devenir exégète et à passer les évangiles au crible de la méthode bayésienne, du nom du révérend Thomas Bayes, pionnier de la statistique. Jésus demeure une personnalité insaisissable, certains en faisant un marxiste avant l’heure, d’autre un nationaliste zélote, d’autres encore une sorte de hippie anarchiste, etc. Pour ne pas ajouter une interprétation, Patrick Behm s’est demandé comment revenir à une vision plus proche de la réalité historique, en appliquant un « curseur de crédence » à des épisodes évangéliques, comme le fait de savoir si Jésus est réellement né à Bethléem. Le but n’est pas de déconstruire pour détruire mais de savoir sur quoi construire sa foi, à la lumière de ce que la recherche peut en dire de manière évolutive, dynamique. Patrick Behm ne verse pas dans la thèse mythiste destinée à nier l’existence même de Jésus. Il s’agit de savoir quelle probabilité il y a que tel ou tel événement se soit réellement passé.
Droits image: © RND-RCF
16 octobre 2025Pourquoi Arthur Koestler, l’auteur du Zéro et l’infini, doit sortir de l’oubli
Stéphane KOECHLIN, romancier, essayiste, journaliste. Auteur de Arthur Koestler - la fin des illusions (Cerf)
Journaliste, correspondant de guerre, membre du Parti communiste allemand puis écrivain antitotalitaire, Arthur Koestler (1905-1983) écrivit en 1940 une œuvre visionnaire, le Zéro et l’infini, traduite en France en 1946 et qui le fera mondialement connaître. Nous sommes tous des zéros, des êtres anéantis, face à l’infini du collectif qui écrase l’homme au nom d’abstraction absurde. Si la foi se conjugue à la raison, l’idéologie va de pair avec la folie. Cette mécanique des procès révolutionnaires puise son origine dans l’histoire de la Révolution de 1789, où un pur trouve toujours un plus pur qui l’épure. Une autre révolution, deux siècles plus tard en 1989, fait s’écrouler le mur de Berlin et avec surgit l’illusion d’un monde pacifié réconcilié par le consumérisme. Sauf que ce monde-là est en train de prendre fin. 120 ans après la naissance d’Arthur Koestler, la menace totalitaire revient par tous les pores de la géopolitique agressive et de la technologie invasive. Personnage sombre, parfois violent, Koestler ne trouvera jamais le repos et se suicidera avant sa femme Cynthia, en 1983. Il sera même un promoteur du suicide assisté. De sa vie errante et aventureuse, on retiendra que cet esprit libre, à l’image de Kafka ou d’Orwell, appartient à l’indispensable panthéon de la littérature concentrationnaire. « Depuis le 7 octobre, l’antisémitisme que ce Juif d’Europe centrale combattit toute sa vie s’est réveillé. Depuis que Poutine a envahi l’Ukraine, le spectre soviétique est reparu », écrit Stéphane Koechlin dans une biographie où Koestler n’est pas sans faire penser au personnage de Tintin.
Droits image: © RND-RCF
15 octobre 2025Avec Pascal et Rousseau, droite et gauche cherchent à transformer l'homme
Thomas VIAIN, agrégé de philosophie, ancien élève de l’ENA. Auteur de la Guerre des morales - comment gauche et droite cherchent à façonner l’individu (Hermann)
On a souvent dit que la droite et la gauche, c’était dépassé, qu’on en avait fini avec les clivages, que le « en même temps » d’Emmanuel Macron avait d’ailleurs emprunté le meilleur de l’une et de l’autre. On voit que ces deux marqueurs sont toujours très forts, au point que le milieu politique, dans ses petits arrangements, ne cesse de doser ce qu’il donne ou prend à l’un ou l’autre camp. Ainsi la suspension de la réforme des retraites est-elle perçue comme une concession à la gauche pour ne se faire censurer par le PS.
Voyons les choses d’un peu plus haut. Vu de droite, on est dans un régime de gauche : comme disait Raymond Aron « il y a deux partis de gauche en France dont l’un s’appelle la droite » et Jean-Claude Michéa d'ajouter : « la droite écrit en prose ce que la gauche écrit en vers. »
À l’inverse, la gauche pointe une toute puissance du marché qu’elle assimile à la droite, à des forces systémiques, à des rapports de domination qui s’exerceraient exclusivement au bénéfice de la droite, en particulier en ce qui touche à la reproduction sociale.
Quoi qu'il en soit, tout homme libre, tout journaliste, a un pied dans le camp d’en face. La chose se joue à un autre niveau, droite et gauche se livrant à ce que Thomas Viain appelle une guerre des morales, dans la séparation entre l’espace public et l’espace privé. Où l'on retrouve Pascal et Rousseau.
Droits image: © RND-RCF
14 octobre 2025A quel budget peut-on s'attendre ?
François ECALLE, conseiller maître honoraire à la Cour des comptes, président de l’association Finances publiques et Économie (Fipeco), ancien rapporteur général du rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Auteur de Mécomptes publics - conception et contrôle des politiques économiques depuis 1980 (Odile Jacob)
Le gouvernement dévoile aujourd’hui ses projets de budget de l'État et de la sécurité sociale pour 2026, dans un Parlement majoritairement hostile où il joue sa survie. En signe de bonne volonté, Sébastien Lecornu dit qu’il renoncera à l'article 49.3 permettant leur adoption sans vote. Le Premier est surtout attendu cet après-midi pour son discours de politique générale, notamment sur la réforme des retraites. Énarque et centralien Philippe Ecalle navigua dans les méandres de Bercy et de la Cour des comptes de 1980 à 2016, date à laquelle il fonde l’association Finances publiques et Économie (Fipeco). De 2008 à 2015, il rédigea chaque année le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques. C’est aujourd’hui un observateur indépendant et avisé, fort d’une longue expérience de contrôle des politiques publiques, en particulier dans les transports. Nul ne découvre la situation à laquelle la France fait face aujourd'hui. Si chacun a son idée sur la manière de lutter contre la dette, les Français sont divisés quant aux moyens d'y parvenir. Ce qui engendre instabilité et impuissance.
Droits image: © RND-RCF
13 octobre 2025Israël et la Palestine peuvent-ils s’inspirer de la longue histoire de la France et de l’Algérie ?
Yves SANTAMARIA, agrégé et docteur en histoire contemporaine et en sociologie. Auteur de l'Algérie et la France, une terre pour deux peuples (Odile Jacob)
« La guerre à Gaza est terminée », s’est plu à déclarer Donald Trump à bord d'Air Force One, en partance pour Israël et l'Égypte où il est attendu au « Sommet pour la paix », sur fond de libération d’otages, d’un côté, et de prisonniers de l’autre. La question de l’avenir, à savoir la coexistence pacifique entre deux peuples, demeure entière. L’histoire peut-elle nous inspirer ? Une terre pour deux peuples, est-ce possible ? L’Algérie et la France ont vécu cette expérience pendant 132 ans et si la tragédie en fut l’épilogue en 1962, d’autres voies avaient été envisagées.
Droits image: Photo libre de droit
Votre Radio vit grâce à vos dons
Nous sommes un média associatif et professionnel.
Pour préserver la qualité de nos programmes et notre indépendance, nous comptons sur la mobilisation de tous nos auditeurs. Vous aussi participez à son financement !




















