Incroyable destin que celui de Marie Skobtsov, émigrée russe fuyant la révolution rouge, maman puis moniale, engagée totalement auprès des pauvres puis des juifs à Paris. Après son extermination dans le camp de Ravensbrück, cette orthodoxe sera déclarée Sainte. Retour sur la spiritualité de cette femme, façonnée par les événements qu'elle a traversés.
Que peut bien vouloir dire se donner totalement ? A quoi ressemble une vie qui délaisse les mondanités ? Que signifie suivre le Christ et passer par la croix quand on est orthodoxe ? La vie de Marie Skobtsov semble répondre à ces questions. Elle commence dans l’immense Russie de la fin du XIXème siècle à Riga, dans une famille aisée, bourgeoise. Elle se poursuit près de la mer noire, puis à St Petersbourg. Sa jeunesse est celle d’une intellectuelle, fréquentant les poètes jusqu’à l’aube, s’enthousiasmant pour les idées progressistes, révolutionnaires… Elle harangue les ouvriers, s’engage au parti social révolutionnaire, devient maire d’une ville de Crimée…Mais tout s’arrête après son arrestation et son jugement. Elle quitte une Russie de la terreur, où le bolchévisme a pris le pouvoir. La liberté qu’elle recherche n’est pas celle-là. Son goût pour la théologie a réveillé une autre quête.
Au départ c’est une jeune fille privilégiée, mais elle meurt après avoir tout donné, devenant tout au long de sa vie une 'athlète du Christ'
A son arrivée en France, cette femme exilée, qui semble avoir laissé en Russie les illusions d’un monde utopique va s’engager auprès des plus fragiles. Sa vie devient charité. « Ce qui la rend sainte, c’est le mouvement de conversion, de metanoïa qui a été jusqu’au bout. Au départ c’est une jeune fille privilégiée, mais elle meurt après avoir tout donné, devenant tout au long de sa vie une « athlète du Christ » note Laurence Varaut auteure de « prier 15 jours avec Marie Skobtsov, sainte orthodoxe, Juste parmi les nations » publié chez « nouvelle cité ». Outre le souvenir qu’elle laisse, chez ceux qu’elle a protégés, comme chez les détenus du camp d’extermination, Laurence Varaut souligne « la reconnaissance de sa luminosité qui était visible, la grâce incréé, c’est-à-dire l’Esprit-Saint lui-même qui se voit chez les Saints ». Elle a été canonisée en 2004 par le Patriarcat œcuménique.
Quelques années après son arrivée en France, la mère de famille devient moniale. Elisabeth s’appelle désormais mère Marie. Elle se démène pour nourrir son monde, c’est-à-dire les plus pauvres. Son programme est simple : «vaincre la démesure du mal par l’amour et le bien sans mesure». Son engagement est total, quasi sans limites. Il lui arrive de rester des jours entiers sans manger ni dormir. « Le Christ n’a pas enseigné aux apôtres à se ménager et à calculer leur amour » écrit-elle.
« Ce qui m’a stupéfaite, témoigne Laurence Varaut qui a également écrit une biographie de cette sainte, c’est sa capacité de changement et dépouillement total, jusqu’à la fin. Elle semblait capable de vaincre tous les obstacles, traversant les deux guerres mondiales, la révolution rouge, la mort de ses trois enfants, les atrocités des camps d’extermination ».
« Le Christ n’a pas enseigné aux apôtres à se ménager et à calculer leur amour » écrit-elle.
En 1940, la maison de Lourmel qui a accueilli les plus fragiles, recueille désormais les juifs, venant de Russie et d’ailleurs. "La guerre, plus que jamais, exige de nous une mobilisation totale de nos forces spirituelles. J'ai bien dit 'mobilisation'. Car de même qu'un soldat mobilisé doit être disposé à tout quitter - sa famille, son travail, sa vocation - et à entrer dans une autre réalité temporelle pour servir son pays, un chrétien qui se mobilise spirituellement doit être prêt à accepter des exigences non moins absolues. Le Christ et l'Esprit Saint vivifiant demandent aujourd'hui tout de l'homme tout entier". Très vite Marie Skobtsov pose des actes de résistance. Celle qui a lu « Mein Kampf » va très vite établir des certificats de faux baptêmes.
En 1943, la Gestapo débarque et procède à son arrestation. Détenue dans un premier temps à Romainville, elle sera ensuite déportée à Ravensbrück. « Il n'y a pas de question juive. Il y a la question chrétienne. Ne voyez-vous pas que c'est contre le christianisme que la lutte est engagée? Si nous étions de vrais chrétiens, nous aurions tous porté l'étoile jaune. Les temps de confesser la foi sont arrivés ». Mère Marie sera gazée la veille de la libération du camp. Elle est devenue une grande figure de l’Eglise orthodoxe russe en France.
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